L’homme qui ne disait jamais non (Olivier Balez – Didier Tronchet – Editions Futuropolis)
Violette est une hôtesse de l’air pas comme les autres. Dans l’avion, au lieu de se contenter de servir les plateaux repas, elle étudie minutieusement le visage et l’attitude des passagers afin de repérer d’éventuels comportements suspects. Normal: son rêve est de devenir « profiler », du nom de ces professionnels engagés par les aéroports et les compagnies aériennes pour tenter de démasquer les possibles terroristes. Dans le vol Air France qui la ramène à Lyon, Violette ne tarde pas à repérer un passager qui semble totalement désorienté. C’est bien simple: il ne se souvient de rien. Il ne sait pas comment il s’est retrouvé dans cet avion, ni quelle date on est, ni même comment il s’appelle. Il ne se souvient plus non plus du code de sa carte bancaire, ni de l’endroit où il habite. Bref, c’est un parfait amnésique. Pour la pétillante Violette, l’occasion est trop belle: elle décide que ce passager, dont le passeport mentionne le nom d’Etienne Rambert, constitue le sujet idéal pour sa future thèse de psychologie. Elle décide donc de l’aider à retrouver la mémoire, en se rendant avec lui sur le lieu de son travail et dans sa maison, histoire de provoquer chez lui un déclic… qui tarde à se produire. Au passage, elle utilise son dictaphone pour enregistrer ses commentaires quant aux réactions d’Etienne, ce qui donne lieu à des scènes hilarantes, ce dernier n’appréciant que moyennement d’être réduit ainsi à l’état de cas d’école. Mais ce qui était un jeu au début va progressivement se transformer en thriller lorsque Violette et Etienne découvrent qu’avant de perdre la mémoire, celui-ci a sans doute tué sa femme! Alors, qui est vraiment Etienne Rambert? Un fils à papa? Un homme à femmes? Un addict du jeu? Son parcours contient manifestement beaucoup de zones d’ombre. Violette, elle, ne s’en préoccupe pas trop. Elle se rend même avec Etienne jusqu’à Quito, en Equateur, afin de comprendre pourquoi lui-même était venu dans cette ville quelques jours plus tôt. La jeune hôtesse se serait-elle jetée dans la gueule du loup?
Avec « L’homme qui ne disait jamais non », le scénariste Didier Tronchet et le dessinateur Olivier Balez signent un roman graphique plein de fantaisie et de rebondissements, qui tient le lecteur en haleine du début à la fin par rapport à ce qui s’est réellement passé avant qu’Etienne Rambert ne perde la mémoire. Reconnaissons-le: l’histoire imaginée par Trochet n’est pas particulièrement originale. Tout le monde sait que les amnésiques sont l’une des armes favorites de très nombreux scénaristes. Mais ce qui fait la force de cette histoire-ci, c’est l’énergie qui s’en dégage. L’enthousiasme de Violette à vouloir à tout prix résoudre le mystère de cet amnésique se révèle ainsi particulièrement communicatif, tandis qu’à l’inverse, le côté gauche et un peu passif d’Etienne donne une dimension clairement comique au récit. Les dialogues aussi sont savoureux, alors que le dessin très expressif de Balez met en valeur les réactions des différents personnages. Mention spéciale à la séquence finale, qui se déroule dans les rues de Quito durant le carnaval. C’est dans ces pages que le trait d’Olivier Balez s’exprime le mieux, Violette faisant d’ailleurs remarquer au moment où elle se trouve près d’une énorme statue d’ange surplombant la ville que « c’est typiquement un lieu de rendez-vous d’espions dans un film noir ». Au final, « L’homme qui ne disait jamais non » n’est peut-être pas une BD inoubliable (logique pour une BD sur l’amnésie), mais c’est un excellent divertissement, qui procure un réel plaisir de lecture. Et à ça, on ne dit jamais non!