Petit OVNI de la rentrée littéraire de ce début d'année, En attendant Bojangles, premier roman de l'auteur, est sans doute l'une des plus belles lectures que j'ai eu entre les mains.
C'est l'histoire d'un amour fou et fantasque. C'est l'histoire d'un mari et d'un père prêt à tout pour la femme de sa vie, d'une mère et d'une épouse qui sombre petit à petit dans une douce folie.
... ta Maman, ce sont les racines, les feuilles, les branches et la tête en même temps, et nous, nous sommes les jardiniers, nous allons faire en sorte que l'arbre tienne debout et qu'il ne finisse pas déraciné.
C'est un récit intemporel qui n'a rien à envier à un Boris Vian, c'est une valse enivrante et fiévreuse. En jouant la comédie, en dansant, en riant, en inventant des histoires, en organisant des fêtes extravagantes dans leur immense appartement ou dans leur château en Espagne, le père et le fils avec l'aide de l'Ordure, un homme politique bon vivant, et de Mademoiselle Superfétatoire, leur grue domestique, tentent d'épater et d'amuser cette femme fantasque qu'ils aiment tant et qui voit la vie comme un roman pour échapper à la moche réalité de l'existence. Le burlesque et l'insouciance de ce joyeux bordel cache la mélancolie et le drame qu'installe la folie de la mère dans le quotidien de la famille. L'écriture ici est d'une importance capitale qui tout en rimes porte avec virtuosité la poésie, le charme, la drôlerie mais également la tristesse du récit.
Le point de vue est celui du narrateur, le fils, qui raconte avec le regard enfantin et candide de l'enfant qu'il a été l'étrange histoire qu'il a vécue avec ses parents, entrecoupée par les extraits du roman de son père qui nous permettent de nous rendre compte que sous ses airs d'imbécile heureux, le père n'en est pas vraiment un et qu'il a parfaitement conscience que l'équilibre familiale ne tient qu'à un fil.
Le temps d'un cocktail, d'une danse, une femme folle et chapeautées d'ailes, m'avait rendu fou d'elle en m'invitant à partager sa démence.
Je crois qu'aucun roman ne m'a autant fait rire et en même temps fait pleurer dans toute ma vie de lectrice (courte certes mais quand même). Dire que ce petit livre est un coup de coeur est bien faible. C'est une ode à l'amour, à la folie et à la vie. La fin arrive déchirante alors que l'on doit faire ses adieux à cette fable enchanteresse et au narrateur, seul avec ses souvenirs.
J'ai tourné la dernière page, un sourire aux lèvres alors que je continuais de pleurer. Durant cinq minutes, je suis restée allongée à écouter la chanson de Nina Simone Mister Bonjangles, dont le titre et l'oeuvre font référence, en repensant à cette histoire qu'on venait de me conter et qui ne devait plus me quitter. C'est le genre de roman que l'on a envie de distribuer à la sortie du métro, aux passants, aux amis et à la famille. Et si je devais mettre en jeu ma réputation de lectrice pour un livre, ça serait bien celui-là.
Lisez-le, mes chatons. Vraiment.