Auteur : Ron Rash
Traduit de l’anglais(Etats-Unis) par Isabelle Reinharez
Editions du Seuil
Date de parution : janvier 2016
232 pages
« C’est agréable de savoir qu’il existe dans le monde quelque chose qui n’est pas dénaturé. Quelque chose qu’on ne peut ni acheter ni couper en morceaux pour que quelqu’un en tire de l’argent. »
Ron Rash fait partie des auteurs que je lis systématiquement. Une fan ! J’ai tout lu, j’ai tout aimé !
Qu’est-ce qui me plaît tant chez cet auteur ?
Il raconte des histoires noires, sombres, terribles, des drames de la vie rurale, comme je les aime. Ses personnages ont un passé souvent difficile, ils se trimballent des tas de casseroles, ce qui explique en général leur caractère taciturne, dur et impitoyable. Et pourtant, ou plutôt, c’est pourquoi, on s’attache à eux. La nature est toujours très présente dans ses romans et elle joue souvent un rôle déterminant.
Ce roman-là, qui est, en réalité, le second écrit par Ron Rash (bah oui, ils ne sont pas publiés dans l’ordre en France, va savoir pour quelle raison…), n’échappe pas à la règle. Il débute sur la noyade d’une enfant de douze ans. Et la question du roman est : faut-il récupérer le corps de la fillette au détriment de la sauvegarde du label de « rivière sauvage » de la Tamassee ?
Mais on ne peut résumer ce roman à cette simple question. La narratrice, une photographe venue sur les lieux avec un journaliste, pour couvrir l’événement, est née dans cette région, connaît parfaitement la rivière et les habitants. Ron Rash a l’art de saupoudrer son récit de petites touches de souvenirs anciens. Ce qui fait que le roman se fait de plus en plus dense au fur et à mesure qu’on progresse dans sa lecture.
Roman engagé en faveur de la défense de l’environnement ? Pas seulement. C’est aussi (et surtout ?) une fine analyse des rapports humains entre des êtres qui ont un passé douloureux qu’ils ont bien du mal à oublier.
Ron Rash aborde aussi les thèmes du deuil, de la culpabilité, (du pardon ?), du rôle des journalistes, tout en créant chez le lecteur (ou tout au moins chez moi) un manque dès qu’il (je) referme le livre pour vaquer à ses (mes) occupations personnelles.
Et puis, il dépeint avec talent les paysages. Je me voyais sur les rives de la Tamassee, j’ai effleuré les feuilles de rhododendrons, j’ai glissé sur la coulée de boue ouverte par les bulldozers (en pestant bien entendu, grrr !), je me suis assise sur un rocher et la peau de mon visage chauffait au soleil. Mieux qu’un film !
« Le brouillard à la surface de la Tamassee fumait comme un feu éteint. L’air était frais et je me félicitai d’avoir emporté un sweat-shirt. Le calendrier avait beau dire qu’on était en mai, on se serait plutôt cru en octobre, un de ces matins, que j’avais toujours aimés sur la rivière, car tout, même l’eau, était toujours plus silencieux. Ces matins-là, le brouillard semblait être un contre-courant qui allait à l’envers de la rotation de la Terre pour tout garder en suspens, même le temps. »
Jostein, Clara ont aimé aussi.