Au FIBD, nous sommes allés à la rencontre de la jeune auteure néerlandaise Aimée de Jongh, pour le très beau roman graphique « Le retour de la Bondrée ».
Bonjour. Peux tu te présenter, ainsi que le projet, stp ?
A. de J. Je m’appelle Aimée de Jongh. je suis dessinatrice de bandes dessinées. J’ai écris “Le Retour de la Bondrée” car je voulais raconter une histoire plus sombre qu’à mon habitude. Aux pays bas, j’écris des gags très courts pour les journaux. J’avais envie de proposer un récit beaucoup plus profond, sérieux, une histoire longue.
C’est un album tout en retenue, en émotion…
A. de J. Ce projet est très sensible, car je voulais montrer le vrai coté de la vie. Pas seulement triste ou joyeux, mais un mixe de tout cela. Pour moi, ce projet est réel car il mélange les deux, le positif et le négatif.
Tu as fait appel à tes souvenirs ?
A. de J. Au départ, c’était totalement frictionnel. Mais quand je l’ai relu, je me suis aperçu que cela parlait de moi… Cela arrive souvent aux auteurs. On met plus de “soi” dans une fiction, qu’on le pense.
Pour le personnage principal, Simon, c’est presque une psychanalyse.
A. de J. Simon, au départ, ce n’était pas moi. Mais il y a beaucoup de ressemblances avec ma personnalité, mes émotions, mes comportements.
C’est quelqu’un qui ne veut pas regarder son passé. Il évite de lui faire face. ça me ressemble…
Graphiquement, est que que tu as des références ? Je pense à Will Eisner pour le noir et blanc et l’expressivité.
A. de J. (Rires) C’est totalement Will Eisner ! C’est mon auteur préféré ! J’adore son travail sur le Noir et Blanc. Il y a aussi Otomo pour les expressions. Dans mon album, on joue beaucoup avec les regards, comme dans un manga.
Du Noir et blanc pur jus. C’est un choix pas très “grand public”.
A. de J. Au départ, j’ai pensé à la couleur, mais j’aime tellement le traitement en noir et blanc. En tant qu’artiste, c’est important pour moi, car c’est un vrai challenge.
On doit y mettre plus d’expressions et de différences. Avec la couleur, on peut se “cacher” derrière. Ce n’est pas possible en noir et blanc.
Prenons par exemple, dans mon album, le paysage de forêt en double page (p45-46). J’ai travaillé sur plusieurs couches. D’abord, une en noir, puis une en blanc… Il m’a fallut au moins cinq passages pour réussir cette double page.
Ta mise en page est sobre, avec de grandes cases immersives. Je dirais presque “contemplative”.
A. de J. En quelque sorte, c’est un album contemplatif. Quand il y a trop de textes dans une BD, le lecteur n’a plus le temps d’apprécier les images. Moi, je tenais à ce que le lecteur se concentre sur les images. Le dessin peut aussi transmettre des émotions. Parfois, on a pas besoin de dialogues.
Tu construits de grandes scènes sans paroles. C’est plutôt osé !
A. de J. C’est un vrai parti-pris de ma part ! J’aime beaucoup les films japonais où le silence est présent. On y trouve plus d’émotions en regardant les images. Je trouve ça plus réaliste qu’en ajoutant une voix-off ou un dialogue censés expliquer.
C’est un album où on parle de mort.
A. de J. Dans ce livre, on parle beaucoup de vie et de mort. Dans ma vie, j’ai été confronté à cela. Je pense que la vie fait vraiment partie de la mort et la mort de la vie. Au contraire de beaucoup de gens, je n’ai pas peur de la mort. Je tenais à le monter.
Simon est amoureux des livres… comme toi ?
A. de J. Pour moi, c’est une métaphore. Les livres lui permettent de s’échapper, s’évader de ses problèmes.
Moi, je ne suis pas une grande lectrice, mais grâce à ce livre, je suis devenue une vraie fan des oiseaux…
Un jour, j’ai vu un documentaire sur cet oiseaux, la Bondrée. C’est un oiseaux migrateur qui se sépare de son compagnon pour faire le voyage. Ainsi, si l’un des deux ne revient pas, l’autre pourra trouver un autre partenaire.
C’est la métaphore de Simon. Ce libraire va être confronté à un traumatisme. Comme la Bondrée, il va essayer de revenir à son ancienne vie. N’y arrivant pas, il va devoir tout recommencer.
En fait, Simon est un “oiseaux” (Rires).
Merci Aimée.
Interview réalisée le 30 janvier 2016, au 43ème Festival International de Bande Dessinée d’Angoulême, par Jacques Viel, pour « Un Amour de BD ».
NB : Un grand merci à Aimée, à Marie-Odile pour la traduction et à l’équipe Dargaud (Hélène, Clothilde, Delphine…)