Les ogres dans la littérature de jeunesse

Par Loulou Coco

Des ours, des loups et des éléphants. Il n’y a en a eu que pour les animaux dites-moi ? Et principalement des gentils en plus ! Il faut vite remédier à ça ! Je vous ai donc cette fois concocté un article spécial sur les Ogres dans la littérature de jeunesse. Du méchant bien vicieux, mais aussi bien drôle !

Par contre, pas de mascotte pour l’occasion, ça aurait été un peu trop compliqué. De une, je n’ai pas de peluche d’Ogre, de deux mon dessinateur perso est occupé en ce moment :p

L’ogre, le loup, la petite fille et le gâteau, de Philippe Corentin, à l’Ecole des loisirs en 1995

Connaissez-vous la petite histoire-devinette-remue-méninge du chasseur qui veut faire traverser une rivière à un loup, une chèvre et un chou, mais ne peut prendre qu’une personne dans sa barque à chaque trajet ? En faisant évidemment attention de ne pas laisser sur la même berge deux personnes qui risqueraient de se dévorer entre elles (la chèvre avec le chou ou le loup avec la chèvre par exemple).

Eh bien, Philippe Corentin nous fait ici un remake de cette histoire avec un ogre, un loup, une petite fille et un gâteau. Sauf que Monsieur l’ogre n’est pas bien doué et n’a pas compris le principe de ne pas laisser un certain personnage avec un autre.

Cette histoire retravaillée est exquise ! D’autant plus que certaines pages de l’album sont découpées à la moitié pour nous surprendre encore plus et ne faire changer le décor que de quelques éléments. Un album drôle, à découvrir en famille et à feuilleter avec plaisir seul. Et pourquoi pas une histoire à réécrire pour aider l’ogre à se dépatouiller de sa situation embarrassante !

Le déjeuner de la petite ogresse, d’Anaïs Vaugelade, à l’Ecole des loisirs en 2002

C’est l’histoire d’une petite ogresse qui vit seule dans un grand château, après la mort de ses parents. Elle décide de perpétrer la tradition familiale et de manger un enfant par semaine, le dimanche pour être exact. Le mercredi elle part donc à la chasse à l’enfant, pour avoir le temps de l’engraisser d’ici le dimanche. Mais un jour, elle tombe sur un petit garçon curieux, qui se laisse emporter sans rien dire. Au fil des jours, la petite ogresse se rend compte que le petit garçon est très gentil et ne veut donc plus le manger. Ils deviennent même amis. Mais une petite ogresse en pleine croissance ça a besoin de manger des enfants. Alors elle tombe malade. Le petit garçon décide de partir de peur qu’elle finisse par craquer et le mange. Ils se retrouveront bien plus tard, devenus adultes.

C’est une histoire toute mignonne d’amitié que nous présente là Anaïs Vaugelade. Une histoire d’amitié et même d’amour possible entre deux personnes aux mœurs, coutumes et origines différentes. Une jolie ode à l’acceptation de la différence et à l’adaptation à la vie de l’autre, tourné comme un conte traditionnel.

2 ou 3 enfants bien dodus pour 9 personnes, d’André Bouchard, chez Circonflexe en 2006

Papa ogre est bien embêté ce matin. Ses sept petites ogresses en ont marre de manger du chasseur à toutes les sauces et voudraient goûter à quelque chose de plus tendres. Hmm…. Pourquoi pas des enfants ? C’est bon les enfants, c’est tendre, c’est juteux et fait de bonne graisse. Mais voilà, un enfant ça ne se balade pas tout seul dans la forêt, c’est donc difficile d’en trouver. Pour cela, il faut que papa ogre sorte de la forêt pour aller faire son marché.

Pour satisfaire ses petites ogresses d’amour, papa ogre se rend donc en ville. Mais pas un seul enfant ne traîne en ville ! En revanche, on y rencontre beaucoup d’autres personnes. Une vieille dame, un loup, un policier loufoque, des auto-stoppeurs… A votre avis, papa ogre va-t-il rentrer bredouille ?

Un album complètement déjanté, à l’effigie d’André Bouchard dont je suis raide dingue depuis peu (à découvrir également par ici) ! On reconnaît de suite ses dessins si particuliers, même si on l’a connu dans d’autres styles également. L’histoire est rythmée, rocambolesque, un peu sans queue ni tête, mais d’une finesse et d’une drôlerie à toute épreuve.

À dévorer absolument !

L’ogre qui n’avait peur de rien, de Sandrine Beau (texte) et Soufie (illustrations), chez Les p’tits Braques en 2013

Par une belle soirée d’été, une petite fille se promenait. Soudain, un ogre surgit devant elle. Il la trouve bien à son goût et aimerait la croquer. Mais c’est sans compter la répartie de la petite chipie, qui n’est pas le moins du monde impressionnée. L’ogre est vexé qu’elle ne soit pas morte de peur devant lui. S’en suit alors un dialogue drôle au possible.

C’est un joli petit album que j’ai découvert là. Sous l’aspect humoristique du texte se cache un récit pour apprendre à affronter ses frayeurs et se rendre compte que tout le monde a peur de quelque chose. De plus c’est un joli petit format carré, où les dessins sont à la taille de la petite fille, ce qui fait bien souvent déborder l’ogre du cadre. Le tout, pour mettre le récit à la portée de l’enfant.

La promesse de l’ogre, de Rascal (texte) et Régis Lejonc (illustrations), à l’Ecole des loisirs (collection Pastel) en 2015

Un Ogre veuf vit au fond des bois avec son petit garçon. Cet Ogre est grand, repoussant, quelque peu puant, a une grosse barbe sale. Mais il aime également la musique classique, la botanique, la mer et les oiseaux. Par dessus tout, il aime son fils. Le père Ogre apprécie également de manger de temps en temps un petit enfant. Pas tout le temps, car c’est aussi un grand cuisinier de gibier. Mais manger un enfant de temps en temps c’est sacré, à cause de sa condition d’Ogre. Seulement, son fils n’accepte pas cette coutume. Il n’a jamais mangé d’enfant et supplie sans cesse son père d’arrêter. Un jour, pour faire plaisir à son fils, le père Ogre lui promet qu’il n’en mangera plus. La vie devient plus douce, père et fils passent des moments formidables. Jusqu’au jour où le père repart à la chasse à l’enfant. Quand il ramène une petite fille, tout ne se passe pas comme prévu…

Une histoire touchante, poétique et triste. Les illustrations entre traits précis et flous fonctionnent à merveille pour montrer les sentiments des personnages. Entre gros plan, et double page de paysage, le tout est harmonieux et correspond au fil de l’histoire.

Dans un album, quand le texte et l’illustration sont chacun sur une page on a l’habitude de placer le texte sur la belle page (droite) car elle est considérée comme la plus importante et la plus attirante pour le lecteur. Ici c’est le contraire. Les illustrations sont à droite ce qui leur rend toute leur juste valeur et les place au premier plan de lecture. Un véritable plaisir pour les yeux.

L’ogresse Pitcha Pitchou, raconté par Gilles Bizouerne et illustré par Florence Koenig, chez Syros en 2010

Je finis ma petite sélection avec un album un peu étrange, qui en fait ne m’a pas emballée plus que cela, mais qui vaut la peine d’en parler, ne serait-ce que pour son étrangeté (opinion personnelle). J’avais classé les albums par ordre chronologique de publication, mais je n’ai pas tenu compte de la date de ce dernier, pour vous le présenter à la fin tellement je le trouve particulier.

Tout un village vit retranché dans le fond d’une vallée. Les habitants ont peur de partir car la légende raconte que tous ceux qui ont voulu s’éloigner ne sont jamais revenus. Mais un petit garçon en soif d’aventure décide de tenter l’expérience. À peine sorti de son village, il grimpe une montagne. En haut de cette montagne, se trouve une ogresse. Et figurez-vous que cette ogresse a les seins si gros qu’elle les fait passer au-dessus de ses épaules pour les laisser pendre dans son dos… Et chacun de ses seins à un nom. L’un s’appelle Pitcha, l’autre Pitchou. Le petit garçon, intrigué, arrive dans le dos de l’ogresse et se met à téter l’un de ses seins… Ça la chatouille et elle se retourne donc sur le petit garçon. Puisqu’il a tété son sein, elle ne peut plus le dévorer, mais doit le considérer comme son fils. M’enfin bon, elle décide tout de même de l’emmener chez lui pour l’engraisser et le donner à manger à son frère… On se rassure, la fin de l’histoire est bonne, le petit garçon réussit à s’échapper et rejoint ses parents (et l’ogresse meurt).

Voilà voilà… Je n’ai pas vraiment besoin d’en dire plus pour que vous compreniez ma surprise face à ce texte. De plus, je n’ai absolument pas accroché au style de dessin et l’écriture est vraiment moyenne (dommage car j’avais beaucoup aimé la version de Gilles Bizouerne de La bonne humeur de Loup Gris, dont je vous avais déjà parlé ici). Pourtant, je tenais à citer cet ouvrage pour montrer que chaque culture a son folklore. C’est apparemment un conte populaire de l’Afrique du Nord. Malgré l’étrangeté du conte, qui n’est pas du tout coutumier du genre plus européen, il aurait pu être bien mieux écrit je pense, et paraître du coup beaucoup moins bizarre.

Pour un peu plus d’histoires d’ogres :

  • L’ogre d’Olivier Douzou au Rouergue.
  • Paul Chasseur d’ogres de David Wautier chez Alice jeunesse.
  • Babayaga, histoire d’une sorcière ogresse, revue par Taï-Marc Le Thanh et illustrée par Rébecca Dautremer aux éditions Gautier-Languereau.

Magnifiques lectures ogresses les loulous !