Comment devenir libre quand tout vous prédestine à la soumission ? Itinéraire d’une jeune fille musulmane d’aujourd’hui, Confidences à Allah est un témoignage direct, cru, et cependant plein de poésie et d’humour, sur l’oppression des femmes. Eddy Simon et Marie Avril adaptent le monologue fiévreux de Saphia Azzeddine, portrait sans concession d’une jeune femme qui rêve d’émancipation et refuse de se soumettre.
Jbara vit les montagnes du Maghreb, entre ses parents, ses cinq frères et soeurs, et ses brebis. Elle rêve d’ailleurs, d’une modernité qui lui paraît inaccessible. Ignorant et violent, son père la ramène constamment à sa condition de femme, et donc de soumission. Pour tromper son ennui, Jbara couche avec les bergers de passage en échange de quelques friandises. Mais un jour, elle se retrouve enceinte. Elle est alors bannie du village et contrainte d’aller s’installer en ville. Pragmatique et désabusée, elle tente de s’en sortir et raconte sa vie : la misère, la prostitution, la prison, le mépris dans le regard des autres, ces hommes qui ne voient en elle qu’un objet sexuel… Dans ce monde qui ne veut pas d’elle, elle parle à Allah, son seul confident.
Avis
Belle adaptation du roman de Saphia Azzeddine du même nom dans laquelle Jbara se révèle sous les traits d'une jeune fille rêvant d'une vie meilleure loin de ses montagnes du sud marocain où l'avenir en tant qu'épouse est tout tracé. Mais dans une société où les hommes ont autorité sur les femmes Jbara n'a qu'Allah à qui parler. Le destin lui sourit (si je puis dire) le jour où les siens s'aperçoivent qu'elle est enceinte, rejetée elle quitte les montagnes direction la ville où là aussi les hommes auront un ascendant sur elle, même si elle se considère comme enfin libre. Ses choix vont l'emmener à faire certaines choses pas très louables pourtant elle considère que c'est toujours mieux que la misère tout en continuant à se confier à Allah.
Magnifique album qui met en scène la soif d'exister d'une femme dont la beauté trouble de nombreux hommes, le choix de la prostitution afin d'éviter la misère s'est vite transformé en besoin d'enrichissement, et la soif d'exister transformé en soif d'argent jusqu'à la chute. Les dessins magnifiquement colorés reproduisent à merveille les paysages marocains, les jeux de lumière dans le souk ou encore les émotions sur les visages des personnages. Certaines scènes m'ont étonné dans une BD grand public mais il faut de toute façon montrer la réalité des choses quitte à choquer.
A côté de la vie de notre héroïne, c'est l'idée d'un Dieu tolérant qui est développé et non pas l'idée d'une punition divine des brebis galeuses.
Très belle découverte.