En finir avec Eddy Bellegueule d’Edouard Louis (édition du Seuil, février 2014)
Résumé :
Lorsqu’il naît dans un petit village boueux et endogame de Picardie, Eddy Bellegueule -c’est son vrai nom- a une trajectoire toute tracée : Il sera un vrai dur. Il sera en échec scolaire, il jouera au foot, il boiera de la bière sous l’abribus du village et il tombera les filles vêtu de son plus beau survêtement. Sauf qu’Eddy est différent, c’est un garçon délicat et efféminé, une « vraie gonzesse ». Eddy a honte de sa famille et sa famille a honte de lui. Mal dans son corps et mal dans son village, il va se battre contre la violence symbolique de son milieu social mais aussi contre lui-même, contre son propre corps et ses propres désirs. Les sentiments contradictoires qui s’entrechoquent en lui agiront-ils comme des correcteurs de trajectoire ? Pourra-t-il en finir une fois pour toute avec Eddy Bellegueule ?
Mon humble avis :
Le premier roman d’Edouard Louis plonge littéralement le lecteur dans la fange et la misère picarde, à travers différents portraits des membres de sa famille. Il est presque question ici d’un roman naturaliste où le début est contenu dans la fin. D’ailleurs, l’histoire du père Bellegueule n’est pas sans rappeler celle de Coupeau dans l’Assommoir, sauf que trois siècles se sont écoulés de sorte que le constat est sans appel: rien ne bouge, tout se produit de façon inéluctable et les tares et les carences sont transmises de génération en génération. C’est un univers où toute échappée, aussi minime soit-elle, semble vouée à l’échec.
Ce roman m’a profondément perturbée, il m’a secouée, il m’a envoyé une grande claque en travers de la figure. Nous avons affaire ici à un récit à caractère autobiographique. Eddy Bellegueule n’est autre qu’Edouard Louis (entre les deux, un passage au bureau d’Etat Civil) et du coup je me suis interrogée sur la véracité des propos de l’auteur/narrateur. En effet, Edouard Louis nous livre un récit familial choquant, récit qui l’a d’ailleurs mis en porte à faux avec sa famille et avec la population de son village d’Hallencourt dans la Somme.
Edouard Louis écrit de façon crue et sans complaisance aucune. Certains passages du récit décrivent avec un réalisme insoutenable des scènes de violences sexuelles et incestueuses consenties.
Ce roman choquant n’en est pas moins fort intéressant d’un point de vue sociologique dans la mesure où l’auteur/narrateur revient sur sa propre histoire qu’il analyse à travers le prisme des oppositions Bourdieusiennes comme par exemple la différence marquée entre le féminin et le masculin, entre le prolétariat et les notables et les différents systèmes de valeurs qui y sont associés. Ce roman est également d’un grand intéret car il traite de l’homophobie ordinaire subie au quotidien par un jeune garçon. Edouard Louis met des mots sur la détestation de soi et la quête d’une normalité que de nombreuses personnes qui diffèrent de l’hétéronorme ont elles aussi recherchée en vain.
C’est un roman polémique certes mais qui pour moi sonne juste.
Anne A Chronisme
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