Pinocchio est loin d'être mon conte préféré, pourtant il m'a été impossible de résister à cette adaptation de Michael Morpurgo. Parce que, Michael Morpurgo. En duo avec Emma Chichester Clark, dont les illustrations pleines de charme ont su apporter de la fraîcheur à cette histoire d'un grand classicisme. Car un vent de folie souffle sur cette version, et ça fait du bien.
C'est donc l'histoire d'un petit bout de bois, sculpté pour en faire un pantin, que quelques larmes de détresse ont su animer par magie. Ainsi naquit Pinocchio. Ses parents, fous de joie, se plient en quatre pour combler tous ses désirs, à tel point que ce fils trop gâté agit souvent sans réfléchir et leur cause beaucoup de chagrin. Pinocchio a soif de liberté, d'aventure et de découverte, aussi court-il droit devant, sans s'arrêter, zigouillant sans vergogne un Grillon Parlant, avant d'être rongé de remords, ou suivant naïvement un duo improbable, constitué d'un renard boîteux et d'un chat aveugle, avec la promesse d'une future grande fortune. Pinocchio est un benêt, mais un benêt attachant. Après tout, « grandir est une période passionnante et difficile ». Son apprentissage est une mise à l'épreuve de chaque instant, une série de tentations, un lot de souffrances, une suite de dangers et de catastrophes, d'erreurs et de malheurs, d'espoir et de bonheur. De vraies montagnes russes. Cette lecture pleine de dynamisme est ainsi touchante dans son approche, en donnant la parole à Pinocchio lui-même, qui livre sa propre version de son histoire légendaire. Morpurgo a puisé l'inspiration dans l'œuvre de Carlo Collodi, mais en apportant sa touche personnelle, beaucoup plus actuelle. Le roman n'en est que plus innocent et malicieux, surprenant et drôle.
Gallimard Jeunesse / Octobre 2015 ♦ Traduit par Diane Ménard (Pinocchio)
SOURCE : Emma Chichester Clark
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Et pour les amateurs du genre, n'hésitez pas à vous pencher sur le roman de Gilles Barraqué, Fantoccio (L'École des Loisirs, 2015) dans cette version tout aussi originale et inattendue.
Une nuit, dans la campagne de Toscane, sur la table d'une demeure crasseuse, un grand pantin de bois s'éveille à la vie, aidé par de puissantes incantations de sorcellerie. Fantoccio, doté des facultés de penser, de ressentir et d'agir, conçoit aussitôt sa naissance comme un vrai miracle. Geppetto, son maître marionnettiste, a de grands projets pour lui mais ce destin tout tracé va de moins en moins enchanter notre créature, qui ne supporte plus les faux-semblants. Sa rencontre avec la jolie Livia, dont il tombe amoureux, lui donnera aussi l'envie de voir plus loin, de briser ses chaînes et de satisfaire ses rêves insensés.
C'est un douloureux apprentissage de la vie, raconté avec beaucoup de tendresse et d'émotion. Le personnage de Fantoccio rappelle évidemment celui de Pinocchio dans sa perception naïve des choses et la grande désillusion qui succède ses découvertes, sauf que le héros de Gilles Barraqué est davantage un adolescent, qui porte sur son entourage un avis teinté d'amertume et de déception (j'ai parfois pensé au mythe de Prométhée & Frankenstein). Fantoccio est un garçon avec des pulsions et des interrogations, et tout ça fait que ça grouille dans sa tête, au risque de déborder. Il n'accepte plus d'être une “marionnette” entre les mains de son créateur et aspire à s'émanciper. Ce saut dans le vide fait écho au passage à l'âge adulte, un cap délicat, qui ne se déroule pas sans heurt. Ce roman d'une grande sensibilité n'est pas à mettre entre toutes les mains, d'autant plus que son style abattu est à mille lieux de la plume poétique et enchanteresse que j'avais savourée dans Au Ventre du Monde. Une impression plus mitigée, donc.