Résumé :
« Peut-on épouser un inconnu ? Ce n’est pas l’avis de Silvia, promise à un certain Dorante qu’elle n’a jamais vu. Avant d’accepter ce mariage, elle décide donc de tester son prétendant sans se faire connaître : elle prendra l’identité et les attributs de sa servante Lisette, pendant que celle-ci se fera passer pour Silvia. Mais ce qui était une bonne idée se transforme en situation cocasse, puisque Dorante a lui aussi échangé les rôles avec son serviteur. L’entrevue des deux valets subitement élevés au rang de maîtres laisse présager de savoureuses répliques, mais pourra-t-elle changer la donne amoureuse de la pièce ? Rien n’est moins sûr, à moins que derrière les travestissements, l’amour ne finisse par reconnaître les siens… »
Mon avis :
Comme je vous l’ai déjà dit dans un article précédent, je dois lire certaines œuvres pour mon cours de littérature française. Après L’île des esclaves, c’est au tour du Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux. C’était donc ma seconde lecture pour cet auteur et je n’ai pas été déçue. J’ai même beaucoup aimé!
Commençons par la préface. Dans mon article sur l’Ile des esclaves, je vous avais fait part de mon agacement face à celle de Jean Goulemot qui se prenait pour un « Monsieur-je-sais-tout » et qui décrivait les pensées et intentions de Marivaux comme s’il était dans sa tête. Et bien en ce qui concerne la préface de Jean-François Patricola (édition Pocket), mon ressenti a été totalement différent. J’ai beaucoup aimé ces quelques pages dans lesquelles il replace Marivaux dans un contexte actuel pour nous faire comprendre quelle petite révolution les écrits de Marivaux ont provoqués à son époque. On comprend beaucoup plus facilement quand les exemples sont replacés au XXIe siècle et cela permet d’appréhender la pièce avec un tout autre regard. Et surtout, dans cette préface, Jean-François Patricola ne dévoile pas l’intrigue et encore moins la fin de cette pièce de théâtre (je ne vise personne, bien évidemment…), ce qui m’a permis de découvrir la pièce au fil de ma lecture et de ne pas anticiper sur ce qui allait se passer. Mes lectures de l’Île des esclaves et du Jeu de l’amour et du hasard ont donc été très différentes.
Dans cette pièce de théâtre nous découvrons donc Silvia, une jeune femme sur le point de rencontrer son futur époux. Ce mariage a été arrangé par son père et un de ses amis. Mais les deux hommes ne veulent pas que leurs enfants s’unissent s’ils ne s’apprécient pas. Une première rencontre entre Silvia et Dorante est donc organisée. Mais Silvia pense à quelque chose… Dorante pourrait ne l’aimer que pour sa dot et sa condition sociale! Alors pour être certaine que ses sentiments sont sincères, elle décide d’inverser les rôles : elle prendra la place de Lisette, sa servante, tandis que cette dernière devra faire illusion en se comportant comme une femme de bonne condition. Cependant, elle ne se doute pas une seule seconde que son futur époux a pensé à la même chose qu’elle et qu’il a pris la place de son valet, Arlequin. Les quatre jeunes gens sont donc au centre d’un cercle vicieux dans lequel personne ne joue son propre rôle et où chacun va tomber amoureux « de la mauvaise personne »…
Je hais la maîtresse dont je devais être l’époux, et j’aime la suivante qui ne devait trouver en moi qu’un nouveau maître.
J’ai vraiment beaucoup aimé les différents personnages de cette pièce! Silvia n’est, au départ, qu’une jeune femme qui ne veut pas d’un mariage sans amour. Il en est de même pour Dorante. Quant aux deux servants, Lisette et Arlequin, ils présentent toutes les caractéristiques des valets de comédie. Leur conversation sont vraiment comiques car ils exagèrent leurs manières, ils essaient de se comporter comme leurs maîtres mais bien sûr, ils n’ont pas eu la même éducation et ne savent pas comment s’y prendre.
J’ai aussi beaucoup aimé Mr Orgon et Mario. Depuis le début, ils savent qui est qui. Mais ils laissent les deux couples mariner, ils font comme si de rien était, et cela apporte un effet très ironique lorsqu’ils parlent à Silvia du fait qu’elle s’amourache d’un valet!
Mon cœur est fait comme celui de tout le monde. De quoi le vôtre s’avise-t-il de n’être fait comme celui de personne ?
J’ai bien aimé l’histoire, c’est très original et divertissant. On se demande à chaque instant s’ils vont révéler leur véritable identité où s’ils vont garder leur couverture jusqu’au bout. Mais surtout, certaines situations sont tellement aberrantes qu’on ne peut qu’en rire!
J’ai aussi apprécié le fait que les deux personnages principaux, Dorante et Silvia, évoluent au fil des pages. Ils apprennent à connaître l’autre, mais aussi à se connaître eux mêmes. Etant de bonne condition, ils ne pouvaient pas imaginer un seul instant pouvoir tomber amoureux d’un simple servant. Mais à la fin de la pièce, ils se remettent tout de même en question…
Enfin, l’écriture de Marivaux m’a une nouvelle fois beaucoup plu. Le vocabulaire employé n’est pas compliqué ni « trop classique » et les répliques sont presque toujours courtes (il ne doit y avoir que 4 ou 5 répliques de plus de 8 lignes). Mais, le vrai petit plus par rapport à l’Ile des esclaves, c’est l’histoire d’amour car j’ai trouvé certaines répliques vraiment magnifiques et bien écrites.
En bref, c’était une pièce de théâtre très agréable à lire et cela m’a donné envie de découvrir d’autres œuvres de cet auteur. Je vous le conseille vivement si vous ne l’avez pas déjà lu!
Note : 18/20
Nous parlions d’une physionomie qui va et qui vient ; nous disions qu’un mari porte un masque avec le monde, et une grimace avec sa femme.