S'il fallait vous parler de Superman Unchained en utilisant une métaphore cinématographique, et bien disons que cet album n'a rien à voir avec un petit film d'art et d'essai sympathique en compétition à Sundance, mais plutôt qu'il s'agit d'un énorme blockbuster à présenter en ouverture à Cannes, histoire de faire défiler une belle brochette de stars sur le tapis rouge. Scott Snyder s'amuse et se lâche, et son compère Jim Lee est le maître artificier le plus connu de l'histoire moderne du comic-book. Boum, explosion, c'est parti. Et plutôt bien, il faut l'admettre, avec une trame qui n'est pas des plus raffinée, mais fait mouche d'emblée. Une pluie de satellites et une station spatiale (le Phare) menacent de s'écraser sur Terre, et pour éviter la catastrophe imminente, il faut que Superman s'emploie, cela va de soi. La technique est éprouvée mais toujours efficace. D'un coté le scénariste cherche l'empathie avec le héros avec des didascalies introspectives, de l'autre Jim Lee sort le costume des grands soirs avec des vignettes et des splash-pages qui rappellent à tous pourquoi on le considère comme un maître. Rien de bien novateur, donc, jusque dans les confrontations/présentations avec les autres personnages d'importance de ce Unchained, qui apparaissent assez vite, de Lex Luthor, roi des mégalomanes et suspect évident, à Perry White (autoritaire et renfrogné) et la sexy Lois Lane (merci Jim). Superman déteste cordialement Luthor et c'est tout naturellement vers lui que se tourne les soupçons de notre héros, mais il commence à nourrir des doutes lorsqu'avec l'aide de Lois il remarque que l'impact est l'objet d'une constatation déroutante : un être doté de super-pouvoirs a dévié la masse en chute libre, et l'a redirigé. Le mystère s'épaissit d'une couche lorsqu'un sous-marin balance ses torpilles sur Superman, et que le lecteur découvre stupéfait que le général Lane (le père de Lois donc) a à son service un surhumain qui bosse dans l'ombre pour les Etats-Unis depuis 75 ans. Ce qui nous ramène à l'introduction même de Superman Unchained, à savoir le bombardement de Nagasaki, durant la seconde guerre mondiale. Snyder l'affirme tout de go, Superman n'est pas le premier surhomme qui a fréquenté notre planète, il y en avait déjà un autre en activité, il y a plus de soixante ans de cela. Le problème de cette histoire est probablement son éclatement, son ambition. Snyder veut à la fois livrer un récit ultra spectaculaire et audacieux, et dans le même temps, comme souvent il aime le faire, puiser dans le passé trouble de son héros pour en faire ressortir une menace inédite et toute puissante, qui vient à l'impromptue menacer le présent, et donc le futur. On est ainsi ballotté entre Dubai (où Superman affronte la menace d'un groupe de cyber terroristes du nom de Ascension) et les Etats-Unis où pour la première fois l'Homme d'Acier rencontre son vieil ennemi inconnu, un certain Wraith, qui se manifeste dans toute sa force, impatient d'en découdre. Finalement les deux machines de combat que sont ces antagonistes vont travailler de concert pour contrer la menace d'Ascension, tandis que l'avion de Lois Lane s'écrase en pleine mer et que Jimmy Olsen est enlevé. Et à partir de là c'est un peu tout et presque n'importe quoi, à en avoir le mal de tête. Armé d'ibuprofène, vous pouvez continuer à lire la suite, en imaginant les effets 3D, les explosions, les poings serrés, la musique élégiaque et les basses qui vrombissent dans la salle obscure. Sauf que là vous êtes devant un comic-book, et que ça finit par être trop confus, trop obscur, et que ça se termine dans un bouquet final assez peu crédible, avec le renfort d'une race extra-terrestre hostile et un combat homérique où plus que jamais le lecteur tremble en se disant que cette fois Superman pourrait bien y rester. Sauf que non car le film Dawn of Justice, et la Justice League pas très loin derrière, imposent de le ménager un minimum. Alors voilà, c'est spectaculaire, c'est très coloré et chargé en testostérone et en pathos, mais au final, très honnêtement, ce Superman Unchained aura servi à quoi? A servir de la castagne au chilo (à la tonne même...) et à annoncer à grands renforts de trompette l'arrivée du film The Man of Steel, qui est sorti, rappelons le pour les distraits, en même temps que le #1 de ce titre, aux Usa. Superman Unchained aura eu besoin de presque un an et demi pour proposer ces neuf épisodes badass mais anecdotiques. Un blockbuster avec des pop-corns, quoi. A lire aussi : Les origines secrètes de Superman : retour sur la jeunesse du héros