Voilà une auteure que j'attendais au tournant, car après deux livres qui m'avaient profondément marqué, je n'avais pas du tout apprécié son dernier roman en date. Il n'était pas mauvais, mais n'avait pas l'incroyable intensité des deux autres. Alors, me voilà face à ce pavé de 520 pages, en me disant que je suis prêt à plonger dans une piscine dont j'ignore si elle sera pleine d'eau à température agréable ou, au contraire, glaciale. Nous dirons que c'est entre les deux. Car, si "De force", le nouveau roman de Karine Giebel, désormais éditée par Belfond, n'a pas la puissance de "Meurtres pour rédemption" ou de "Purgatoire des innocents", c'est un pur page-turner qu'on dévore presque sans s'en rendre compte, porté par une mécanique habile et un suspense qui monte comme une mayonnaise bien compacte. Avec, au coeur de cette histoire, un thème central et particulièrement corrosif : la culpabilité.
Maud Reynier fait tranquillement son jogging avec son chien quand elle est agressé par un homme qui essaye de la violer. Et, si l'on en croit ses mots, il serait peut-être allé encore plus loin avec la jeune femme, sans doute pour ne pas laisser de témoin, si un autre jogger n'était pas intervenu in extremis pour l'empêcher de mener à bien son sinistre projet.
Après une brève bagarre, l'agresseur s'enfuit et la victime et son sauveur restent face-à-face. Il s'appelle Luc et Maud tient absolument à lui présenter ses parents : son père, Armand, un professeur bien connu dans la région, propriétaire d'une clinique à Nice, et Charlotte, sa belle-mère. Pour cela, Luc devra se rendre dans la magnifique villa que possèdent les Reynier près de Grasse.
Cette visite n'enchante guère Luc, mais il voit mal comment y échapper. Mais, lorsque Luc révéle au chirurgien qu'il est garde du corps de profession, alors, ce dernier lui propose un deal : abandonner son travail actuel, surveillant dans un musée, pour protéger Maud. En effet, Armand Reynier redoute que l'agresseur de sa fille veuille recommencer, avec l'ambition de ne pas échouer, cette fois.
Voilà qui change la donne. Luc n'hésite pas longtemps et accepte ce poste un peu particulier. Il faut dire qu'il sera nourri, et l'employée de maison des Reynier, Amanda, s'avère être une excellente cuisinière, logé dans un studio situé tout près de la villa et blanchi. Même si sa mission le tiendra sur la brèche 24 heures sur 24, ou pas loin, ces conditions méritent qu'on y prête attention.
Disposant d'un port d'arme, entraîné à la boxe et aux arts martiaux, Luc attend l'éventuelle venue de l'agresseur de pied ferme. Et pendant ce temps, il découvre la vie au sein de la famille Reynier. Un père obsédé par son boulot, autoritaire pour ne pas dire tyrannique, une épouse noie son ennui dans divers cocktails et apprécie le physique avenant du garde du corps, et Maud, la pauvre petite fille riche.
Luc, qui tient à garder ses distances avec ses employeurs, doit pourtant faire avec ces tensions, qu'on devine anciennes. Eviter de déclencher les colères d'Armand, esquiver les oeillades de Maud et les tentatives à peine dissimulées de Charlotte de le séduire... Voilà une mission qui s'annonce peut-être plus compliquée que prévu...
Jusqu'à ce que de nouveaux événements viennent donner une tournure différente à l'histoire. Car, avec ces éléments neufs, on peut se demander si l'agresseur de Maud ne vise pas carrément la famille, ou sa paterfamilias... Il va falloir se méfier de plus en plus d'un adversaire qui les nargue à distance et paraît se faire de plus en plus menaçant...
"De force" est une espèce de huis clos familial. Certes, la villa est l'unité de lieu principal du livre, mais on n'y est pas non plus retranché comme à Fort Alamo. En revanche, cette famille Reynier a, vu de l'extérieur, quelque chose d'assez étouffant. L'opulence, le statut social, ce chef de famille qui semble mener tout le monde d'une poigne de fer, c'est assez oppressant.
Un des piliers de ce nouveau thriller signé Karine Giebel est cette cellule familiale ultra-resserrée. Les Reynier ne vivent pas en autarcie, coupés du reste du monde, mais il faut bien reconnaître que leurs relations sociales, en dehors des collègues et employés d'Armand à la clinique, paraissent bien peu nombreuses.
Mais, cette atmosphère pesante dans laquelle pénètre Luc est encore renforcée par le sentiment que tout le monde a des choses à cacher, que les secrets et les non-dits empoisonnent les relations entre Armand, Charlotte et Maud. On ne se dit pas les choses en face, on laisse pourrir les différends et cela finit par gangrener toute la famille...
Le corollaire de cette situation, dans laquelle personne n'est franc du collier, c'est qu'il plane très rapidement une sensation de doute sur l'histoire. A qui peut-on faire confiance ? Et de quelle nature sont les cadavres qui se planquent dans les placards de la famille Reynier ? Cadavres au sens figuré, bien sûr. Enfin, sauf preuve du contraire...
Oui, on doute de tous car on manque sérieusement de repère. Karine Giebel met en place une intrigue qui repose sur toute une série de zones d'ombre qui font que le lecteur se met à suspecter chacun. Les suspecter de quoi ? Ah, mais ça aussi, c'est un sacré mystère ! Ce que se reprochent les uns et les autres est-il lié à l'agression de Maud, ou cet événement n'est-il qu'un révélateur des problèmes des Reynier ?
Karine Giebel nous a habitués à des romans coups de poing, souvent marqués par une immense violence physique. Des livres qui entraient dans le vif du sujet très rapidement et gardaient leur rythme soutenu d'un bout à l'autre. Avec "De force", elle s'attaque à un thriller plus orienté vers de ressorts psychologiques.
Attention, soyons clair, les autres livres de l'auteure contiennent également une bonne dose de psychologie, car il s'agissait d'affrontements frontaux entre personnages cherchant à prendre le dessus les uns sur les autres, mais aussi, à se dépasser eux-mêmes. Dans "De force", l'action pure et la violence sont en retrait pour laisser place à d'autres ressorts narratifs.
Ces secrets, ce doute savamment entretenu chez le lecteur, les voilà, les ressorts. Le roman se place dans une tradition de roman à intrigue à la Agatha Christie. Ne manque qu'un émule d'Hercule Poirot pour venir démêler l'écheveau... Le résultat, c'est une tension qui va crescendo, à partir d'éléments factuels très simples, très classiques.
Le tout, attisé par un feu dont on va très vite comprendre la nature : la culpabilité. Eh oui, nos personnages ont des secrets et ils n'en sont pas fiers. S'ils ont des choses à cacher, ces parce que cela n'est guère reluisant. Alors, on élude, on botte en touche, on agit dans le dos des autres... Et le lecteur, lui, doute de plus en plus des uns et des autres, de ces hypocrites peu dignes de confiance...
Le couvercle de la boîte de Pandore des Reynier est irrémédiablement soulevé. Impossible, désormais, de remettre à l'intérieur ce qui s'en échappe. Alors que le danger se fait plus pressant, la pression devient énorme sur les épaules des principaux acteurs, chez qui la peur de se voir menacés par un inconnu le dispute à la peur de voir révéler ses vilains petits secrets...
Pour autant, n'allez pas croire que la violence se limite à ce domaine psychologique. Il faut reconnaître que Karine Geibel prend un malin plaisir à mettre sur le gril ses personnages, avec cet ennemi qui tient les rênes, choisit le moment et la manière de remettre de l'huile sur le feu et semble aussi insaisissable que culotté.
Mais, la violence physique n'est pas pour autant absente. Ca castagne encore pas mal, dans "De force". Des plaies, des bosses, des blessures diverses et variées, parce que la souffrance est une arme et l'infliger, une forme de pouvoir qu'on impose à l'autre. Mais, sur ce thème-là, je ne vais pas en dire trop. On est tout de même loin de la violence débridée de "Purgatoire des innocents".
Tout cela est redoutablement efficace, on tourne les pages sans même s'en rendre compte, on dévore ce roman sans ressentir de saturation, mais au contraire, une insatiable curiosité afin de découvrir ce que cachent les uns et les autres et ce que tout cela peut avoir à faire avec cette situation de crise, où tous se sentent en permanence en danger.
Toutefois, j'ai trouvé, mais c'est très personnel, que "De force" avait, dans sa narration, un peu de gras superflu. Qu'on aurait pu condenser un peu plus l'histoire sans lui faire perdre de sa puissance, au contraire. Je ne parlerai pas de longueurs (mot aussi à a mode et horripilant que spoiler), car je ne me suis pas ennuyé une seconde. Simplement raboter quelques passages.
Je pense que le dénouement sera perçu de façon très variée d'un lecteur à l'autre. Peut-être certains auront-ils le sentiment d'avoir vu venir la chute, d'autres seront très surpris... Je navigue un peu entre ces deux extrêmes. Si j'ai pressenti certains éléments, d'autres m'ont pris de cours. Et, quoi qu'il en soit, même si son intuition paraît bonne, impossible de décrire à l'avance la totalité des événements concluant cette histoire.
"Meurtres pour rédemption" et "Purgatoire des innocents" avaient été des lectures très marquantes, des histoires d'une puissance telle qu'on en ressort déstabilisé, penaud, épuisé, bousculé. "Satan était un ange", bon thriller, sans plus, n'avait pas cette dimension-là, et de loin. Avec "De force", Karine Giebel n'atteint pas les sommets des deux premiers cités, mais s'en approche.
Je n'ai pas ressenti de malaise, de me difficulté à me positionner moralement face aux personnages qui m'ont été soumis. Mais, je ne crois pas que ça tienne à la qualité du roman, ce n'est juste pas son objectif : les dilemmes cornéliens, les renversements de valeur et même la volonté rédemptrice qui sous-tendaient "Meurtres pour rédemption" et "Purgatoire des innocents" ne sont pas au programme.
Dans "De force", il y a des coupables et des victimes. Tous sont coupables, c'est indéniable, c'est la base, le carburant de l'intrigue. Tous sont-ils victimes ? C'est le but à atteindre de comprendre cela. Ce nouveau roman est un jeu de pistes, qui nous entraîne dans une direction, puis dans une autre apparemment plus attractive, etc.
Qui est le maître du jeu ? Un jeu de plus en plus macabre, qui vise clairement à semer le plus de zizanie possible au sein du clan Reynier et de pousser ses membres dans leurs derniers retranchements. Il y a bien l'épée de Damoclès d'un acte fatal, mais, avant que le crin ne cède, on sait qu'il y aura mille tourments à affronter, avec plus ou moins d'armes pour cela.
Il y a, dans ces événements, quelque chose de cyclonique... La menace, autant que la révélation des secrets des uns et des autres alimentent la tempête. Elle menace de tout emporter et va même peut-être y parvenir. Reste qu'on se dit que c'est peut-être l'occasion de faire table rase de ce passé douloureux et encombrant. Un salut dont le prix ne sera certainement pas léger léger...
Maud Reynier fait tranquillement son jogging avec son chien quand elle est agressé par un homme qui essaye de la violer. Et, si l'on en croit ses mots, il serait peut-être allé encore plus loin avec la jeune femme, sans doute pour ne pas laisser de témoin, si un autre jogger n'était pas intervenu in extremis pour l'empêcher de mener à bien son sinistre projet.
Après une brève bagarre, l'agresseur s'enfuit et la victime et son sauveur restent face-à-face. Il s'appelle Luc et Maud tient absolument à lui présenter ses parents : son père, Armand, un professeur bien connu dans la région, propriétaire d'une clinique à Nice, et Charlotte, sa belle-mère. Pour cela, Luc devra se rendre dans la magnifique villa que possèdent les Reynier près de Grasse.
Cette visite n'enchante guère Luc, mais il voit mal comment y échapper. Mais, lorsque Luc révéle au chirurgien qu'il est garde du corps de profession, alors, ce dernier lui propose un deal : abandonner son travail actuel, surveillant dans un musée, pour protéger Maud. En effet, Armand Reynier redoute que l'agresseur de sa fille veuille recommencer, avec l'ambition de ne pas échouer, cette fois.
Voilà qui change la donne. Luc n'hésite pas longtemps et accepte ce poste un peu particulier. Il faut dire qu'il sera nourri, et l'employée de maison des Reynier, Amanda, s'avère être une excellente cuisinière, logé dans un studio situé tout près de la villa et blanchi. Même si sa mission le tiendra sur la brèche 24 heures sur 24, ou pas loin, ces conditions méritent qu'on y prête attention.
Disposant d'un port d'arme, entraîné à la boxe et aux arts martiaux, Luc attend l'éventuelle venue de l'agresseur de pied ferme. Et pendant ce temps, il découvre la vie au sein de la famille Reynier. Un père obsédé par son boulot, autoritaire pour ne pas dire tyrannique, une épouse noie son ennui dans divers cocktails et apprécie le physique avenant du garde du corps, et Maud, la pauvre petite fille riche.
Luc, qui tient à garder ses distances avec ses employeurs, doit pourtant faire avec ces tensions, qu'on devine anciennes. Eviter de déclencher les colères d'Armand, esquiver les oeillades de Maud et les tentatives à peine dissimulées de Charlotte de le séduire... Voilà une mission qui s'annonce peut-être plus compliquée que prévu...
Jusqu'à ce que de nouveaux événements viennent donner une tournure différente à l'histoire. Car, avec ces éléments neufs, on peut se demander si l'agresseur de Maud ne vise pas carrément la famille, ou sa paterfamilias... Il va falloir se méfier de plus en plus d'un adversaire qui les nargue à distance et paraît se faire de plus en plus menaçant...
"De force" est une espèce de huis clos familial. Certes, la villa est l'unité de lieu principal du livre, mais on n'y est pas non plus retranché comme à Fort Alamo. En revanche, cette famille Reynier a, vu de l'extérieur, quelque chose d'assez étouffant. L'opulence, le statut social, ce chef de famille qui semble mener tout le monde d'une poigne de fer, c'est assez oppressant.
Un des piliers de ce nouveau thriller signé Karine Giebel est cette cellule familiale ultra-resserrée. Les Reynier ne vivent pas en autarcie, coupés du reste du monde, mais il faut bien reconnaître que leurs relations sociales, en dehors des collègues et employés d'Armand à la clinique, paraissent bien peu nombreuses.
Mais, cette atmosphère pesante dans laquelle pénètre Luc est encore renforcée par le sentiment que tout le monde a des choses à cacher, que les secrets et les non-dits empoisonnent les relations entre Armand, Charlotte et Maud. On ne se dit pas les choses en face, on laisse pourrir les différends et cela finit par gangrener toute la famille...
Le corollaire de cette situation, dans laquelle personne n'est franc du collier, c'est qu'il plane très rapidement une sensation de doute sur l'histoire. A qui peut-on faire confiance ? Et de quelle nature sont les cadavres qui se planquent dans les placards de la famille Reynier ? Cadavres au sens figuré, bien sûr. Enfin, sauf preuve du contraire...
Oui, on doute de tous car on manque sérieusement de repère. Karine Giebel met en place une intrigue qui repose sur toute une série de zones d'ombre qui font que le lecteur se met à suspecter chacun. Les suspecter de quoi ? Ah, mais ça aussi, c'est un sacré mystère ! Ce que se reprochent les uns et les autres est-il lié à l'agression de Maud, ou cet événement n'est-il qu'un révélateur des problèmes des Reynier ?
Karine Giebel nous a habitués à des romans coups de poing, souvent marqués par une immense violence physique. Des livres qui entraient dans le vif du sujet très rapidement et gardaient leur rythme soutenu d'un bout à l'autre. Avec "De force", elle s'attaque à un thriller plus orienté vers de ressorts psychologiques.
Attention, soyons clair, les autres livres de l'auteure contiennent également une bonne dose de psychologie, car il s'agissait d'affrontements frontaux entre personnages cherchant à prendre le dessus les uns sur les autres, mais aussi, à se dépasser eux-mêmes. Dans "De force", l'action pure et la violence sont en retrait pour laisser place à d'autres ressorts narratifs.
Ces secrets, ce doute savamment entretenu chez le lecteur, les voilà, les ressorts. Le roman se place dans une tradition de roman à intrigue à la Agatha Christie. Ne manque qu'un émule d'Hercule Poirot pour venir démêler l'écheveau... Le résultat, c'est une tension qui va crescendo, à partir d'éléments factuels très simples, très classiques.
Le tout, attisé par un feu dont on va très vite comprendre la nature : la culpabilité. Eh oui, nos personnages ont des secrets et ils n'en sont pas fiers. S'ils ont des choses à cacher, ces parce que cela n'est guère reluisant. Alors, on élude, on botte en touche, on agit dans le dos des autres... Et le lecteur, lui, doute de plus en plus des uns et des autres, de ces hypocrites peu dignes de confiance...
Le couvercle de la boîte de Pandore des Reynier est irrémédiablement soulevé. Impossible, désormais, de remettre à l'intérieur ce qui s'en échappe. Alors que le danger se fait plus pressant, la pression devient énorme sur les épaules des principaux acteurs, chez qui la peur de se voir menacés par un inconnu le dispute à la peur de voir révéler ses vilains petits secrets...
Pour autant, n'allez pas croire que la violence se limite à ce domaine psychologique. Il faut reconnaître que Karine Geibel prend un malin plaisir à mettre sur le gril ses personnages, avec cet ennemi qui tient les rênes, choisit le moment et la manière de remettre de l'huile sur le feu et semble aussi insaisissable que culotté.
Mais, la violence physique n'est pas pour autant absente. Ca castagne encore pas mal, dans "De force". Des plaies, des bosses, des blessures diverses et variées, parce que la souffrance est une arme et l'infliger, une forme de pouvoir qu'on impose à l'autre. Mais, sur ce thème-là, je ne vais pas en dire trop. On est tout de même loin de la violence débridée de "Purgatoire des innocents".
Tout cela est redoutablement efficace, on tourne les pages sans même s'en rendre compte, on dévore ce roman sans ressentir de saturation, mais au contraire, une insatiable curiosité afin de découvrir ce que cachent les uns et les autres et ce que tout cela peut avoir à faire avec cette situation de crise, où tous se sentent en permanence en danger.
Toutefois, j'ai trouvé, mais c'est très personnel, que "De force" avait, dans sa narration, un peu de gras superflu. Qu'on aurait pu condenser un peu plus l'histoire sans lui faire perdre de sa puissance, au contraire. Je ne parlerai pas de longueurs (mot aussi à a mode et horripilant que spoiler), car je ne me suis pas ennuyé une seconde. Simplement raboter quelques passages.
Je pense que le dénouement sera perçu de façon très variée d'un lecteur à l'autre. Peut-être certains auront-ils le sentiment d'avoir vu venir la chute, d'autres seront très surpris... Je navigue un peu entre ces deux extrêmes. Si j'ai pressenti certains éléments, d'autres m'ont pris de cours. Et, quoi qu'il en soit, même si son intuition paraît bonne, impossible de décrire à l'avance la totalité des événements concluant cette histoire.
"Meurtres pour rédemption" et "Purgatoire des innocents" avaient été des lectures très marquantes, des histoires d'une puissance telle qu'on en ressort déstabilisé, penaud, épuisé, bousculé. "Satan était un ange", bon thriller, sans plus, n'avait pas cette dimension-là, et de loin. Avec "De force", Karine Giebel n'atteint pas les sommets des deux premiers cités, mais s'en approche.
Je n'ai pas ressenti de malaise, de me difficulté à me positionner moralement face aux personnages qui m'ont été soumis. Mais, je ne crois pas que ça tienne à la qualité du roman, ce n'est juste pas son objectif : les dilemmes cornéliens, les renversements de valeur et même la volonté rédemptrice qui sous-tendaient "Meurtres pour rédemption" et "Purgatoire des innocents" ne sont pas au programme.
Dans "De force", il y a des coupables et des victimes. Tous sont coupables, c'est indéniable, c'est la base, le carburant de l'intrigue. Tous sont-ils victimes ? C'est le but à atteindre de comprendre cela. Ce nouveau roman est un jeu de pistes, qui nous entraîne dans une direction, puis dans une autre apparemment plus attractive, etc.
Qui est le maître du jeu ? Un jeu de plus en plus macabre, qui vise clairement à semer le plus de zizanie possible au sein du clan Reynier et de pousser ses membres dans leurs derniers retranchements. Il y a bien l'épée de Damoclès d'un acte fatal, mais, avant que le crin ne cède, on sait qu'il y aura mille tourments à affronter, avec plus ou moins d'armes pour cela.
Il y a, dans ces événements, quelque chose de cyclonique... La menace, autant que la révélation des secrets des uns et des autres alimentent la tempête. Elle menace de tout emporter et va même peut-être y parvenir. Reste qu'on se dit que c'est peut-être l'occasion de faire table rase de ce passé douloureux et encombrant. Un salut dont le prix ne sera certainement pas léger léger...