Frank Miller n'a plus une forme olympique, et sa santé est malheureusement défaillante. C'est pourquoi il a été aidé notablement par la plume de Brian Azzarello, et les crayons d'Andy Kubert, qui a pris la suite, graphiquement parlant, des aventures du Dark Knight. L'histoire est à la fois simple, efficace, et on le devine, source de rebondissements à venir. Pour le moment, Miller prend le temps de remettre ses pions sur la table, avec Batman, Wonder Woman, Lara, la fille de cette dernière (et de Superman) et Atom. L'album s'ouvre sur un mystérieux individu qui vient emprunter le costume du Dark Knight dans sa célèbre caverne, alors que des messages s'échangent concernant le retour probable du héros. Tandis que la police est aux trousses d'un jeune garçon de couleur, Batman (ou qui pour lui) s'en prend aux forces de l'ordre, avec l'envie claire et rageuse de casser quelques crânes, ce qui épouse bien le sentiment actuel aux States, d'une partie de la population, qui est outrée par les agissements de ceux censés défendre le quidam moyen. Car il semblerait que l'après Gordon soit synonyme de corruption et de violence dans la ville, qui par certains aspects est devenue une actualisation du concept de Sin City. Le commissaire Yindel semble impuissant et comprend que le retour du Batman est inéluctable, alors que les médias interviennent dans le récit, selon une tradition bien établie par Frank Miller dans ses travaux précédents. Ce même Miller et Azzarello donnent également la part belle aux femmes, avec Wonder Woman qui élève son petit dernier et affronte des créatures mythologiques, et Lara sa fille, qui part à la découverte de ses origines dans la cité bouteille de Kandor, alors que son père, Superman, est lui figé dans la glace. Batman (le nouveau Batman, dont je continue de taire l'identité même si vous pouvez deviner...), pour sa part, est capturé par le GCPD...
Andy Kubert est dans une forme excellente sur The Master Race. Il parvient (à sa façon) à donner corps au style aux ambiances de Frank Miller, bien épaulé par l'encrage rodé de Klaus Janson, mais il magnifie l'ensemble en y insufflant plus de clarté et de lisibilité. Frank Miller retrouve ses crayons dans les histoires complémentaires, et il parait être revenu à des standards qualitatifs honorables, tout en essayant de maintenir cette façon identifiable d'altérer l'anatomie des personnages, qui est un peu la croix et les délices de ses détracteurs ou de ses admirateurs. Tout ceci est un peu à l'image de ce DK III. Gros muscles saillants, combats explosifs, clins d'oeils appuyés à la grande époque millerienne, tout est fait pour donner envie au lecteur nostalgique de l'intensité dramatique du premier Dark Knight returns. Pourtant, il semblerait que l'essentiel des aspérités redoutées, du coté trash provocateur qui paraissait devoir suinter de cette sortie, à chaque page, est pour le moment fort mesuré. Plus conventionnel, plus policé, ce nouveau volet est probablement autant une oeuvre d'Azzarello qu'un travail de supervision de Miller. Qui a donné naissance à des centaines de milliers de variant covers (j'exagère à peine) et permis à Dc Comics de faire (momentanément) un bond dans les chiffres de vente mensuels des comics aux States. Chiffres pas très glorieux ces temps derniers...
Question subsidiaire : Mais pourquoi Urban Comics a choisi de ne pas faire apparaître ce qui est le titre de ce troisième volet, à savoir The Master Race, en couverture? Le politiquement correct strikes again?
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