Chateaubriand et l’Histoire…, par Alain Gagnon

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La misère de l’homme ne consiste pas seulement dans la faiblesse de sa raison, l’inquiétude de son esprit, le trouble de son cœur ; elle se voit encore dans un certain fond ridicule des affaires humaines. Les révolutions surtout découvrent cette insuffisance de notre nature : si vous les considérez dans l’ensemble, elles sont imposantes ; si vous pénétrez dans le détail, vous apercevez tant d’ineptie et de bassesse, tant d’hommes renommés qui n’étaient rien, tant de choses dites l’œuvre du génie qui furent l’œuvre du hasard, que vous êtes également étonné et de la grandeur des conséquences et de la petitesse des causes. (Chateaubriand, Pensées, réflexions et maximes)

Devant les événements historiques, qui sont les fruits d’une certaine complexité, les historiens sont un peu comme l’humain étendu sur le gazon qui scrute un ciel étoilé en août. Il choisit et relie des points photogènes, ce qui lui permet de dessiner des formes à l’infini : formes animales, formes humaines, chariot, casserole, oiseaux géants… Dans le champ voisin, un autre homme, couché dans l’herbe, dégagera d’autres dessins ; il en associera les mêmes points, mais de façon différente. Lequel est dans le vrai ? Les deux, et aucun.

Ici, au Québec, dans un temps rapproché tout de même, nous avons connu la Révolution tranquille. Déjà, des images diverses et parfois divergentes en ressortent. De même pour les temps de la putative Grande Noirceur. De même pour la Conquête britannique. Imaginez un peu ce qui arrive lorsque nous reculons plus loin dans le temps ou lorsque l’on fait référence à des conjonctures impliquant plus d’acteurs et de causes : la Chute de l’Empire romain, la Révolution française, la Révolution russe… De la foule des personnages et des faits insignifiants — lorsqu’isolés —, selon leurs préjugés idéologiques ou de tempérament, les historiens trouveront tous les matériaux nécessaires à l’élaboration des paysages historiques qui leur conviennent.

De là toutes ces versions de l’Histoire, des plus orthodoxes aux plus révisionnistes.

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon chat qui louche maykan alain gagnondu Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur .  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).