L’Héritière – Jeanne-A Débats

Par Cpmonstre

J'aimerais pouvoir vous écrire des pages et des pages pour exprimer mon admiration pour " Crimson Peak " de Guillermo del Toro que j'ai vu dimanche soir et dont je ne me remets toujours pas : ces décors, cette musique, cette ambiance, Tom Hiddleston... C'est décidé, mon fils s'appellera Guillermo. Ou Kezac. Il en aura d'la chance le petit. Malheureusement, je ne peux décidément pas repousser plus longtemps le dernier billet du mois de février. L'Héritière est une petite découverte bit-lit bien sympa qui se moque gentiment du genre sans pour autant le révolutionner.

La bit-lit est un genre que je connais très peu et qui ne me fait pas énormément envie. Les seules références que j'ai sont Twilight et Vampire Diaries. Vous conviendrez de ma maigre culture, et puis alors quelle culture. J'ai été assez surprise pourtant en lisant la préface que ce roman est un des seuls représentants français du genre, croyant que les oeuvres pullulant depuis une bonne décennie avaient trouvé leurs auteurs français. Apparemment non. Et pourtant, c'est dire si avec nos légendes de terroir, on aurait de quoi faire. D'autre part, et je vais être honnête, si je ne suis pas attirée vers la bit-lit, c'est à cause des héroïnes qu'on rencontre trop souvent. Des godiches qui tombent dans les bras de boules à facette ou d'êtres ténébreux et virils, perpétuant ainsi l'image de la demoiselle en détresse qui attend avec des papillons dans le ventre que son hymen lui soit enfin dérobé. Non, définitivement non.

Mais ça c'était avant de lire L'Héritière.

Fille d'une sorcière, Agnès Cleyre a reçu le don ou la malédiction de voir les fantômes qui ne se contentent pas de se confier à elle façon SOS Détresse Amitié, mais carrément de l'attaquer psychiquement. Et ça la rend littéralement malade. Pour éviter d'avoir affaire à eux, elle se plonge dans l'alcool, son ivresse l'empêchant de les voir, et ne sort jamais de chez elle. Et puis, ses parents et son frère se tuent dans un accident de voiture et elle se retrouve seule pour affronter le mal qui la ronge. Son oncle Géraud, qui n'est pas vraiment son oncle d'ailleurs, la prend sous son aile et lui propose un job : assistante dans son cabinet de notaire pour l'Alter-monde qui a pour mission de gérer les crises et les affaires familiales des différents clans, vampires, loup-garous, et autres créatures magiques, en toute impartialité. Agnès va enfin pouvoir vivre une vie presque normale et faire la connaissance du beau Navarre, vampire de noble lignée, aussi cynique qu'extrêmement attirant.

J'étais beurrée comme un petit Lu, en plus, mais les raisons de l'expédition ne devaient rien à mon état d'alcoolémie.

Dès les premières lignes, le ton est donné et j'ai su que j'allais bien m'entendre avec cette Agnès. Pétée comme un coing pour aller au cimetière se recueillir sur la tombe de sa famille, Agnès dézingue, en une phrase, l'exemple de l'héroïne collet monté cité plus haut. Et ça fait un bien fou. Mais, je n'étais pas au bout de mes surprises. Même si la jeune femme semble bien innocente dans ce nouveau monde que ses parents lui ont toujours caché pour la protéger, elle reste malgré tout une jeune femme libérée. Déjà, elle n'est plus vierge, donc pas de scène de défloration cul cul la praline qui s'annonce. Ouf. Et puis, la jeune femme n'a pas sa langue dans sa poche et n'hésite pas à rembarrer les quelques malotrus qui auraient l'audace d'être un tant soit peu macho ou condescendant avec elle. C'est bien ma fille.

Quant à ses histoires sentimentales, car oui il y en a bien que ce ne soit absolument pas le fil conducteur du roman (encore un bon point), c'est plutôt bien gérer. Son attirance pour Navarre est tout aussi surnaturel que peut l'être le vampire. Là pareil, tout est fait en douceur, et pour ceux qui s'attendent à une relation torride entre les deux jeunes gens, passez votre chemin mes lapins. On ne peut pas dire que ce soit l'amour fou et la lenteur que semble prendre l'auteure pour décrire une attirance (mutuelle ?) est bienvenue. Si on sait que Agnès est folle de Navarre, il n'en va pas de même pour le vampire énigmatique. Alors fatiguée d'attendre, elle se jette dans les bras d'un... loup-garou ! Oui on sait qu'une jeune fille tombant amoureuse d'un vampire et d'un loup-garou, ça sent le cliché putassier à trois bornes. Mais c'était sans compter le talent de Jeanne-A Débats pour prendre du recul avec un humour et une ironie qui font du bien. Et du coup les love interest passent carrément.

L'auteure a vraiment du talent pour poser sa patte et créer une ambiance et un univers qui sortent des sentiers battus. Les personnages ont chacun une personnalité propre bien mise en avant et les méchants de l'histoire sont assez fascinants, voire attachants (vous me connaissez, j'ai un amour inconditionnel pour les salopards)(nouvel amour en date ? Peter Hayes dans les films de Divergent). Ce que j'apprécie tout particulièrement chez l'auteure, c'est qu'elle arrive à reprendre des figures mythiques archi connues et les incorporer à sa sauce sans que ça fasse tâche. Je pense par exemple au passage avec la Mort, en chair et en os, aussi inquiétante que cocasse.

Si parfois l'histoire traîne un peu et a du mal à décoller, surtout vers le milieu, c'est un défaut qui est vite rattrapé non seulement par le style de l'auteur, que perso j'ai adoré, et par le dénouement final explosif qui nous laisse sur pas mal de problématiques pour la suite.

Allez, je vous laisse en musique avec le morceau Allerdale Hall tiré de la BO de Crimson Peak qui m'a accompagnée pendant l'écriture de ce billet. Écoutez moi ça mes chatons, ces violons !