"Les lumières s'éteignirent, une à une, pareilles aux projecteurs d'un stade après la fin d'un match. Il eut l'impression que le paysage entier devenait flou. Ses jambes se dérobèrent, il s'effondra lourdement, l'esprit vide de toute pensée hormis cette phrase qui résonna entre ses tempes : les petits ruisseaux font les grandes rivières... Puis il sombra dans l'inconscience. Un filet de sang se mit à couler sous sa tête, s'éparpillant en méandres vermillon sur le béton de sa couche mortuaire."
A la croisée des chemins...
Vous est-il déjà arrivé de penser, que la personne que vous venez à l'instant de croiser peut sceller votre destin en une fraction de seconde ? Non ? Et pourtant...
Et pourtant... c'est justement la trame de ce livre d'Olivier Chapuis. Un parc, un mort, six personnages qui vont se croiser de très près Qu'ont-ils en commun ? Par un cercle (très) vicieux, à travers ces six personnages, ces six destins, quiauront, tous, un lien avec le précédent et le suivant... l'auteur déroule avec finesse le fil de son histoire :celle d'un meurtre commis dans un parc et pas n'importe lequel... Le parc Mon-Repos... Ironique ? Nous en reparlerons..
Qui est le mort ? Pourquoi a-t-il été tué ? Par qui ? Ce sont les questions que le lecteur pourra se poser tout au long de sa lecture. Sans le savoir d'ailleurs, il fera partie intégrante de cette intriguepuisque l'auteur n'aura de cesse de le balader, non seulement, dans les rues de la Lausanne, mais aussi à travers un suspense qu'il installera progressivement
A la croisée des thèmes...
Olivier Chapuis, comme je l'écrivais déjà lors de ma chronique de "Fragments" est un auteur de convictions, qui à travers ses histoires dépeint de manière cynique la société moderne, les travers humains, les comportements sociaux. Les personnages ne seront donc pas les seuls qui se croiseront. Non, l'auteur a pris un malin plaisir à lier également à chacun d'eux plusieurs thèmes, tels que le statut de l'art, des armes, le rapport à l'argent...
Mais le thème central de ce court roman est l'ironie à tout point de vue... L'ironie, à la fois dont fait preuvel'auteur tout au long des pages et des messages qu'il diffuse mais également (et surtout) l'ironie... du sort ! Être là au moment endroit... au mauvais moment... être rattrapé par certaines choses que l'on pensait s'être débarrassées...
Mais...
Il y a toujours un mais...Si une des forces de l'auteur est de savoir plonger directementson lecteur dans l'ambiance et de le tenir en haleine, si sa plume est délicieuse et fine par la manière dont il aborde les thèmes pour moi ce texte a deux défauts...
Le premier est sans doute les comparaisons répétées (parfois deux en une seule page) dans la première moitié du livre, qui alourdissent la lecture et qui plus est, n'apportent rien au texte : deux exemples
- "Cédric ne distinguait qu'une ombre, discrète mais inquiétante, jetée sur son quotidien, [comme le foulard d'un magicien sur un chapeau rempli de lapins]"
- "en retrouvant sa famille, [chaque membre aligné tels des bonhommes de neige] devant le chalet qu'ils avaient loué.."
Le deuxième défaut se situe dans les dialogues. Si Olivier Chapuis est excellent pour les échanges entre les personnages adultes, puisque notamment à travers eux ilpointe les défauts... cela est beaucoup moins le cas pour des personnages adolescents. Alors certes la scène se passe en Suisse, et sans doute que le vocabulaire jeune doit (un peu) différencier avec la France... mais on sent que l'auteur n'est pas dans son élément :
- "Joue pas au naze, on va ranger ce truc et on va au salon, ma mother va pas tarder"
"Le Parc" est donc non seulement un roman réussi,original, captivant et percutant qui donne matière à réflexion, mais donne également l'envie de découvrir Olivier Chapuis sur un roman beaucoup plus long...