Titre : Max
Auteur : Sarah Cohen-Scali
Genre : Jeunesse, Historique
Maison d’édition : Gallimard
Date de parution : 31/05/2012
Nombre de page : 473 pages
Nombre de tome : 1
Prix : 15.90 €
« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Fürher. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer. Heil Hitler ! » Max est le prototype parfait du programme « Lebensborn » initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne, jeunesse idéale destinée à régénérer l’Allemagne puis l’Europe occupée par le Reich.
Le nom de ce livre ressort très souvent sur la blogosphère lorsque l’on parle des romans sur la seconde guerre mondiale. Bien que son personnage principal soit fictif, il évoque un sujet bien réel, le « Lebensborn ». C’est toujours un peu difficile de mettre des mots sur ce que l’on ressent lors de ces lectures qui portent sur des « sujets difficiles ». On a envie de dire que le livre est très bon, mais que son contenu horrible, ce qui semble contradictoire. Je vais tout de même tenter de vous donner mon avis sur ce roman.
Ce livre nous raconte l’histoire de Konrad, appelé « Max » par sa mère biologique. Konrad est un enfant du programme de l’Allemagne nazi qui consistait à faire en sorte que les officiers SS, choisis selon des critères précis, aient des enfants avec des femmes, elles aussi choisies pour leur grandeur, leurs yeux bleus, leurs cheveux blonds, la largeur de leur bassin, etc. On suit d’abord les pensées de Konrad (narration à la première personne) alors qu’il est encore dans le ventre de sa mère. Il est déjà capable de comprendre tout ce qui se passe autour de lui et souhaite être le premier à naître le jour de l’anniversaire d’Adolf Hitler. Je vous laisse imaginer à quel point il est horrible de lire toutes les idées du parti nazi dans les pensées d’un enfant qui n’est pas encore né. On voit ensuite Konrad grandir, jusqu’à la fin de la guerre. Il aide aux enlèvements d’enfants en Pologne, intègre ensuite une école dans laquelle ces enfants sont « germanisés ». Il a presque toujours droit à un traitement de faveur, parce qu’il a été baptisé par Hitler en personne. S’il lui arrive de refuser d’obéir, c’est par ennui, par esprit de contradiction et non par un éclair de conscience. L’auteure s’est beaucoup documentée pour écrire son histoire et, en lisant le roman, on en apprend plus sur l’Allemagne de la deuxième guerre mondiale et surtout sur ce programme, « Lebensborn ». On s’attache progressivement à Konrad même si on ne peut que réprouver ses idées. Il reste cependant un enfant, ce que l’on peut ressentir dans certains passages ; pourtant, on lui demande de refouler cette « faiblesse ». Plus qu’un personnage que j’aurais aimé ou détesté, disons qu’il s’agit d’un personnage intéressant, pour sa psychologie et pour son développement. L’arrivée dans l’histoire de Lukas, un jeune Polonais juif arraché à sa famille, au physique correspondant aux normes aryennes voulues par les nazis, amène un tournant bienvenu, un coup de pouce pour faire avancer l’histoire sur une nouvelle voie. Ce nouveau personnage pousse Konrad à mettre en doute ses convictions, ce qui m’a ravi. Lukas n’est pas sans défaut, mais il m’a davantage plu que Konrad, ne serait-ce que parce qu’il se rend compte de l’horreur des actes des Allemands (j’en demande beaucoup à des enfants, je sais). C’est en tous cas un personnage qui m’a plus touchée. Je ne m’étendrai pas plus sur la suite de l’histoire, bien qu’elle mérite d’être discutée, pour ne pas vous spoiler. Je peux tout de même vous dire que j’ai beaucoup aimé.
Le style de l’auteure est assez cru, surtout quand on prend en compte le fait qu’il s’agit des pensées d’un enfant. Elle n’hésite pas à parler à utiliser des mots comme « pute » ou à parler de sexe, le tout dans la bouche d’un garçon de moins de 10 ans. Cela ne m’a pas gêné, j’ai trouvé que cela servait le propos : il n’y a plus d’innocence dans cet enfant, ou du moins, elle est enfouie tout au fond de lui. J’ai été plus gênée par contre par certaines explications superflues qui étaient parfois données, mais je me suis dit qu’elles étaient sûrement destinées aux enfants, car il s’agit là d’un livre jeunesse (même si je ne le mettrais pas dans toutes les mains), et qu’elles permettaient de donner un air hautain à Konrad, soi-disant plus informé que le lecteur.
Je vais conclure cette chronique un peu longue en conseillant ce livre, ne serait-ce que pour avoir un autre point de vue sur la deuxième guerre mondiale. Je pense toutefois qu’il ne convient pas aux trop jeunes lecteurs .
Cette chronique figure également sur le blog foxyreader