Tout commence alors que Myriam, la narratrice, est encore adolescente. Extrêmement introvertie, elle vit chez son père qui l’a élevée seul depuis que la mère les a quittés. La mort de leurs voisins fait débarquer dans le quartier un nouveau voisin, un homme d’une quarantaine d’années, Yann, qui très vite devient son premier amant. Peu après, les voici mariés et Myriam se libère de ses inhibitions de jeune fille puis accouche d’une petite Caroline, sans éprouver aucun sentiment maternel. Un jour, son frère Nathan et sa mère réapparaissent dans sa vie pour se disputer l’héritage paternel…
Ce n’est que le début d’une histoire sans grand intérêt, où entreront en scène, au fil des années qui passent, de nombreux autres personnages, tous comme cul et chemise, comme souvent dans les romans de Djian – et quand j’écris chemise, c’est parce que je suis de nature assez prude. Epoux, amants et maîtresses de tous âges, drogue, dérives et errances existentielles, problèmes familiaux, mais tout cela sonne creux, impossible de s’intéresser à cette Myriam ou à cet aréopage de bobos superficiels. En toile de fond à ce roman, un zoo sert de décor récurrent et le lecteur s’interroge, faut-il y voir une métaphore ou bien l’auteur s’est-il trompé de sujet d’étude, plaçant du mauvais côté des grilles son œil observateur ?
Une histoire nulle de sens, Djian retombe donc dans ses travers (voulus) après l’embellie inespérée de son précédent roman. Quant à l’écriture, qu’on l’apprécie ou non, elle reste là. Des phrases courtes, de plus en plus épurées semble-t-il et cette fois, l’écrivain s’attaque à une nouvelle figure de style dans son œuvre, l’ellipse. Il en use et abuse, rendant la lecture plus complexe qu’à l’accoutumée chez lui. Des raccourcis brutaux, des omissions, le lecteur doit s’accrocher pour ne comprendre réellement ce qu’il lit que plusieurs lignes ou pages plus loin. Tout le bouquin ne tient que sur cet artifice intellectuel obligeant à rester éveillé. C’est peu. Pour moi en tout cas. Le vieux rêve de Flaubert, « un livre sur rien, qui se tiendrait de lui-même par la force de son style », n’est pas encore exaucé.
Le pire dans tout cela, c’est que je ne peux pas blâmer l’écrivain, tout est de ma faute en fait. J’ai tant adoré Philippe Djian – il y a une éternité – que je saute sur ses nouveaux opus dès leur parution, complètement accro à cette drogue littéraire. Je sais par avance que je serai déçu, que je vais en souffrir, mais dès qu’elle arrive chez mon dealer le libraire, je fonce l’acheter. Le grand problème des bouquins de Philippe Djian, c’est qu’il n’y a rien à en retirer pour le lecteur : aucun plaisir de lecture, aucun enseignement sur la vie ou le monde, juste des silhouettes floues qui s’agitent vainement au fil des pages. Fait chier, merde.
Allez, je vous libère, dispersez-vous…. En courant !
« Quand il rentrait, Yann prenait Caroline dans ses bras et elle cessait de pleurer aussitôt. Il ne disait rien, mais je savais ce qu’il pensait. Il disait Myriam, tout va bien. Or je n’y arrivais pas. Quelque chose me manquait. Ce fameux instinct maternel, cette attirance naturelle que j’étais censée éprouver. Et j’étais si horrifiée, si honteuse de moi que je le cachais. C’était une vraie souffrance. Je devais me forcer avec elle, lui parler, la prendre, lui sourire quand je n’en avais pas envie, c’était épouvantable. Elle me réveillait plusieurs fois pendant la nuit, comme pour se venger. »