Pfiou… quelle lecture ! Brillant, intelligent, fouillé, ce livre décrit ce qu’est l’extractivisme, comment il est né et a pu progresser, mais aussi comment les citoyens dans le monde entier se mobilisent pour contre ces exploitations.
Dernière actualité en date sur l’extractivisme, celle visant la Bolivie :
Mais d’abord, qu’est-ce que recouvre ce terme a priori barbare ? L’extractivisme c’est l’exploitation à outrance des ressources naturelles, essentiellement les ressources minières, celles du sous-sol. l’or, le gaz de schiste, le bois, les métaux et bien d’autres choses. Cet extractivisme se caractérise par une dimension industrielle (moyens mécaniques puissants), une spoliation des populations locales, une destruction du milieu naturel (des pollutions dont on n’imagine pas les conséquences…), mais aussi un haut degré de corruption, de violence (conflits armés, menaces, expropriations…). Bref, c’est un pillage en règle de la nature et des populations qui en dépendent, en grande majorité des autochtones des paysans. Mais pas que.
En France le mouvement anti-extractivisme s’est déclenché après la film Gasland et la découverte des permis accordés à des sociétés pour rechercher du gaz de schiste dans plusieurs départements.
Certaines grandes zones géographiques sont évidemment plus touchées que d’autres. C’est le cas de l’Amérique du sud où on se souviendra du combat des populations en 2008 lorsque la présidente de l’Argentine opposa son veto à loi de protection des glaciers pour permettre à la firme canadienne Barrick Gold de récupérer ses permis miniers. Le profit de quelques uns avant la ressource en eau potable pour tous…
Exemple tragique de novembre 2015, une gigantesque pollution au Brésil provoquée par la rupture de deux barrages miniers :
http://reporterre.net/Le-Bresil-frappe-par-la-pire-catastrophe-ecologique-de-son-histoire
Anna Bednik décrit les mécanismes politiques et financiers qui sont à la fois les causes et les conséquences de l’extractivisme, et cela fait évidemment froid dans le dos. Le propos de l’auteur vise aussi à poser les bases d’une réflexion pour n’importe quel citoyen : on cherche à nous faire avaler que notre seul salut, notre bonheur réside dans une croissance toujours plus accrue, dans une consommation effrénée. Croissance, développement durable (mon oeil, tiens !), sont les mamelles de l’industrie extracitiviste,, le mirage qu’on veut nous opposer. Mais que veulent vraiment les citoyens ? A-t-on besoin de changer de voiture tous les 3 ans pour être heureux ? De circuler davantage, de consommer toujours plus de pétrole, de créer encore plus de routes ? pourquoi changer de téléphone portable ou d’ordinateur tous les ans ? Qui se soucie réellement du poids écologique de l’un de ces appareils ?
Bien plus de gens que l’on ne le croit. En effet, la note optimiste de ce livre réside dans les nombreux exemples d’opposition. Une opposition largement citoyenne fondés sur des collectifs, des mouvements. S’informer est essentiel, se regrouper est indispensable. Partager, diffuser et s’opposer. Réunions publiques, manifestations, occupations sont indispensables pour empêcher certains projets, pour montrer aux différents pouvoirs que les populations résistent. Chaque combat ne se termine pas forcément par un happy end, mais les racines de la résistance sont solides, même en France. Un gouvernement ou une société ne peut plus agir dans le secret le plus absolu ou dans l’indifférence générale. Le tour du monde d’Anna Bednik à ce sujet est plutôt réconfortant. Mais la mobilisation est générale car les projets se multiplient, et la vigilance est de rigueur. Au moins, grâce à ce livre, serons-nous avertis.
Je tiens enfin à terminer ce long billet par quelques mots sur la couverture. J’ai mis quelques secondes à comprendre ce que la photo représentait. C’est une mine de diamants en Russie, et les toutes petites choses sur la gauche sont des bâtiments ou des hangars. Cela donne une idée de la taille du cratère. C’est simplement monstrueux.
Un grand merci au Passager clandestin et à Babelio pour ce partenariat.