Cavale, Jean-Claude Pirotte

Par Sara
Jean-Claude Pirotte fait partie de ces auteurs que j'ai découverts parce qu'ils étaient morts.Sa disparition en 2014 a été relayée dans le milieu littéraire, presse et émissions de radio/télévision.Et puis, également, la publication de Today we live écrit par sa fille Emmanuelle Pirotte a été l'occasion d'évoquer son nom, leur filiation, l'oeuvre visiblement grandiose du père. Vous le comprendrez aisément, je ne pouvais décemment pas continuer à me tenir à l'écart de telle oeuvre.

Le synopsis
L'auteur, repris de justice, raconte son quotidien, les images d'un passé qui le hante, la réalité de la cavale, de l'exil. Il parle de sa vieille amie la Gitane et son bar, il parle de Mamaque, de Ramiz, du bon vin, de la littérature, des réflexions qui l'habitent, sur la vie, sur la solitude, sur le sens de tout cela.
Mon avis
Sans surprise, c'est une belle découverte que cette Cavale.
J'y ai trouvé matière à réflexion, poésie, figures vivaces et le paysage qui défile, le narrateur emportant partout avec lui ses questionnements, son mal-être ou ses joies, ses goûts, ses souvenirs qui se superposent à la vie réelle.
La plume de Jean-Claude Pirotte est étonnante, elle mélange les mots parfois savants et ceux du franc parler de tous les jours. Des rimes s'insèrent dans sa prose éloquente, le rythme change, la ville aussi, Lille, Joinville-en-Vallage, Corcelles, Figueras... Le mouvement est avant tout celui de la pensée, qui évolue au gré des sujets de tout ordre qui préoccupent notre homme, l'accompagnent dans sa cavale.
Et puis, toujours, certains souvenirs auxquels il revient, parce qu'ils sont empreints de toute l'amertume de ce qui est pour jamais perdu.
Il va sans dire que l'expérience, concluante, est à renouveler, et que je me réjouis de savoir que toute l'oeuvre de Jean-Claude Pirotte m'est encore inconnue, un territoire à explorer, qui promet monts et merveilles.
Pour vous si...
  • Vous vous faites fort de découvrir un poète des temps modernes, qui a véritablement le sens des mots

Morceaux choisis
"Laisser de moi quelque chose, ne fût-ce qu'un soupçon d'apparence, les traces d'un égoïsme mesquin, d'une médiocrité nauséabonde, mais aussi, pourquoi pas après tout? un peu du sel douloureux qui infecte mes blessures. Sempiternelle rengaine de mélo.
Comment demeurer dans la mémoire, sauver de l'oubli la visite d'un couple de pies, la chanson fragile du ciel, et l'agonie des pensées? Comment justifier le droit d'être en vie, d'avoir été vivant? Ai-je donc besoin de me justifier? Quel orgueil enragé m'inflige ce pensum?"
"Ce pays, je n'y suis pas né. Je me l'approprie, j'en épouse les formes, les accidents, les surprises. Je pourrais le désigner comme une terre natale, mais je suis né si souvent déjà, dans le Tyrol, en Gueldre, à Florence, en Sologne. Il fallait que je naisse en cavale aussi, dans la solitude étrangleuse et la misère éblouie. Pourvu que je me souvienne, je pressens bien d'autres naissances, après d'étranges agonies."
Note finale3/5(cool)