Nous avons rencontré Clarke, pour « Dilemma« , au Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême.
Concepts, partis pris et même réflexions philosophiques, Clarke ouvre la boite de pandore de son diabolique Thriller.
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Quel dessinateur es-tu (Mélusine/Diagonales) ?
C. Je suis tout ça. Je suis le dessinateur de Mélusine, de Diagonale, de Dilemma… Je suis la somme de mes albums.
Il n’y a pas un style ou une thématique ou tu te reconnais plus ?
Non, je n’ai pas l’intention de renier le moindre de mes albumns, de repartir en arrière, de changer quoi que ce soit.
L’album fait 130 pages a peu près. C’était vraiment prévu en one-shot ?
C. C’était prévu comme ça. Je l’ai dessiné tiers par tiers. C’était un deal que j’avais passé avec mon éditeur. Cela me permettait de ne pas interrompre mes autres séries.
C’est un album atypique avec deux fins. Tu avais d’autres exemples en tête avec cette mécanique ?
C. Non, c’est une idée qui a germée toute seule. Une envie de parler de philosophie qui a explosé dans ma tête avec une histoire contemporaine. Je ne peux pas m’expliquer ni pourquoi, ni comment. ça se passe comme ça.
Ca c’est mis en place tout seul. Et puis, dans l’élaboration du scénario, tous les reste s’est posé.
Il y a deux arc narratifs très éloignés. Il y a risque d’en “laisser une de coté”…
C. Il y a deux histoires. Je me suis attaché à l’histoire contemporaine, du début de guerre face à l’Allemagne nazie. C’est une histoire qui se suffit à elle même avec des personnages qui évoluent, un début et une fin.
C’est beaucoup plus compliqué pour la partie antique de bâtir une histoire aussi complexe. Par contre, je me suis attaché à travailler sur les interactions entre les quatre philosophes. On a un Diogène qui s’impose en maître de cérémonie, une Platon rétif, un Xénophone qui n’est pas vraiment un philosophe. C’est ce qui va l’amener à aller jusqu’au bout de l’idée. Simplement, c’est moins spectaculaire.
Tu travailles sur des moments et des personnalités réelle (historique). N’y a t-il pas un risque de faire trop réel ?
C. Je suis parti du principe qu’il s’agissait d’une histoire que je voulais raconter à hauteur d’homme. Donc, ce que je décris c’est le comportement d’un allemand de la rue, déchiré entre la satisfaction de voir une grande Allemagne et le régime Nazi.
L’allemand de la rue a vécu cela. Quand je parle de Himmler, ce sont des moments parfaitement historiques. S’ils n’ont pas existé, ils racontent quelque chose qui est avéré. Je décris Himmler comme un fanatique absolu et Goebbels comme un pragmatique, terriblement matérialiste. C’est ce qu’ils étaient réellement.
C. Pour moi, quand on est confronté à un choix qui nous dépasse, on a deux solutions. Soit vous agissez avec votre coeur, vos sentiments, soit vous essayez de vous placer au niveau de l’enjeu. Je pense qu’il n’y a que ces deux alternatives. Il n’y en a pas d’autres.
Il me fallait montrer les deux. Un seul personnage ne peut faire les deux choix. Mon personnage est très ambiguë. On sait qu’il aime sa compagne. C’est quelqu’un qui n’est pas vraiment en phase avec le monde qui l’entoure. Si c’eut été un personnage plus défini, ça n’aurait pas fonctionné.
Tu n’es pas « seulement » un auteur de BD. On voit sur le mini-site de “Dilemma” que tu es musicien. Qu’est ce que cela t’apporte ?
C. J’ai des longues journées que j’aime remplir (rires). En fait quand j’ai travaillé sur cet album, j’avais besoin de documentations historiques. Mon premier réflexe a été de consulter les archives de l’I.N.A. C’est une mine d’informations. Et j’ai commencé à faire des musiques avec ce matériel…
Et puis, finalement, les musiques m’ont inspirés pour mon dessin. Le lombard a été ravi de récupérer ceci dans ce minisite promotionnel.
Dans “Dilemma”, il y a l’idée que l’homme est prédéterminé d’avance. Et toi, es-tu prédéterminé ?
C. Absolument pas. Je ne suis pas du tout dans le déterminisme. Je suis un grand adepte du “laisser faire”. J’adore perdre le contrôle…
Le déterminisme, pour moi, c’est l’opposition entre l’idéalisme et le matérialisme. Le déterminisme, c’est juste le moyen pour faire un livre sur cette opposition radicale, qu’on a chacun en soi.
Je me sens tiraillé entre la force des idées et le concret. Etant moi-même dessinateur, vivant dans la fiction, j’ai parfois du mal à appréhender la réalité.
Cette dualité existera toujours.
Merci Clarke.
Interview réalisée le 30 janvier 2016, au 43ème Festival International de Bande Dessinée d’Angoulême, par Jacques Viel, pour « Un Amour de BD ».
NB : Un grand merci à Clarke et à l’équipe du Lombard (Chloé, Diane, Sophie)