Jane Austen aurait pu sous-titrer Emma par « De quoi je me mêle ?». Mais c'était un peu moins classieux, du coup elle est restée sur le prénom. D'un côté, rarement une intrigue m'a à ce point énervée par son bavardage ; d'un autre côté, toutes ces commérages s'expliquent dans ce petit monde étriqué de rentiers qui n'ont rien à faire de leurs journées, à part jauger et juger leurs congénères.
Emma Woodhouse, jeune femme de vingt-et-un ans n'a absolument aucune envie de convoler mais s'arrange pour envisager les noces des autres. Entremetteuse dans l'âme, elle imagine de fausses hymens naissantes, annule de vrais coups de foudre : bref, elle a tout faux ! Son père vieillissant et totalement sous le charme de sa cadette ne lui trouve rien à redire. Seul, Mr. Knightley, son beau-frère par alliance, de seize ans son aîné, rectifie sa vanité. Tiens, ce ne serait pas le moment de le marier, celui-là ?
Autant être honnête tout de suite (pour expliquer ma méchante note de ***), j'ai tourné les pages plus vite que l'éclair sur certains passages, en particulier ceux avec le numéro, l'insupportable Mrs E. Emma est un roman très dialogué, où les conversations alignent plus de mots que de informations. C'est aussi une comédie de mœurs où Jane Austen s'est amusée à dézinguer la middle class provinciale du paraître. Son héroïne, du fait de sa posture familiale, ne se permet pas l'émancipation et rêve pour d'autres. Elle s'acoquine toujours avec des personnes de moindre niveau social (Harriet, Jane plus difficilement car la demoiselle est fine), pour garder le soleil sur elle. Et c'est vrai qu'Emma est lumineuse, vive et parfois au manque cruel de savoir-vivre. Tout ce petit monde vit au rythme des alliances officielles (parfois fugaces et imprévisibles : un chagrin d'amour est si vite réglé), d'invitations à déjeuner ou à souper. L'arrivée d'une tierce personne dans le hameau de Hartfield alimente les ragots pendant un mois minimum.
À l'aise, Jane Austen distille dans son intrigue suffisamment de suspense avec ce piano parachuté, avec les secrets qui lient quelques protagonistes. Je l'aurais bien vu précurseur d'Agatha Christie : même acuité sur ses contemporains, même énergie irrésistible à parsemer de mystères de-ci de-là. L'écriture est toujours aussi subtile, l'écrivaine décortique savamment chacune de ses créatures. Reste enfin le moment de grâce de la déclaration, résumée en une question. C'est souvent comme cela chez cette auteure dont la pudeur interdit l'expansion verbalisée des sentiments : après tous ces longs discours, c'est un peu frustrant, néanmoins respectable !
Éditions Biblioteca Traduction de Pierre Nordon
emprunté à la bibliothèque
Je suis ravie de partager cette lecture avec Miss Kidae : merci pour cet accompagnement qui m'a drôlement motivée !
d'autres avis : EstelleCalim,
de la même auteure Mansfield Park Northanger Abbey Orgueil et préjugés Persuasion
Autant être honnête tout de suite (pour expliquer ma méchante note de ***), j'ai tourné les pages plus vite que l'éclair sur certains passages, en particulier ceux avec le numéro, l'insupportable Mrs E. Emma est un roman très dialogué, où les conversations alignent plus de mots que de informations. C'est aussi une comédie de mœurs où Jane Austen s'est amusée à dézinguer la middle class provinciale du paraître. Son héroïne, du fait de sa posture familiale, ne se permet pas l'émancipation et rêve pour d'autres. Elle s'acoquine toujours avec des personnes de moindre niveau social (Harriet, Jane plus difficilement car la demoiselle est fine), pour garder le soleil sur elle. Et c'est vrai qu'Emma est lumineuse, vive et parfois au manque cruel de savoir-vivre. Tout ce petit monde vit au rythme des alliances officielles (parfois fugaces et imprévisibles : un chagrin d'amour est si vite réglé), d'invitations à déjeuner ou à souper. L'arrivée d'une tierce personne dans le hameau de Hartfield alimente les ragots pendant un mois minimum.
À l'aise, Jane Austen distille dans son intrigue suffisamment de suspense avec ce piano parachuté, avec les secrets qui lient quelques protagonistes. Je l'aurais bien vu précurseur d'Agatha Christie : même acuité sur ses contemporains, même énergie irrésistible à parsemer de mystères de-ci de-là. L'écriture est toujours aussi subtile, l'écrivaine décortique savamment chacune de ses créatures. Reste enfin le moment de grâce de la déclaration, résumée en une question. C'est souvent comme cela chez cette auteure dont la pudeur interdit l'expansion verbalisée des sentiments : après tous ces longs discours, c'est un peu frustrant, néanmoins respectable !
Éditions Biblioteca Traduction de Pierre Nordon
emprunté à la bibliothèque
Je suis ravie de partager cette lecture avec Miss Kidae : merci pour cet accompagnement qui m'a drôlement motivée !
d'autres avis : EstelleCalim,
de la même auteure Mansfield Park Northanger Abbey Orgueil et préjugés Persuasion