Sultana (Princess), Jean Sasoon

Princess Jean SassoonCe livre fait partie de mes lectures indiennes avec le dernier tome de la Trilogie de l’Ibis. C’est un livre que j’ai pioché au pif dans la bibliothèque bien fournie et oh si intéressante de mon beau-frère. Lu en deux jours à peine, sur un sujet sensible, ce livre fut une vraie bonne découverte.


Résumé: Sultana est née dans l’une des branches de la famille royale d’Arabie saoudite. La place de femmes dans cette société machiste et traditonelle est réduite à la production d’héritiers et/ou à être une potiche.

Sultana n’est pas d’accord et ébranle son monde, du moins autant que faire se peut, depuis sa prison dorée. Une histoire vraie, racontée par une amie occidentale de Sultana.


L’histoire: Sultana (un nom d’emprunt) est l’une des plus jeunes filles de la première femme d’un prince saoudien. Elle n’a qu’un frère, Ali, dont son père est complètement fou. Forcément, c’est un garçon. Sultana et ses sept soeurs, quant à elles, ne peuvent pas se rendre à la mosquée, sortir sans être couvertes, et n’ont généralement jamais plus qu’un regard couroucé de leur père.

Qasr-al-HosnSultana est une petite fille pleine d’esprit qui ne comprend pas ces contradictions et qui le dit haut et fort, ce qui lui vaut une réputation d’enfant difficile et de tête de mule.

Mais il ne fait pas bon être rebelle au royaume saoudien. Lorsque la mère de Sultana meurt, le veuf se remarie illico pour la ‘remplacer’.

Une gamine de 14 ans, de l’âge de Sultana, débarque dans son palais et est installée dans les appartements de feu sa mère. Sultana, d’abord révoltée, devient ensuite plus triste qu’autre chose pour cette ado qui doit géré une maison dans laquelle vivent les enfants de sa prédécésseure et ouvrir son lit à un homme qui pourrait être son père.

Sultana et la nouvelle épouse se lient d’amitié, et forment, avec deux autres jeunes filles, un club secret dont le but est de défendre la cause des femmes en Arabie Saoudite: Les deux autres jeunes filles vivent dangereusement, en allumant des étrangers dans les parkings et en faisant « tout sauf la pénétration » avec eux – tout en gardant leur voile sur la tête pour ne pas être reconnues.tease

Mais lorsqu’elles sont prises la main dans le sac, l’une des jeunes filles est mariée à un vieil homme très tradi tandis que l’autre est noyée dans la piscine familiale.

La nouvelle épouse du père de Sultana, même si elle n’a pas pris part à cette débauche, est répudiée et renvoyée chez son père. Quant à Sultana, son père décide qu’il est grand temps qu’elle se marie, à l’âge tendre de 16 ans.

Sutana a de la « chance »: son promis est en fait plutôt moderne, et se plie à ses exigences: continuer ses études, et qu’il n’ait qu’une seule épouse, et non pas quatre, comme le veut la tradition.

WP-congratulationSon mariage, contrairement à celui de ses soeurs, droguées lors des cérémonies pour ne pas faire de vagues, est un mariage heureux et amoureux. Mais Sultana traverse une autre épreuve: après la naissance de deux filles et un fils, elle affronte le cancer, qui la laisse stérile. lorsque son mari lui annonce qu’il veut d’autres enfants, et donc qu’il va prendre une seconde épouse, Sultana explose.

Elle enlève ses enfants, vide ses comptes en banque, et part en France. Son mari revient à la raison, et elle rentre.

Sultana se promet de faire bouger les choses pour les saoudiennes, et elle commence chez elle, par l’éducation de ses filles, mais surtout celle de son fils.


Mon avis: un livre qui se lit rapidement et facilement, sur un thème difficile: la place de la femme dans une société qui ne lui en accorde aucune.

L’histoire de Sultana est une histoire vraie, écrite par une amie étrangère de la princesse, plus de dix ans après qu’elle ait quitté le royaume saoudien, et après avoir rompu le contact avec elle. Toutes ces mesures de sécurités montrent bien le danger qui pèse sur cette princesse qui ose soulever le voile de la patriarchie de ce royaume du désert.

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Enfant, Sultana déteste son frère, tout simplement parce que leur père aime plus son rejeton mâle qu’aucune de ses sept filles. Ali est pourri gâté, et sait qu’il est plus important. Sultana lui livre une guerre sans merci: elle jette sa montre précieuse dans la piscine, son turban dans les toilettes, et expose la consommation de pornographie zoophile de son frère aux très strictes isntances religieuses de son pays.

Adulte, cette guerre continue. Lors d’un voyage, Ali et un ami (qui étudie pour devenir religieux) violent une fillette de huit ans « pour se divertir ». Fillette vendue par sa mère au plus offrant… Lorsqu’elle dénonce cette situation au mari de sa grande soeur, qui les héberge, celui-ci hausse les épaules.

La vengeance ultime pour Sultana sera de révéler à son frère que les femmes peuvent se faire réparer l’hymen pour paraitre vierges le jour de leur mariage… Ou que si elles n’ont pas le temps/les moyens, certaines mettent au fond de leur vagin un foie de mouton. Apparement le mec ne sent pas la différence, et comme ça saigne, il pense que sa femme est vierge.

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Ali, qui se tape étrangères et prostituées à tour de bras, ne conçoit pas que les femmes qu’il épousera (quatre, souvenez-vous), ne soient pas vierges. Les révélations de Sultana le minent, car il ne pourra jamais être sur à 100% que ses épouses ne lui ont pas menti.

Le destin de la mère de Sultana, mariée à 12 ans, et décédée après avoir mis au monde 12 enfants dont 8 ont survécu, est aussi tragique. Remplacée illico par une jeune fille adolescente, sa mémoire est balayée.

Sultana devient aussi familière avec le destin des employés de maison philipins, surtout les femmes, qui sont exploités et souvent sexuellement abusés.

On entend aussi les histoires tristes et tragiques des soeurs et cousines de Sultana, de leurs ambitions cassées par un mariage non voulu, des traditions qui les confinent dans un palais qu’elles ne peuvent jamais quitter. L’excision, sujet douloureux s’il en est, est aussi abordé.

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J’ai beaucoup aimé les sautes d’humeur et d’humour de Sultana, qui n’hésite pas à remettre à leur place ceux qu’elle devraient respecter, et à remettre en cause des traditions qui n’ont plus lieu d’être depuis longtemps.

Par exemple, lorsque ses tantes la préparent pour son mariage et lui épilent tout le corps à la cire (aie!!!) pour « raison d’hygiène », Sultana leur dit que le profète, s’il voyait les conditions de vie moderne, laisserait tomber cette recommendation. Tollé général chez les taties!

J’ai aussi apprécié les rappels historiques sur la création du Royaume d’Arabie Saoudite (pour moi ce fut plus une découverte qu’un rappel d’ailleurs), et la mise en perspective sur la guerre du Koweit, qui fut donc vécue presque de l’intérieur par Sultana et sa famille.

Les descriptions des dirigeants du royaume, ses oncles et cousins, sont aussi fort intéressantes.

L’écriture est simple et efficace, on tourne vite les pages et on a envie de savoir ce qu’il advient de cette princesse rebelle.

J’ai particulièrement aimé le dernier paragraphe, qui répond au premier: Enfant, Sultana voit son père emmener son frère à la mosquée, alors que les femmes et les filles doivent prier à la maison. Adulte, elle regarde son mari emmener son fils à la mosquée, mais elle doit rester prier à la maison avec ses filles. Rien n’a changé, mais insidieusement, Sultana éduque la génération d’après pour que tout change.

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jean-sasson-author-photo-1 L’auteure: Jean Sasson a grandit dans une petite ville rurale des Etats-Unis. En 1978 elle décroche un emploi dans un hopital de Riyadh, la capitale saoudienne, où elle restera dix ans.

C’est là qu’elle rencontre cette princesse si particulière, dont elle raconte l’histoire. Jean Sason a écrit plusieurs livres sur l’arabie saoudite et sur les pays de la région (Irak, Koweit).

Vous pouvez en apprendre plus sur cette femme passionnante et passionée sur son blog (en anglais).


Produits dérivés: Jean Sason a ensuite écrit deux autres livres sur la vie de Sultana et son combat pour les femmes en Arabie Saoudite, qui composent The Princess Trilogy. Elle est aussi l’auteur de nombreux autres ouvrages sur la région, dont l’un est un récit autobiographique du fils et de la femme d’Oussama Ben Laden.banner-for-blog-copy