Steve Toltz – Vivant, où est ta victoire ?

L'intrigue

Aldo, inventeur insatiable de films de zombies made in Australia, de chewing-gums pour chiens, de vêtements de grossesse gothiques. Aldo, malchanceux perpétuel, phobique chronique, ami encombrant, amant lamentable. Aldo dont la vie semble guidée par une force qui le dépasse : l'échec.
Liam, ami indéfectible, flic cynique, écrivain raté, se détestant lui-même et détestant encore plus la société. Liam qui porte en lui, c'est certain, un chef-d'oeuvre. Et qui voit en l'existence même d'Aldo le matériau qui lui manquait.
Et Liam de se lancer un défi : devenir le biographe d'Aldo. Pour découvrir au passage que la cruauté humaine n'a guère de limites ; que Dieu rit de ses créatures ; et que nous créons de l'art parce que, être vivant, c'est être l'otage de ravisseurs silencieux dont nous ne pouvons même pas deviner les revendications.

Chronique

Un grand merci à Babelio et aux éditions Belfond pour ce partenariat.

En ouvrant ce roman, j'avais une petite idée de ce qui m'attendait, bien que je ne sois pas familière avec cet auteur dont le premier livre semble également avoir fait ses preuves.

Ce que je pensais lire ? Un roman plein de dérision, sur des personnages un peu blasés, le récit de deux vies d'amitié, le tout sur un fond de critique et désillusion vis-à-vis de la société.

Hé bien je n'ai pas été déçue, et même au contraire ce fut une très belle surprise !

C'est difficile de commencer une chronique sur un roman aussi vaste et à propos duquel il peut y avoir tant de choses à dire. J'ai été aspirée dès les premières pages par l'histoire d'Aldo Benjamin, qui n'a connu que malheur, misère et malchance dans la vie, et celle de Liam, poète et écrivain raté qui s'acharne à vouloir écrire un chef d'oeuvre et prend comme support son ami.

On est clairement confronté à un ovni de la littérature. Quelques touches de Bukowski, des notes de Kerouac, une plume ravageuse, des dialogues exaltants... Un superbe mélange !

L'auteur arrive à nous embarquer dans une histoire somme toute pitoyable et émouvante, tout en disséminant quelques pensées philosophiques qui donnent à réfléchir. Tantôt terre-à-terre, tantôt complètement barré, ce roman nous prend dans une spirale qui ne nous laisse que peu de répit !

Ou comment un homme qui est fond du trou peut se retrouver à creuser après avoir été accusé d'un meurtre... Et comment son fidèle ami décide de relater sa vie de A à Z en cherchant une signification à ce qui ressemble à tout sauf à un long fleuve tranquille.

Je me suis vue avec eux, en train de siroter un verre au bar de la plage, assise dans le sable, en train d'escalader cet ilot au milieu des vagues ou encore au tribunal ou dans la maison d'artistes...

Tous les personnages sont loufoques, l'intrigue également, et Aldo Benjamin nous régale avec de longs monologues touchants, cyniques ou juste stupides.

C'est bourré d'humour et de finesse, c'est sarcastique à souhait, on ne tombe pas entièrement dans la biographie gratuite puisque le tout est vivant, coloré et pittoresque.

Steve Toltz nous fait rencontrer des personnes tout droit sorties d'un film de beatnik, et nous pousse à réfléchir sur la société et son idéal de perfection, à ce qui est réellement bon pour nous, et à quel point on peut contrôler nos vies.

Au-delà d'une réflexion un tant soit peu philosophique, c'est pour sa profondeur, l'attachement que j'ai ressenti face à ces deux hommes, l'écriture, et le coté atypique de ce roman que j'ai été conquise.

Je lirai sans aucun doute son premier livre suite à cette découverte.

En deux mots

Un régal , tant pour le fond que la forme. Toltz manie l'art des discours et on en réclame toujours plus !

C'est le genre de roman qu'on ne peut plus lâcher une fois entamé, et qu'on ne peut qu'aimer même parfois sans trop savoir pourquoi.

Deux personnages à rencontrer de toute urgence.