2084 de Boualem Sansal

2084Titre : 2084

Auteur : Boualem Sansal

Éditeur : Gallimard

Date de parution : 20 août 2015

274 pages

Au bout de 66 pages, je désespère d’entrer dans ce roman. Voilà un texte bien écrit, voire très littéraire, avec du vocabulaire, une syntaxe irréprochable, des phrases parfaitement ciselées, mais rien. Rien ne se passe dans ma tête, pas la naissance d’une seule petite image mentale, je ne vois pas le décor, je ne vois pas les personnages, je ne vois pas comment ils vivent. Du bavardage, beaucoup de bavardage mais pas la moindre petite narration qui me permette de comprendre l’histoire. Je comprends bien que l’auteur dénonce les méfaits du radicalisme religieux (et aujourd’hui ça nous parle et nous inquiète bien sûr), la dangerosité et la perversion de la pensée unique, il y a des réflexions qui sonnent justes mais ce livre est sensé être un roman et là, pour l’instant, il me manque quelque chose d’essentiel : de l’action. J’aimerais vivre au milieu des personnages et ne pas simplement les regarder se mouvoir, de l’extrémité du livre.

Les activités religieuses ne permettent pas de penser à autre chose, ce n’est rien d’autre qu’une aliénation mentale (p 79) :

« Les obligations de la religion, les activités parareligieuses, les cérémonies afférentes, tout cela laissait peu de temps à la rêverie et à la palabre, que tous simplement refusaient. Ce n’est pas tant que les gens craignaient d’être rabroués, ou captés et scannés par les V, ou pris à partie par les Croyants justiciers bénévoles ou les Miliciens volontaires, voire remis à la police et à la justice, mais véritablement leur conformation profonde était ainsi, ils s’ennuyaient rapidement de ce qui les distrayait de leurs devoirs religieux et parareligieux, et au final leur laissait perdre des points et les exposait à la vindicte de Yölah. »

Petite phrase très juste :

 « Ne pas savoir empêche la peur et simplifie la vie. » p 85

Au bout de la 163ème page, ne me voilà pas plus avancée. La religion à laquelle s’attaque très clairement Boualem Sansal est l’Islam, la Kiïba, grande pyramide que tous les croyants viennent honorer fait bien sûr penser à la Ka’ba, le cube, ou la phrase que l’on répète à l’envi à propos de tout et n’importe quoi « Yölah est grand et Abi est son fidèle Délégué » ressemble étrangement à celle des musulmans. Bon, c’est acté mais ça ne suffit pas pour créer un univers, pour y faire vivre des personnages, avec une vie intérieure, des tourments et des sentiments. Ce n’est pas un essai mais bien un roman, je vérifie à deux fois. Alors où sont les ingrédients narratifs ?

Tout n’est que description, explication, questions posées. Il se passe bien des petites choses mais on voit tout cela de loin, d’un regard extérieur qui apporte une telle distance que le fruit de notre observation se gâte au fur et à mesure de notre lecture. Et au final un fruit gâté ça se jette sans plus un regard pour lui.

Mais comme je ne veux pas m’avouer vaincue, je poursuis ma lecture cahotante.

Page 190, un semblant d’action a enfin lieu et puis tout retombe en conjectures, en questionnements et je passe rapidement sur certains passages. D’autant plus que je ne comprends pas pourquoi Ati, le personnage central, (je dis bien central et pas principal parce qu’il ne suscite aucune émotion, qu’il est complètement désincarné, comme une coquille vide) arrive à passer entre les mailles du filet…

Page 270. Ouf ! Me voilà parvenue à la fin et je suis bien contente de refermer ce roman à côté duquel je suis complètement passée. Il a été élu Roman de l’année par le magazine Lire, il a reçu le grand prix du roman de l’Académie française (mais là ce n’est pas une référence, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive de ne pas aimer le lauréat de ce prix !) et moi, soit je n’ai rien compris, soit je suis insensible à la belle littérature, soit ce n’était pas le moment, soit… je ne sais pas.

J’ai lu 1984 il y a de nombreuses, très nombreuses années et j’en garde un excellent souvenir mais c’était un roman, construit comme tel avec des événements, des actions, des personnages vivants, me semble-t-il.