Un des reproches que certains formulent à l'encontre des comic-books est lié à la réapparition quasi systématique de personnages pourtant morts quelques mois ou quelques années auparavant. La mort se soigne très bien, chez nos héros de papier. Mais certains -une minorité- n'ont pas eu la chance de revenir, et leur trépas est resté définitif. Au point d'entrer dans la légende de la bande dessinée, comme c'est le cas de Captain Marvel. Ardent défenseur de notre planète, justicier cosmique au grand coeur et aux valeurs inébranlables, Mar-Vell est pourtant né sur Pama, planète mère de l'Empire Kree, dont il était le maître soldat, avant d'être accusé -à tort- d'être un traître. Les pontes de Marvel (la maison d'édition, il faut suivre un peu...) se sont réjouis du succès grandissant du personnage, dans les années 70, avant un déclin progressif, mais ont surtout opté pour une décision audacieuse et radicale, en 1982. Une mort plus humaine que super héroïque. Point de champ de bataille ou de combat épique, de némésis triomphante ou de sacrifice ultime, Mar-Vell succombe à un ennemi pernicieux et invisible : un cancer, qui le ronge et l'abbat, héritage d'un affrontement avec Nitro, qui se fait exploser à proximité d'un container renfermant un gaz mortel et radioactif. Notre héros absorbe le gros de l'impact, avant de s'évanouir sous l'effort. Des années plus tard, son geste courageux se rappellera à sa mémoire, sous la forme d'un mal incurable qui le terrassera. Le super-héros en devient super-humain, en cela que même des pouvoirs formidables ne peuvent contrer une maladie aussi omniprésente et redoutée, et qui n'épargne personne, sans distinction de classes sociales, de nationalités, de sexe, d'âge. Jim Starlin (scénario et dessins) nous propose un Captain Marvel digne jusqu’à ses derniers instants, avec l’hommage de ses pairs, la lutte pour l’acceptation de l’inéluctable et le refus, le déni, l'incompréhension des autres héros face à la douleur ultime. Un récit de mort pour une leçon de vie. Foin de batailles en costumes multicolores et caleçons moule burnes, c’est face au destin, à son organisme qui le trahit que notre héros doit rendre des comptes, tout en sachant que cette lutte là lui sera fatale, quoi qu’il puisse tenter. Les plus grands cerveaux de la science ont beau se creuser les méninges, aucune cure ne parvient à produire son effet, en raison de l'organisme si particulier du guerrier Kree, qui a été modifié par le port régulier et suivi des "néga bandes", ces bracelets quantiques d'où il tirait une grande source de pouvoir. Marvel fera de ce récit légendaire son premier véritable graphic-novel, tandis qu'en Vf je ne saurais trop vous conseiller de vous pencher sur un album de la collection Marvel Best of chez Panini. Il contient des vieilleries comme Marvel Spotlight #1 et #2 mais aussi Captain Marvel #29 et #34 ainsi que la mort de Captain Marvel en elle même, bien entendu. Dommage que la qualité patinée des pages de ce format ne soit pas adaptée pour reproduire couleurs et ambiances d'alors, et en exagère le rendu. Le lecteur moderne habitué aux cataclysmes universels sera probablement pris au dépourvu devant la naïveté et le caractère expéditif de certains trucs narratifs (comment le Kree devient le détenteur d'une conscience cosmique, par exemple) mais il ne pourra que rendre les armes devant la sensibilité affichée par Starlin, qui parvient à magnifier le bout du chemin, l'approche de la grande faucheuse, pour en faire une conclusion haute en dignité et lumineuse, comme l'évolution inéluctable vers un autre état d'existence, un repos mérité. Mar-Vell s'en va à jamais, et cette ordure de Nitro qu'il a combattu est lui resté en vie, pour par la suite être la source d'une autre tragédie inoubliable, la terrible explosion de Stamford, et des centaines de morts dans une école, qui amèneront peu après l'acte de recensement des super-héros, le début de la grande Civil War. Une saga intemporelle et indispensable, que cette mort de Captain Marvel, loin des artifices et de la pyrotechnie d'aujourd'hui, avec toute la douceur et la maestria des comics d'autrefois. A lire aussi : Marvel Masterworks : Adam Warlock par Jim Starlin