Envoyée spéciale – Jean Echenoz

Par Noann

Constance, la trentaine, mène une vie parisienne sans anicroche… L’amour s’est effiloché et, dans l’appartement parisien, l’ambiance devient pesante. Alors qu’elle se rend auprès de l’agence immobilière chargée de la vente de son bien, cette dame oisive voit sa vie changer au quart de tour lorsque, kidnappée par les services secrets français, la voilà chargée d’une mission insolite et hilarante. Alors qu’une rançon est demandée à Louis-Charles, son mari artiste, musicien dénommé Lou Tausk, jadis couronné de succès. Personne ne réagit à cette instance, pas même Hubert, le demi-frère avocat. Personne. Un pli contenant un bout de doigt de Solange ne fait guère plus réagir l’entourage de celle-ci…

Dans la fourgonnette qui emmène Constance se trouvent Victor et deux comparses, Christian et Jean-Pierre. D’abord retenue prisonnière dans une ferme vétuste dans la Creuse, puis dans la cabine d’une éolienne, puis en Corée du Nord et enfin au point de départ, toujours sans que personne ne s’inquiète de sa disparition… Pourquoi ce rapt ?
Et l’auteur de nous entraîner à suivre les péripéties de cette héroïne côtoyant tour à tour une faune de personnages totalement loufoque à l’âme disloquée, eux-mêmes poursuivant leurs aventures comme dans une sorte de feuilleton qui tourne en boucle devant des téléspectateurs à la fois agacés et impatients de connaître très vite l’issue de leur course folle.

L’auteur nous offre un écrin de mots dans une langue française qui frise la perfection, se prend d’un coup pour un auteur policier malgré lui, s’autorisant un récit jubilatoire qui tantôt irrite le lecteur, tantôt le séduit. Car tout ici ressemble quelque peu aux commentaires délivrés par le présentateur d’un journal sur une chaîne TV devant des milliers de téléspectateurs avides de nouvelles à sensations.

Cette histoire qui ne tient pas debout est menée pourtant de main de maître, celle d’un auteur qui joue avec les mots, les fait virevolter, dans un style cadencé qu’il entoure d’humour à profusion. C’est là même que l’auteur sauve cette histoire décalée qui met en pelote les nerfs du lecteur. Car, certes, l’auteur se divertit incontestablement en se mettant dans la peau d’un auteur policier et le lecteur est à la fois énervé par cette histoire improbable et esbaudi par l’usage des mots justes et l’indéniable qualité d’écriture de l’auteur.

Désopilant…

L’on adore ou l’on abhorre. J’ai aimé.

Envoyée spéciale de Jean Echenoz, Les Editions de Minuit

Date de parution : 07/01/2016