La Classe de mer de Monsieur Ganèche, de Jérôme Bourgine (2016)

Par Lupiot

Souvenez-vous de l'esprit d'aventure de vos neuf ans - celui que vous guettiez au coin de chaque rue, celui qui vous faisait voir comme l'odyssée du siècle un voyage en car scolaire avec tous vos copains. Vous y êtes ? Parfait, alors en route pour la classe de mer de Monsieur Ganèche !

Monsieur Ganèche, c'est un instit' remplaçant, et, manque de bol, on lui a refilé les 6 cas sociaux de l'école : des hurluberlus inadaptés, en retard, mal élevés, distraits, que sais-je. Du moins, c'est ce que voudraient nous faire croire leurs bulletins de note. Heureusement qu'on est davantage que ses bulletins ! Monsieur Ganèche, avec ses grandes oreilles frémissantes en guise de radar à vérité, fait bien vite le tri : derrière le bout-en-train, l'intello, l'effrontée, la lunaire, le gros nounours et la douce fantaisiste qui, de prime abord, semble ingérables, il y a six personnalités exceptionnelles qui, d'après lui, n'ont pas été réunies par hasard. LE DESTIN EST INTERVENU.

Monsieur Ganèche va tout mettre en œuvre pour convaincre son improbable bande de former une équipe soudée et, comme c'est un chouette type futé (bien qu'un peu habité), ça va marcher. Zlatan, Tho, Céline, Fatima, Lucas et Maïtiti, sans jamais se défaire de leur insupportable charmante unique personnalité, vont découvrir leurs forces respectives -

- et s'associer pour déjouer le plan des brigands.

Ah oui, parce qu'il y a des brigands. De vils trafiquants d'animaux, pour être plus précis. Monsieur Ganèche joue de malchance, dans cette affaire : sa classe de mer a à peine commencé que, paf ! panne d'essence et poum ! île déserte et pan ! brigands. Dans les dents !

Les plus :

  • Des personnages attachants : chaque enfant a ses qualités, ses défauts, sa façon de s'exprimer et de voir le monde, ce qui rend délicieux le spectacle de leurs interactions et évolutions.
  • Rien n'est magique : les enfants ne se défont pas de leurs défauts d'un claquement de doigts, ils apprennent surtout à composer avec et à trouver leur place dans un groupe, et c'est une dynamique assez agréable.
  • Cette fantasque et irrésistible amie : l'aventure. La classe de mer tourne très vite à l'exploration d'un lieu inconnu, puis à la découverte d'un bunker secret et d'un chargement précieux, puis à l'affrontement contre les méchants et enfin à l'orchestration stratégique : autant d'éléments qui me font dire qu'on a là une belle histoire de pirates adaptée au monde moderne.
  • Les jeux de police, qui rendent la lecture vivante et interactive. Un bon travail de maquette !
  • Les illustrations de Maurèen Poignonec, très gaies, donnent vie aux trublions de cette équipée avec la même personnalité, tendre et énergique, que le texte. Ce qui donne un ensemble très harmonieux et agréable à lire.

Les moins :

  • Un début un peu forcé, un peu précipité : la présentation des personnages m'a semblé à la fois très naïve et un brin embrouillée sur les premières pages.
  • [Monsieur Ganèche, enfin, on ne laisse pas deux enfants de 11 ans prendre la mer sur une barque en pleine nuit. Vous êtes pardonné, mais c'est bien parce que, dans les histoires pour enfants, les adultes irresponsables sont mes préférés. Surtout quand ils sont là " C'est moi l'adulte, je sais ce que je fais. Hmm, alors. Ok, on va d'abord vérifier que les mygales vont bien. "]

Une aventure qui réussit l'habile et inattendue prouesse de me ramener à l'état rêveur et fébrile de mes huit ans, quand je m'imaginais fuguer avec mes copains de classe pour aller sur une île déserte (et adopter un léopard). Et créer une société nouvelle, à base de cabanes dans les bois (dont je serais la reine guerrière, bien sûr).

En somme, cela fonctionne parfaitement bien, surtout, il me semble, pour le public visé des 8-10 ans. Et, chose assez rare pour être mentionnée, la dynamique Clan des Sept prend à merveille : on a envie de retrouver la bande dans une nouvelle aventure.

Lupiot

La Classe de mer de Monsieur Ganèche, de Jérôme Bourgine, illustré par Maurèen Poignonec, chez Sarbacane, 2016, 240 pages