Auteur : Claire de Colombel
Date de publication : février 2016
Édition : Les Impressions Nouvelles
Pages : 143
ISBN : 978-2-87449-313-3
Synopsis : Il y a le corps habillé entre les séances, et le corpus nu qui s’arrête de bouger. Quand je monte sur l’estrade, je ne déshabille pas le premier. C’est plutôt comme enfiler un costume de scène. Quel est votre personnage ? Je suis le corps nu.
Nos mots parlent de nos pensées, nos gestes expriment nos sentiments, nos vêtements disent nos goûts. Silencieuse, immobile et nue, je ne montre que ce qu’expriment mes poses. Elles ne révèlent rien de mon intimité. C’est en écrivant que je me déshabille.
Avis : ★★★★★
Je tiens à remercier Babelio et Les Impressions Nouvelles pour m’avoir envoyé un exemplaire en échange d’une critique honnête.
J’ai beaucoup aimé Les Yeux nus. Je trouvais l’idée fascinante, de pouvoir accéder au point de vue, à l’expérience d’une modèle qui pose nue et il me semble que Claire de Colombel a trouvé la forme parfaite pour en parler : des textes majoritairement courts, dans lesquels elle exprime clairement son ressenti, ses observations. Certains passages sont plus longs, comme pour refléter son travail : elle est amenée à tenir des poses pendant une dizaine de minutes pour certains cours, après quoi elle doit trouver une autre posture, alors que pour d’autres séances, elle doit tenir une même pose pendant trois heures… Avec des pauses, certes. L’auteure explique d’ailleurs que finalement, elle ne fait qu’alterner poses et pauses.
Nous dessinions des personnes de toutes les corpulences et de tous les âges. Découvrir la vieillesse de la tête aux pieds, à dix-huit ans c’est troublant. Notre époque, pourtant avide d’exhiber le corps, nous l’avait cachée.
C’est vraiment fascinant de lire à quel point cette activité nécessite une volonté de dépassement de soi. Dans les moments les plus durs, où une pose accentue une douleur, en créé d’autres, et devient de plus en plus difficiles avec le passage du temps, il est difficile de ne pas être touché par la volonté d’acier du modèle, qui tiendra la pose jusqu’au bout malgré tout.
J’apprends à fixer mes limites, je ne peux pas accepter les exigences de toutes les personnes que je rencontre. Pourtant, il m’est encore difficile de refuser une situation qui ne me convient pas, quand mon premier réflexe est de la surmonter.
J’aime aussi particulièrement l’explication de l’auteure à propos du cliché selon lequel s’exposer ainsi demande d’être narcissique et de vouloir exposer son corps à tous. Comme elle nous le montre, ces raccourcis n’ont pas vraiment de sens et de fondement et elle distingue tout à fait la nudité dans son intimité et le corps qu’elle déshabille pendant des cours, pour son travail. Finalement, comme elle le dit si bien, c’est sa tenue de travail au même titre qu’un bleu est l’uniforme d’un ouvrier de chantier.
Une lecture très touchante et très intéressante, que je recommande sans hésitation. En plus la couverture est vraiment, vraiment magnifique.
J’ai toujours aimé les siestes et je les trouve d’autant plus délicieuses quand elle s’imposent, que l’engourdissement m’envahit et qu’il devient de plus en plus dur d’y résister. Mais sur l’estrade c’est différent, je n’aime pas m’endormir quand je pose. Je reviens à moi avec la sensation désagréable de m’être exposée dans un moment d’intimité. Corps abandonné, libéré de ma surveillance.
Pour en savoir plus : le site de l’auteure, Claire de Colombel.
Classé dans:Challenge Voix d'auteures 2016, Chroniques, Littérature française, Récits autobiographiques, Week-end à 1 000