Nous avons rencontré José Manuel Robledo (scénariste) et Marcial Toledano (dessinateur) pour « Tebori ».
Yakuzas, histoire, tradition et tatouages, voici quelques explications pour appréhender l’univers de leur nouvelle trilogie.
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C’est votre nouvelle série en 3 tomes. Vous pouvez la présenter ?
J. M. R. – C’est l’histoire d’un garçon asiatique, qui a eu une enfance à problème. Son grand-père lui présente un ami tatoueur. Il va découvrir que son maître travaille pour les Yakuza (la mafia japonaise).
Le maître a un accident. il va falloir qu’il le remplace. Il devient lui-même tatoueur et commence à recopier les histoires qu’on lui a raconté, car chaque tatouage a sa propre histoire. Mais aucune de ces histoires n’est réelle.
Le chef de la Mafia, un personnage très important, a une histoire impossible, au sujet d’un monstre. A partir de cette histoire, il va chercher à savoir si cette histoire est vraie ?
Il y a une double inspiration asiatique : Les mangas et les films de Yakuzas..
M. T. – Pour la partie graphique, je me suis inspiré des mangas, comme ceux de Katsushiro Otomo (Akira) et de Satoshi Kon.
J. M. R. – Pour la partie « cinématographique », la référence fondamentale est un ensemble de film “Yakuza Papers” de Kinji Fukasaku, réalisateur de “Battle Royale”. C’est un univers proche du “Parrain”, mais en version japonaise. Ce sont cinq histoires qui se déroulent entre les années 30 et la seconde guerre mondiale.
Dans l’album, les tatouages prennent une place très importante. Graphiques, symboliques, c’est un univers complexe. Vous l’avez étudié ?
J. M. R. – Nous avons visionné beaucoup de documentaires sur la signification des tatouages et les codes de la mafia japonaise.
M. T. – Je connaissais des Yakuzas, que l’icône qu’on retient habituellement. J’ai du beaucoup me documenter et approfondir aussi bien la technique que l’histoire.
J. M. R. – Un des personnages les plus intéressants est la “collectionneuse”. Elle cherche à posséder un tatouage de chacun des sept grands maîtres tatoueurs. Ils sont réalisés d’une façon différente. Typographique, réaliste, artistique …
Il existe vraiment sept styles différents ?
J. M. R. – Non, il en existe plus que ça, mais nous en avons choisi sept styles fondamentaux.
L’histoire est particulière. Ca aurait pu être un récit sur la montée dans la hiérarchie d’une petite frappe dans la mafia (« Le Parrain »), mais tout au contraire, c’est un un personnage qui refuse la violence.
J. M. R. – (Rires) On ne peut pas vous raconter de ce qu’il va se passer dans le second album…
Pour l’instant, Yoshi* est très éloigné de la violence, mais au fur et à mesure, il va devoir s’impliquer de plus en plus… Même très-très violent..
C’est un album sur la passation, la transmission. Vous avez des regrets sur les valeurs anciennes qui disparaissent ?
J. M. R. – Nous utilisons beaucoup d’objets modernes (Ipad, téléphones…), mais ça nous fait de la peine que la tradition se perde. On aime bien l’idée que le tatouage traditionnel japonais reste important.
Aujourd’hui, les gens qui se font faire des tatouages le font ainsi. C’est un des thèmes importants de cette histoire. La signification des tatouages se perd, et nous le déplorons.
Vous-même portez des tatouages ?
J. M. R. – Non. (Rires)
M. T. – Non plus. Je n’ai pas envie. Nous sommes très traditionnels. Avoir la même chose toute la vie, c’est compliqué…
On vous connaît pour “Ken games”. Là, c’est très différent ! Le style est moins caricatural, les couleurs moins fortes. Comment avez vous évolué vers “Tebori” ?
M. T. – C’est une évolution de style assez “Logique”. Il y a plus d’influence japonaise, mais au final, c’est un mélange de genre.
On pouvait déjà percevoir une inspiration manga dans “Ken games”, avec un “design character” assez caricatural..
M. T. – Oui, “Ken Games” était plus cartoon. C’est mon style qui évolué. J’avais envie de plus de réalisme.
“Ken games” est une série conceptuelle, avec 3 points de vue pour 3 personnages. Avez-vous un système comparable sur “Tebori” ?
J. M. R. – Non, pas du tout. Ce qui m‘intéressait dans”Ken Games”, c’était le système narratif, le personnage qui raconte sa version des faits. Je voulais qu’au final, ce ne soit pas le personnage principal qui raconte, mais que ce soit plus ambiguë…
Dans “Tebori”, nous racontons une histoire “Linéaire”. Cela demande de nombreux personnages, pour exprimer différents points de vue / sentiments. j’ai trouvé cela plus intéressant.
Merci José-Manuel. Merci Marcial.
Cette interview a été réalisée par Jacques Viel pour le site www.unamourdebd.fr, le 20 mars 2016, au salon « Paris Livre », millésime 2016.
Traduction simultanée assurée par Clothilde Paluat (Dargaud).
Un grand merci à José Manuel, Marcial et aux équipes de Dargaud (Hélène, Clotilde…)