Zack Snyder revient dans nos salles, et après un Man of Steel qui a divisé la critique, c'est un prologue aux films Justice League, Batman v Superman : L'aube de la Justice, qui est sorti ce mercredi ! Batman contre Superman, homme contre dieu... Alors, qui gagne ? Critique garantie sans spoiler visible !
Batman v Superman : L'aube de la Justice
Par Zack Snyder * Avec Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot, Laurence Fishburne, Amy Adams, Jeremy Irons, Jesse Eisenberg...
Craignant que Superman n'abuse de sa toute-puissance, le Chevalier noir décide de l'affronter : le monde a-t-il davantage besoin d'un super-héros aux pouvoirs sans limite ou d'un justicier à la force redoutable mais d'origine humaine ? Pendant ce temps-là, une terrible menace se profile à l'horizon...
Man of Steel avait divisé, à juste titre, parce que sauf si on considérait le film comme une adaptation de Dragon Ball, on ressortait déçu du cinéma. Zack Snyder est un adepte des films sombres, et la Warner l'a bien compris, donc personne ne semble motivé à l'idée de rendre Superman iconographique comme il devrait l'être. Fini le boy-scout de l'Amérique, on avait un Superman christique, torturé, sombre, un peu lourd diront certains, mais pas celui des comics. Réembauché pour tourner la suite, Snyder se fait plaisir en créant un prologue aux films Justice League en introduisant Batman et Wonder Woman... Sa mission : créer en un film un univers cinématographique cohérent, ce que Marvel a mis un bon paquet de films à réussir.
Du coup, si vous avez vu les trailers, ou même lu un comic un jour, vous savez déjà l'histoire. Deux héros que tout oppose se rencontrent, se battent alors qu'un plus grand méchant prend le contrôle du monde, et qu'à la fin, bon, il y a des chances qu'ils soient copains. Zack Snyder ne prétend pas réinventer les codes du genre, mais il rend un film plutôt propre. Sauf si vous aimez les personnages des comics !
Parce que oui, Zack Snyder ne semble pas apprécier les comics, et hormis quelques hommages plutôt bien fichus (dont un surprenant à la fin), on ne retrouve ni le Batman, ni le Superman qu'on connait. Partant de ce principe, on peut tenter de voir le film différemment, mais certains auront des réserves conséquentes et compréhensibles. Entre un Batman qui se fiche bien de tuer, ou un Superman qui n'est pas le sauveur des comics et tourne vite à l'ado gothique, je n'ai pas vraiment vu les personnages que j'aimais dans ce film. Pourtant, si des grands critères définitifs des comics n'y sont pas, j'ai quand même passé un bon moment.
C'est du grand spectacle hollywoodien, donc il faut bien savoir à quoi vous attendre. Le Batman de Snyder bouge terriblement bien, c'est l'incarnation la plus classe du personnage au cinéma, et son Superman est comme toujours un monstre de puissance brute. Les scènes de combat(s) sont impressionnantes, les chorégraphies particulièrement bien foutues, et même la Batmobile se permet de tout défoncer sur son passage. Les effets spéciaux son très bons, et hormis un méchant final (celui montré dans les trailers!) qui est terriblement générique, ça bouge bien à l'écran, et on peut prendre son pied.
Et surtout, il y a Wonder Woman, seul moment véritablement "comics" du film, qui met une claque à chaque apparition. Entre les moments "en civil" où Gal Gadot est d'une élégance rare, et son apparition en tenue, le personnage semble bien partie pour être ce qu'il y a de mieux dans tous ces films DC, vu qu'elle est la seule un peu fun. En face, c'est sombre, ça fronce les sourcils, et c'est beaucoup trop forcé pour être véritablement sincère. Entre son thème musical, ses répliques, ou la réaction des deux autres héros, je crois qu'elle a suffi à me faire apprécier le film. A elle seule. Je veux maintenant voir son film solo, en espérant qu'ils ne nous rendent pas ça sombre et absurdement mature...
En fait, il faut voir ce film comme étant un Elseworld, ces histoires dans des univers parallèles à l'univers DC. Si on admet qu'on n'aura plus jamais Superman au cinéma, et que Batman se permet des infidélités aux comics, ça peut donner quelque chose de bien. Je pense que contrairement aux Studios Marvel, la Warner ne cherche pas forcément à plaire aux lecteurs, mais bien au plus grand public. Si on accepte de ne pas voir un film sur nos héros préférés, ça peut passer. C'est dommage, mais c'est comme ça. Les fans en ressortiront donc déçus, et encore plus parce que certains caméos auraient pu être mille fois mis en valeur, et tombent comme un cheveu sur la soupe parfois. Sans trop en dire, ce n'était pas nécessaire de ramener des bribes d'informations si c'est pour ne rien en faire...
C'est finalement ce qui manque le plus au film, et qui fait qu'on ne peut pas le qualifier de franche réussite : une âme. Entre une Gotham complètement effacée (sincèrement, je ne sais même pas si on l'a vue dans le film alors que la moitié des scènes s'y déroulent), des cameos forcés, et des clins d'oeil mal foutus, l'ensemble manque de cohérence. Les premières scènes s'enchaînent particulièrement mal, et on a l'impression de commencer le film par une suite de séquences mal montées et pas emboîtées. Snyder a laissé de côté une demie-heure pour le director's cut, et on sent bien qu'il y a un gros problème dans le scénario. Des éléments sont forcés, d'autres à peine évoqué, et la deuxième moitié du film cache sous le tapis toutes les intrigues de la première.
Il y avait pourtant matière à réussir. Le travail sur le rôle des deux héros aux yeux de la société est intéressant (bien que totalement déplacé par rapport aux comics), et le gouvernement américain a une importance assez surprenante, qui aurait pu être encore plus poussée. A la place, on oublie tout ça dans la deuxième moitié pour se concentrer sur la bagarre, parce que c'est ce que le public veut voir. Au final, c'est un peu illogique, et on regrette presque les moments plus posés, qui pouvaient promettre plus. Mention spéciale aux "rêves", qui sont intrigants mais profondément inutiles et mal foutus, preuve qu'ils ont voulu caser le plus de mythologie possible pour lancer l'univers DC au cinéma.
Visuellement par contre, c'est encore une fois du Snyder. C'est donc rempli de ralentis inutiles (un coup de canon et la cartouche qui tombe par terre, ça prend 1 seconde dans la vraie vie mais 10 chez lui), de poses iconiques plus ou moins réussies (la Trinité a vraiment de la gueule par contre), et d'une photographie "Instagram" pour citer Noisybear. C'est visuellement beau, mais c'est très vide et très vain. C'est dommage, parce qu'il y a de bonnes idées de réalisation comme toujours chez lui, notamment dans la mise en scène des combats ou certains plans magnifiques, mais il refuse de faire autre chose que de la réalisation de spots publicitaires ou de clip.
En prime, le casting est parfait. Henry Cavill joue un Superman contrarié comme personne (pas celui des comics hein, celui qui est triste et torturé), Ben Affleck est excellent aussi bien en Bruce Wayne qu'en Batman, et Gal Gadot ridiculise tout le monde dans ses scènes. Jesse Eisenberg joue un moins bon Lex Luthor qu'un Joker ( tout rappelle Heath Ledger, on appréciera ou non), Amy Adams/Lois Lane n'existe que pour être à son Superman et est parfois inutile, mais Jeremy Irons rattrape le tout en jouant un Alfred plus jeune, plus fougueux, et plus acide et drôle qu'avant. Enfin, la bande-originale prend le meilleur de Hans Zimmer et de Junkie XL, ce qui donne un mix entre Mad Max et The Dark Knight. En résumé, c'est violent, les percussions et les énormes instruments à corde sont en colère, et ça sublime l'action.
Donc non, ce n'est toujours pas le film de super-héros qu'on attendait, mais ce n'est pas non plus une purge. Les combats sont vraiment chouettes, on voit enfin l'affrontement de ces deux monuments, mais ça ne ressemble pas à un film de comics: ce n'est pas fun, c'est sombre, torturé (mais en mal), et ça reste le cul entre deux chaises. S'il y en a bien les références, on reste au final assez circonspect devant ce monstre difforme et mal foutu, qui aurait pu être bien plus que ça. Allez le voir, ça vaut le coup rien que pour les yeux et les oreilles (et en VO, pitié), et revenez quand Zack Snyder et ses scénaristes seront partis.