À soixante-dix ans, Einar laisse ses jours s'écouler dans son ranch délabré d'Ishawooa, Wyoming. Depuis la mort de sa femme, puis celle de son fils Griffin, il se traîne les pieds, accomplissant les seuls rituels qu'il lui reste: traire sa vieille vache deux fois par jour, donner du lait aux chats et faire une piqure de morphine à son vieil ami Mitch.Mitch vit à deux pas de chez Einar. En piteuse état après s'être battu avec un ours, il passe son temps à sculpter des andouillers de cerf. Entre Mitch et Einar, c'est une amitié vieille de cinquante-et-un ans. Leurs chamailleries bon enfant, leur affection pudique, la bienveillance de l'un pour l'autre les lient depuis qu'ils se sont rencontrés pendant la guerre en Corée.Plus loin, dans une caravane de l'Iowa, vit Griff, une gamine de neuf ans et demi qui prépare sa valise chaque matin, en espérant que sa mère se décide à laisser son petit ami Roy.
Une vie inachevée est le premier roman de Mark Spragg que je lis. Dès la première phrase, j'ai été conquise.Les bûches d'aubier craquent et se rompent dans le petit ventre du poêle, la chaleur enfle entre les planches en pin des murs et du toit usées par les intempéries, toute la cabane semble gémir.Parmi les personnages de romans que je préfère, les vieux bourrus au cœur tendre attachés à leur fidèle chien occupent une place de choix. S'ils vivaient dans le même patelin, Einar et Mitch pourraient être les voisins des frères McPherson (Le Chant des plaines et Les Gens de Holt County de Kent Haruf, inoubliables). Je me suis attachée à ces deux cowboys grisonnants aussi fermement que je l'ai fait pour les frères McPherson!J'avoue que si ce roman avait été publié aux Presses de la cité, par exemple, avec en couverture un vieux cowboy et son chien assis sous un porche, face à un coucher de soleil, je serais sans doute passée à côté. C'est bête, hein? Mais avec le logo de la patte d'ours et les andouillers de cerf sur la couverture, je n'ai pas pu passer mon chemin.Cette histoire a un goût de déjà-lu? Et puis après? Quand l'histoire est bonne, pourquoi se priver de la revisiter dans de nouveaux décors? Autant les stéréotypes ont tendances à m'agacer (le vieux bourru, la femme battue, la petite fille allumée), autant ici ils étaient les bienvenus. J'ai aimé que Jean, la dépendante affective battue, ne se la joue pas en victime. J'ai adoré que Mitch, le vieux noir solitaire, malmène gentiment son vieil ami et se prenne d'affection pour Jean et sa gamine. Mitch apporte une autre dimension, une profondeur au roman qui empêche de le réduire à un mélo dégoulinant de bons sentiments.Mark Spragg fait naviguer ses personnages dans une petite ville de l'Ouest avec ses chemins poussiéreux, son zoo décrépi, ses vaches qui broutent, son resto du coin. Une petite ville où il ne se passe pas grand chose, où le rythme de la vie coule plus paisiblement, et c'est précisément pour ça qu'on a envie d'y être. Les personnages d'Une vie inachevée ont été malmené par les mauvais coups du sort, mais au contact les autres des autres, ils pansent leurs plaies et ont à nouveau envie de s'accrocher à la vie. Mark Spraggexplore la complexité des rapports humains, débusque les fantômes du passé et le poids des non-dits. Une émotion toute en retenue, des éclairs de tendresse et de complicité, d'éblouissantes lueurs d'espoir se dégagent de ces pages empreintes d'une beauté incandescente.Lasse Hallström a transposé à l'écran le roman de Mark Spragg dans une version édulcorée, mettant en scène Robert Redford, Morgan Freema et Jennifer Lopez. Je n'en ai gardé aucun souvenir, ce qui n'est pas bon signe!Il me reste à découvrir Le fruit de la trahison et De flammes et d'argile - dans lequel on retrouve certains personnages d'Une vie inachevée.Une vie inachevée, Mark Spragg, Gallmeister, «totem», 304 pages, 2012.★★★★★
Avant Roy dans
cette caravane de l'Iowa, il y
a eu Hank dans la caravane de Floride,
et avant Hank, Johnny
dans sa petite maison qui
empestait le pipi de chat
,
et avant
Johnny il y avait Bobby. Elle ne
se souvient pas très bien de Bobby, mais il y en a eu
quatre en tout. Chaque être humain
possède une mère qui a un don particulier. La sienne a le don
de se trouver le même homme, où qu'il soit.
Jean a promis à sa gamine que la prochaine fois qu'elle aurait un bleu au visage, elles lèveraient l'ancre. Aujourd'hui, Griff n'a pas fait sa valise pour rien. Jean et Griff sont prêtes à changer de vie. Elles bourrent l'auto pendant l'absence de Roy. Direction: la Californie. Mais un incident vient changer les plans.Lorsque Jean se pointe chez Einar, il l'attend avec une brique et un fanal. Parce que la responsable de la mort de son fils Griffin, c'est elle. Mais Griff, la petite-fille dont il ignorait l'existence, change la donne. Einar et Jean pilent sur leur orgueil et mettent leur rancune de côté. Einar donne un mois à Jean pour se replacer les pieds. Auprès d'Einar et de Mitch, Griff trouve la sécurité et le calme dont elle a toujours rêvés. Pendant que Jean sert du café dans le resto du coin, le trio ne met pas de temps à s'apprivoiser. Le retour de Roy dans les parages risque de compromettre ce nouvel équilibre.Une vie inachevée est le premier roman de Mark Spragg que je lis. Dès la première phrase, j'ai été conquise.Les bûches d'aubier craquent et se rompent dans le petit ventre du poêle, la chaleur enfle entre les planches en pin des murs et du toit usées par les intempéries, toute la cabane semble gémir.Parmi les personnages de romans que je préfère, les vieux bourrus au cœur tendre attachés à leur fidèle chien occupent une place de choix. S'ils vivaient dans le même patelin, Einar et Mitch pourraient être les voisins des frères McPherson (Le Chant des plaines et Les Gens de Holt County de Kent Haruf, inoubliables). Je me suis attachée à ces deux cowboys grisonnants aussi fermement que je l'ai fait pour les frères McPherson!J'avoue que si ce roman avait été publié aux Presses de la cité, par exemple, avec en couverture un vieux cowboy et son chien assis sous un porche, face à un coucher de soleil, je serais sans doute passée à côté. C'est bête, hein? Mais avec le logo de la patte d'ours et les andouillers de cerf sur la couverture, je n'ai pas pu passer mon chemin.Cette histoire a un goût de déjà-lu? Et puis après? Quand l'histoire est bonne, pourquoi se priver de la revisiter dans de nouveaux décors? Autant les stéréotypes ont tendances à m'agacer (le vieux bourru, la femme battue, la petite fille allumée), autant ici ils étaient les bienvenus. J'ai aimé que Jean, la dépendante affective battue, ne se la joue pas en victime. J'ai adoré que Mitch, le vieux noir solitaire, malmène gentiment son vieil ami et se prenne d'affection pour Jean et sa gamine. Mitch apporte une autre dimension, une profondeur au roman qui empêche de le réduire à un mélo dégoulinant de bons sentiments.Mark Spragg fait naviguer ses personnages dans une petite ville de l'Ouest avec ses chemins poussiéreux, son zoo décrépi, ses vaches qui broutent, son resto du coin. Une petite ville où il ne se passe pas grand chose, où le rythme de la vie coule plus paisiblement, et c'est précisément pour ça qu'on a envie d'y être. Les personnages d'Une vie inachevée ont été malmené par les mauvais coups du sort, mais au contact les autres des autres, ils pansent leurs plaies et ont à nouveau envie de s'accrocher à la vie. Mark Spraggexplore la complexité des rapports humains, débusque les fantômes du passé et le poids des non-dits. Une émotion toute en retenue, des éclairs de tendresse et de complicité, d'éblouissantes lueurs d'espoir se dégagent de ces pages empreintes d'une beauté incandescente.Lasse Hallström a transposé à l'écran le roman de Mark Spragg dans une version édulcorée, mettant en scène Robert Redford, Morgan Freema et Jennifer Lopez. Je n'en ai gardé aucun souvenir, ce qui n'est pas bon signe!Il me reste à découvrir Le fruit de la trahison et De flammes et d'argile - dans lequel on retrouve certains personnages d'Une vie inachevée.Une vie inachevée, Mark Spragg, Gallmeister, «totem», 304 pages, 2012.★★★★★