Jonas Le Requin mécanique, de Bertrand Santini & ill. de Paul Mager

Jonas le requin mécanique

Ancienne vedette d'une série de films à succès (Les Dents de la mort), Jonas, le requin blanc, coule une retraite paisible à MonsterLand, un parc d'animations réunissant les monstres du cinéma. Il tente ainsi de distraire un public désabusé en singeant ses anciennes prouesses, mais notre mangeur d'hommes accuse les années et une mécanique rouillée. Résultat, le spectacle est constamment annulé, à force de pannes répétées. Le directeur est à bout de patience et décide d'envoyer Jonas à la casse.

Seulement, cette discussion n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd et le vieux Krokzilla veut avertir son pote de prendre la poudre d'escampette. Pourquoi ne pas saisir la chance de vivre son rêve en goûtant à la vie sauvage et aux courants de l'océan ? Mais Jonas en frissonne d'effroi. Il refuse de quitter son nid douillet, persuadé de la bonté des humains, auxquels il a dédié sa vie en tentant de les divertir du mieux possible. Ha, ha. Quel utopiste. 

C'est donc contraint et forcé que le cauchemar des stations balnéaires de Californie s'aventure vers le grand large, croisant en chemin un manchot rigolo, pris au piège d'un filet de pêche. Lui, Jonas, est enchanté de se faire un nouveau copain, sans toutefois oser lui avouer qu'il est fait de boulons et d'huile, de peur d'être ridicule. Loopy tombe dans le panneau et pactise avec le diable pour assurer ses arrières. 

Leur équipée folle et incongrue donne lieu à une lecture absolument désopilante ! 😉 On rit, on frémit, on sourit, on soupire, on râle, on beugle et on pousse des cris... de joie et de bonheur. Franchement, ce sont 110 pages de plaisir, pigmentées d'illustrations semblant tout droit tirées d'un film d'animation -quelle coïncidence - et forte d'une histoire délirante, racontée avec verve et humour, pour un festival de sensations.  

Après le succès du Yark, Bertrand Santini propose un autre héros littéraire à la fois touchant et délicieusement naïf (datant de 2014, depuis l'auteur a aussi raconté les aventures du chien Gurty). Jonas est une créature précédée de sa réputation monstrueuse, alors qu'il est finalement tout sucre tout miel au fond de lui, confronté à un apprentissage de la vraie vie, tantôt brutal, tantôt cocasse.

On croise aussi une belle brochette d'énergumènes dans cette épopée, dont le coriace capitaine Grisby ou le très avide Gavin Payet, plus tous les habitants de Wampanig Island qui lancent une pêche au trésor contre le squale. Les humains sont des idiots. Et Jonas, un doux rêveur. Lui avait pour désir profond de rencontrer sa maman et d'être vivant “pour renifler le froid, le chaud, la faim, sentir la flamme brûler, le vent caresser et renifler les odeurs, même les mauvaises” ! 

Quelle tristesse. On pense aussi à Pinocchio en lisant la fin émouvante, quelque peu précipitée, tout en refermant ce petit bouquin et en soupirant fort, fort, fort... de bonheur. Voilà une lecture exquise, merveilleusement drôle et légèrement attendrissante, conduite avec panache et tendresse. On passe un fabuleux moment en compagnie de Jonas, à terrifier les foules et à braver les tempêtes ! Je recommande.

Grasset Jeunesse / Octobre 2014

Jonas Le Requin mécanique, de Bertrand Santini & ill. de Paul Mager

J'avoue que j'ai beaucoup aimé la représentation du pirate et de son singe...

SOURCE : Paul Mager