Endgame, l’Appel – James Frey & Nils Johnson-Shelton

Comme je vous l'avais dit dans mon précédent Bilan, j'ai beaucoup beaucoup de billets en retard. Alors commençons vite et bien avec la première lecture et la première déception du mois de Février.

Le livre à la couverture dorée et à la typo en relief me faisait de l'oeil depuis que j'en avais lu de bons avis sur quelques blogs et que mes mains baladeuses ne cessaient de toucher, de tripoter et d'ouvrir sur la table jeunesse de ma librairie de quartier. Alors pour éviter d'être condamnée pour tripotage intempestif, un soir, en rentrant du boulot, mon sac de course pour le dîner dans une main, une bouteille de pinard dans l'autre, je me suis décidée à faire un saut à la librairie avant de rentrer chez moi. Aussitôt acheté, aussitôt lu.

Le concept en lui-même est assez simple : douze adolescents de tribus ancestrales sont préparés dès l'enfance à affronter le jeu de la Faim Fin, une apocalypse programmée par une entité inconnue qui se déclenchera quand l'Humanité sera devenue trop ingérable et aura épuisé le cadeau offert par cette entité, la Terre. Élevés pour tuer et survivre, les douze élus devront se battre et tenter de résoudre des énigmes disséminées par Eux. À la fin, il ne devra en rester qu'un, lui donnant la possibilité de sauver sa lignée de la fin du monde.

Si le pitch ressemble fortement à Hunger Games, rien que par le titre, rassurez-vous il s'en éloigne assez vite. Déjà par la maturité du récit et de certaines " scènes " parfois hardcore ou de personnages qui flirtent avec une psychopathie totalement assumée. Sur ce point, je n'ai rien à reprocher puisque la violence dégagée ici est parfaitement cohérente avec l'histoire. L'autre particularité c'est que le roman comporte lui-même des énigmes cachées dans ses pages que le lecteur peut, s'il le souhaite, résoudre. J'ai tenté un temps de m'y intéresser, mais j'ai vite abandonné face à la complexité de la tâche (j'ai toujours été assez archi nulle pour les devinettes). Le concept est assez novateur cependant et le lecteur qui réussit dans un temps imparti à découvrir la clé peut recevoir une belle somme d'argent (après vérification, j'ai appris que le gros lot a déjà été remporté l'année dernière).

L'histoire est plutôt intéressante et je me suis même surprise à vouloir en savoir un peu plus sur ces fameux êtres créateurs qui m'ont fait un peu penser à ceux du film " Prometheus ". Si le récit alterne les différents points de vue entre les différents candidats dans un souci d'équilibre et d'égalité, ce qui m'a paru au premier abord être une bonne chose, on se rend compte très vite qu'il y a un " favoritisme " pour certains personnages, qu'on nous présente au bout du compte comme les véritables héros de l'histoire. Bien naturellement, cela tombe sur la belle et blanche états-unienne, Sarah qui va se retrouver dans un triangle amoureux so boring. Et là on arrive au premier point négatif. La fameuse Sarah est d'un ennui mortelle si on la compare aux autres élus, beaucoup moins lisses et plus ambigus dans leurs méthodes et dans leurs motivations. Je pense plus particulièrement à un couple de candidats qui va tomber amoureux pendant le Jeu et pour qui j'ai eu un profond attachement, au-delà de leur weird attitude et de leur psychopathie. J'étais même prête à lire le second tome rien que pour eux. Malheureusement, tous les deux vont trouver la mort et l'idée de me retrouver avec l'ennuyeuse Sarah a vaincu mes dernières résolutions et le peu de respect que j'avais pour les auteurs. Je suis dure, mais quand je pense que deux écrivains ont réussi à créer des personnages peu conventionnels, et du coup très intéressants, et qu'ils les ont bazardés pour privilégier une crétine fade et lisse, ça me fout les boules.

Mais le pire dans tout ça c'est le style. Endgame, l’Appel – James Frey & Nils Johnson-Shelton

Ce roman est tout simplement un scénario pour blockbuster hollywoodien. James Frey et Nils Johnson-Shelton font tellement un appel du pied aux Majors de l'industrie cinématographique que ça en devient indécent. Le livre fait certes plus de 500 pages et a l'épaisseur d'un Larousse, mais il se lit extrêmement vite grâce ou à cause d'une cadence très rythmée. Il n'y a pas beaucoup de description (Feydeau a été plus bavard dans les didascalies de ses pièces de théâtre), pas plus d'introspection ou du moins le minimum syndical, et le reste n'est qu'un enchaînement de scènes montées et rythmées comme un film d'action basique, calibré et conventionnel. Ah c'est sûr, en film ça enverrait du pâté : combat, action, explosion, course-poursuite, du sang, des larmes... Mais en roman ça passe très moyennement, surtout quand on a que ça à se mettre sous la dent.

Je ne sais plus avec lequel ou laquelle d'entre vous je parlais du style et de l'histoire des romans jeunesse/Young Adult, mais on était tombé d'accord que pour beaucoup l'écriture laisse parfois à désirer. On est totalement dans cette problématique avec Endgame.Le livre est juste un concept qui n'a pas de profondeur et qui ne se résume qu'à ce qu'il vend de façon aguicheuse sur lequel on a posé des mots et des phrases pour relier les scènes entre elles. C'est pour moi de la littérature fast-food. Je ne crois pas qu'il faille simplifier à ce point l'écriture pour intéresser les jeunes à lire. Et si le roman se veut une passerelle entre le cinéma et la littérature, soit, mais il y a peut-être un juste milieu, sans qu'on ait à perdre le côté très visuel du roman ni sa forme littéraire. Alors peut-être parce que je n'ai pas l'âge ciblé je suis passée à côté, mais alors pourquoi ai-je bien aimé Hunger Games, Percy Jackson, adoré La Passe-Miroir, tous lus à l'âge adulte ? Parce que ces sagas ont une âme, ce ne sont pas des produits formatés et marketés comme peut l'être Endgame. Je pense sincèrement que la littérature de jeunesse ne devrait pas abandonner l'idée de proposer quelque chose d'accessible sans perdre l'exigence d'une écriture ou d'un style, sans perdre l'idée de proposer un univers ni la patte d'un auteur qui vont accompagner un jeune public à découvrir la littérature et à forger ses goûts.

Voilà c'était le petit coup de gueule de Mimine, remontée comme une montre à gousset. Ah bah oui, je vous avais prévenu, je pète le feu en ce moment.