L'ours

L'ours

Le weekend s'annonçait magnifique: la petite famille réunie pour une fin de semaine en camping sur l'une des îles du parc provincial Algonquin, au nord-est de TorontoL'heure du dodo est arrivée pour Anna, bientôt six ans, et son frère Alex, alias Stick, deux ans - bientôt trois. Les parents terminent la soirée devant un feu, en faisant cuire du bacon! Un ours arrive. Le weekend part en vrille et tourne au cauchemar.Les cris de la mère réveillent Anna. Comme la mère crie rarement, Anna ne comprend pas trop. Pap dézippe la tente, pogne le bras d'Anna, la pousse dans une grosse glacière Coleman et retourne chercher Stick pour le pitcher près de sa sœur. Il ferme le couvercle, met une roche entre les «mâchoires de Coleman». Les enfants sont pris «dans le ventre de Coleman». Puis, le silence. L'ours arrive, bardasse le Coleman, sent et continue son chemin. Anna et Stick arrivent à se libérer au petit matin. Anna voit un bout de viande avec, au bout, le soulier de Pap. Elle se précipite vers sa mère, allongée dans les plantes, pensant qu'elle se repose. Maman chuchote à Anna de partir loin de l'île avec son frère, de pousser le canoë au milieu du lac et de les attendre là. Parce qu'elle est une bonne fille obéissante, Anna appâte son frère avec son oursonne Gwen et une boîte de biscuits. Elle rame avec les mains jusqu'au milieu du lac. Maintenant, les deux enfants doivent se débrouiller... Ils ont faim, ils ont froid, ils ont peur. Et Anna est en colère contre ses parents qui n'arrivent pas.Anna et Stick seront retrouvés deux jours plus tard par des chasseurs et amenés à l'hôpital où les attend leur grand-père. Ça se termine sur un épilogue, vingt ans plus tard, dans une sorte de pèlerinage où Anna et Alex retournent sur l'île.L'ours
Claire Cameron s'est inspiré de l'histoire de Raymond Jakubauskas et de Carola Frehe, deux campeurs qui ont été attaqués et dévorés par un ours noir en octobre 1991 sur l'île de Bates.Elle y a ajouté deux enfants.J'adore les romans qui mettent en scène des enfants narrateurs. Il faut une grande habileté pour parvenir à incarner ces jeunes voix. Ici, ce n'est pas tant la voix qui m'a agacée. Claire Cameron a un talent indéniable pour retranscrire les peurs, la naïveté et les doutes d'une enfant. J'ai même pu faire abstraction de certains mots qui sonnent faux dans une jeune bouche: «Gwen s'est languie de moi», «J'ai pleuré et trépigné…».Le bât blesse ailleurs. J'ai été exaspérée par des incongruités grosses comme le bras (et, oui, j'ai eu un gros problème avec le Coleman!).

♦ Deux jeunes enfants dans un Coleman, un Coleman en fer que le père a l'habitude de porter, rempli de nourriture. Costaud le papa! Enfermer deux enfants dans un Coleman… Pas sûr que ce soit l'idée du siècle. Il y avait pourtant un canoë pas loin. Comment peut-on glisser une roche plate entre la base et le couvert d'un Coleman et arriver à le fermer? Comment ça se fait que les enfants ne sont pas morts asphyxiés, surtout avec l'odeur du caca de Stick? Que les enfants soient arrivés à sortir du Coleman… Ça me semble surréel et assez improbable.C'en est terminé du «cas Coleman»!Maintenant... Qu'une gamine de cinq ans (bientôt six) confonde un ours avec un gros chien noir. Qu'elle confonde du sang avec du jus de tomate. Qu'elle n'allume pas, en voyant la chaussure de son père au bout d'un «morceau de viande», qu'il s'est fait bouffer par un ours. ♦ Comment peut-elle penser que sa mère se repose? Elle est pleine de sang, de coups de griffes et à l'agonie? Elle aurait pu au moins lui proposer un pansement. Ça, elle connaît!Si Stick avait été le narrateur, j'aurais pu y croire. ♦ Enfin, qu'Anna n'entende aucun cri, aucun grognement pendant que l'ours déchiquète son père. Est-elle devenue sourde? Elle a entendu sa mère crier lorsque l'ours s'en est pris à elle, mais c'est le silence quand son père se fait démembrer. Ouin...Ma montée de lait est terminée. Grande respiration...La quatrième de couverture précise: «Entre Into the Wild et Room, un vrai tour de force.» (Immense coup de coeur pour Room d'Emma Donoghue.) Herman Koch, un auteur néerlandais que j'affectionne particulièrement, a été tenu en haleine toute une nuit par L'ours.Bon, bon, bon… Pas besoin de préciser que j'attendais beaucoup de ce roman. De fait, il avait tout pour m'emballer. Mais pour une déception, ça en a été toute une! Grrrrrrrrrr!L'ours, Claire Cameron, Kero, 288 pages, 2016.