"Tout plutôt qu'être moi" de Ned Vizzini

La Belle Colère - janvier 2016
9782843377594


Ne vous fiez pas à la mignonne petite Sadness, ce livre n'est pas triste mais elle est tellement choupette.

Voilà un livre qui fait beaucoup parler de lui en ce moment sur la blogo et c'est en voyant passer les coups de cœur de My Pretty Books, d'Attractive Area et de Léa Touch Books que je me suis décidée tout en sachant pertinemment que j'allais (pardonnez-moi l'expression) en chier. Et ça n'a pas loupé. Mazette. Pour tout vous dire, je ne m'en suis pas encore remise.
Comme beaucoup d’adolescents, Craig est bien décidé à réussir sa vie. Il intègre l’une des plus prestigieuses prépas de New York, de celles qui font de vous un homme et assurent votre avenir. Seulement, au bout d’un an, il ne mange plus, ne dort plus, n’arrive plus à se lever, pense sans arrêt à ses devoirs, ses exams et à la jolie copine de son meilleur ami. Pour faire front à tout ça, il ne trouve d’autre solution que de fumer de l’herbe en glandant pendant des heures. Craig est pris dans une spirale d’anxiété, d’inquiétudes, de peurs qui l’acculent et le paralysent.
Fidèle à sa ligne éditoriale, La Belle Colère nous présente un livre sur les adolescents à destination des adultes et des plus jeunes qui traite d'un sujet difficile, la dépression des jeunes. Nous sommes donc loin d'un roman pour adolescents qui, même si je les aime beaucoup en général, peuvent parfois être un peu light stylistiquement parlant. Par exemple, j'ai beaucoup plus apprécié Dieu Me Déteste qui a la même thématique que Nos Étoiles Contraires, un peu trop ado à mon goût. Ici, nous retrouvons un schéma comparable : Tout plutôt qu'être moi est beaucoup moins tire-larme que Tous Nos Jours Parfaits, qui reprend le même sujet (il est aussi superbement bien écrit). Alors attention, on est ému, bouleversé même, mais j'ai eu l'impression que le "but" final n'est pas du tout similaire, l'un veut plutôt faire pleurer dans les chaumières, le second apporte des solutions, des alternatives et un beau message d'espoir.
Le roman est composé de trois parties : notre héros qui se présente, lui et sa dépression, comment il en est arrivé là et enfin, son séjour en hôpital psychiatrique, avec un jour = un chapitre, montrant ainsi le temps qui passe beaucoup plus lentement qu'en dehors. Craig est particulièrement attachant, gentil, doux, mal dans sa peau mais jamais agaçant, on ne peut s'empêcher de se mettre à sa place, d'avoir pour lui de la peine et de compatir (voire d'avoir envie de lui faire un gros câlin, même si ce n'est pas franchement utile). C'est un bouquin qui prend aux tripes, qui vous retourne littéralement l'estomac, on a envie de voir le personnage (et ses collègues-patients) se reconstruire et enfin vivre mais c'est aussi un livre très dur qui montre la dure réalité de la dépression et permet à ceux qui en souffrent de ne plus avoir honte de cette maladie qui n'est pas moins grave qu'une maladie physique (encore une fois, ce n'est pas parce que ça ne voit pas que ça n'existe pas). De plus, ça fait du bien de voir un héros dépressif qui (attention, je vais dire une énormité mais je vais m'expliquer) "n'a pas de raison de l'être" : dans la plupart des récits sur la dépression, on se rend toujours compte que le personnage a un passé complètement horrible (une famille monstrueuse ou éclatée, des abus sexuels dans l'enfance, sans domicile...etc), ici ce n'est pas le cas, la famille de Craig est hyper sympa, il a des amis, il est dans une bonne école et a des résultats plus qu'honorables, ça remet un peu en place ceux qui n'admettent pas qu'on puisse sembler tout avoir et être tombé dans la dépression tout de même (et cette horrible phrase : "franchement, t'as pas de quoi te plaindre").

5/5


C'est un livre qui fait du bien, émouvant mais drôle, poignant mais sarcastique, tout en coupant le souffle à plusieurs moments, on sent bien que l'auteur sait de quoi il parle (Ned Vizzini s'est malheureusement suicidé à l'âge de 32 ans après avoir lutté pendant des années contre sa propre dépression) et cela le récit d'autant plus douloureux. Craig va me manquer, comme rarement un personnage vous manque, j'ai presque envie d'avoir une suite, comme on prend des nouvelles d'un ami qui ne va pas toujours bien et c'est vraiment difficile de se dire que ce ne sera pas possible, il ne reste plus qu'à imaginer.
Gros gros gros coup de cœur donc, même si j'ai pleuré comme une madeleine.