Et c'est une deuxième lecture commune avec Ingannmic qui s'achève avec ce magnifique roman de jeunesse de chez Syros que j'avais dans ma PAL depuis une éternité. Amis des bêtes, âmes et coeurs sensibles, soyez prévenus, c'est un livre dur. Beau, mais dur.
Le roman est un véritable conte poétique qui met en scène la vie d'un chien bâtard, Furgul qui signifie " le Brave ", né des amours d'une nuit entre un chien loup et un lévrier femelle de compétition, dont la quête de liberté et de révolte va l'amener à rencontrer la cruauté des hommes et l'injustice d'une société qui ne respecte pas si bien que ça ces animaux intelligents. Dans un élevage de lévriers, ou plutôt un camp de concentration, où règne la terreur d'un maître violent et malveillant, Furgul et ses soeurs sont cachés par leur mère Keeva, leur bâtardise les condamnant à la mort. Suite à une évasion douloureuse (à côté le début de " Bambi " c'est du nougat), Furgul va de pérégrinations en pérégrinations suivre les traces du Doglands, l'essence et la force même des chiens, libres de tout esclavagisme.
Je ne m'attendais pas à ça. Non vraiment. Je regrette presque de pas avoir voulu lire ce roman plus tôt. Je suis une grande amoureuse des bêtes, tu me mets une boule de poil dans les bras, je vais te la câliner et jouer avec pendant des heures. Alors, quand j'avais entendu que ce livre parlait, entre autres, de maltraitance animale, de cruauté et qu'un chien errait seul dans un monde peu compréhensif, j'ai frénétiquement secouer la tête. Non c'était au-dessus de mes forces. Finalement, à part le début qui est un crève-coeur, la beauté de l'écriture et de l'histoire ont emporté mes dernières appréhensions.
Doglands dégage une réelle force narrative et une humanité bouleversante. Furgul et les chiens qu'il rencontrera sur sa route ne sont même plus considérer comme des animaux à qui on a donné des caractéristiques humaines, mais bien comme des personnes à part entière, douées de parole, d'intelligence, de violence, d'amour et d'humour aussi. Le portrait très critique qu'ils dressent des êtres humains, même dans leur comportement affectueux envers les chiens, est parfois difficile à lire, bien que réservant des passages assez cocasses.
Ce que j'ai particulièrement aimé c'est la façon dont cette fable, comme l'étaient celles de La Fontaine, porte une lecture à double sens. On pointe du doigt non seulement l'esclavage des chiens, à la base nés sauvages et capables de vivre dans la nature, qui ont été abrutis et domestiqués par un bol de croquettes, mais également celle des humains qui ne seraient plus en mesure de se nourrir si on leur enlevait les supermarchés. L'identité première et naturelle perdue au fil des progrès de la société et de la civilisation humaine est la base de la réflexion de Tim Willocks. Et ça fait un bien fou de lire un truc comme ça ! Hier encore je parlais de littérature jeunesse avec Endgame et du pauvre style que l'on rencontre parfois dans ce domaine. Ici, j'ai eu affaire au parfait contraire. Voilà un texte jeunesse qui a du sens et qui amène à de vrais questionnements sur ce qu'est la vie, la liberté, l'esclavage, la solidarité, l'espoir, sur ce qu'est le respect qu'on doit avoir pour la Nature et pour toutes formes de vie, tout en apportant un récit d'aventure palpitant et une véritable quête initiatique. Jusqu'ici, je n'ai rien lu de l'auteur, mais je peux mettre ma main à couper que son style reste quasiment inchangé et qu'il n'a pas juste " simplifier " son écriture. Le texte accessible pour un jeune public n'en reste pas moins une véritable ode aux valeurs humaines et animales.
C'est donc une très belle lecture commune avec Ingannmic, je la remercie au passage pour l'initiative qui m'a permis de sortir ce très beau roman de mes étagères poussiéreuses. Vous pouvez aller lire son avis déjà posté (je suis toujours en retard, y'a rien à faire). De mon côté, je vais m'empresser d'aller voir ce que le monsieur Willocks a écrit.