Harry Bosch, on le sait, est colérique, impulsif et sanguin, du genre à s'emporter en claquant les portes et en crachant les pires insultes. Sa manie de passer au-dessus des ordres et de franchir constamment la ligne jaune a fini par lasser sa hiérarchie, qui le contraint à suivre une thérapie avec le Dr Carmen Hinojos. Bosch est en pétard, mais prend peu à peu conscience du mal qui le ronge - le meurtre de sa mère, Marjorie Lowe, survenu trente ans plus tôt et jamais résolu. Il comprend alors qu'il est temps pour lui de s'y pencher, pour peut-être débloquer ce verrou tenace qui l'enserre depuis l'enfance. Toutefois, plonger dans le passé de call-girl de sa mère est extrêmement éprouvant pour Bosch. Bien que frappé d'interdiction d'enquêter (il a également rendu son badge), il se sert de l'identité de son supérieur, Harvey Pounds, pour mener ses investigations et pénétrer les hautes sphères de l'administration dans l'espoir d'éclairer les relations sulfureuses de Marjorie (elle entretenait une liaison avec un politicien en vogue). Mais cette manœuvre sera lourde de conséquences, pour Harry... qui va goûter à l'amertume de son insolence et conserver en bouche une aigreur persistante.
Cette lecture est étonnante de sensibilité et prend aux tripes dans son initiative de vouloir percer la carapace de notre inspecteur revêche et le délivrer de ses démons. Certes, Harry traverse une mauvaise passe et collectionne les coups durs (Sylvia l'a quitté et sa maison est à deux doigts de s'effrondrer depuis le tremblement de terre qui s'est produit près de Los Angeles en janvier 1994). Il n'aime pas s'épancher sur son triste sort, mais doit reconnaître qu'il a un mauvais karma à soigner. Et c'est décidément dans le rôle du sauveur des causes perdues qu'il est le plus fort, avec ce cas le plus personnel de sa carrière à appréhender. Le dénouement de l'intrigue ne manquera pas non plus de déstabiliser le lecteur... j'ai d'ailleurs pensé à la série Cold Case pour l'émotion, l'ambiance nostalgique, l'injustice et le suspense du contexte. De fait, c'est un roman sombre et poignant, mais qui ne transforme pas Harry Bosch en personnage mollasson et pétri de douleur pour autant. Loin de là ! L'épisode est très bon et constitue une partie d'un tout, je ne peux qu'enchaîner avec la suite... ;-)
Les éditions retrouvées / Mars 2015
Traduit par Jean Esch pour les éditions du Seuil (The Last Coyote, 1995)
Points / Septembre 2015 pour la présente édition