Tout ce qu'on ne s'est jamais dit, de Céleste Ng

TOUT CE QU'ON NE S'EST JAMAIS DIT

Lydia Lee, seize ans, s'est faufilée hors de sa chambre en pleine nuit et n'a plus donné signe le lendemain matin. Sa mère alerte aussitôt la police, tandis que son frère et sa sœur sont tétanisés par l'angoisse, à l'image de leurs parents qui vont perdre tout espoir au fil de cette journée interminable. Le corps de Lydia sera finalement retrouvé dans le lac. Pour toute la famille, l'annonce est rude et va les renvoyer à un examen de conscience particulièrement glaçant et affligeant. Et c'est là tout le propos du livre, à savoir se désintéresser des vraies raisons de la mort de Lydia (fugue, assassinat ou accident) pour affronter des révélations autrement plus sournoises et dérangeantes, et dessiner un portrait de famille américaine, exempt de filtre. Car la famille Lee n'était pas modèle, ni irréprochable. Ses secrets aussi ont noyé l'adolescente, entre le désir de sa mère qui calquait ses rêves de médecine sur sa fille ou la sollicitude persistante de son père quant à sa sociabilité, lui qui a souffert d'être rejeté du fait de son origine chinoise (un mariage mixte, dans les années 50, était un sujet encore sulfureux aux USA !). Bref. On va ainsi de surprise en surprise, et on apprend à découvrir une famille brisée, fragile et taiseuse, dont les failles sont profondes et vont être mises à jour suite à la tragédie. La lecture peut sembler quelque peu démoralisante, car réaliste et poignante, mais elle étonne aussi pour son incroyable maîtrise du suspense et sa tension psychologique qui ne faillit jamais. C'est aussi par son atmosphère, à la fois mélancolique et oppressante, que le roman nous touche. Un roman complexe et fascinant, écrit avec beaucoup de finesse et qui traite aussi bien des illusions perdues, de la famille et des non-dits, de la détresse adolescente et de l'héritage qu'on lègue malgré soi. C'est un rendez-vous, au bout du compte, très différent des attentes initiales, mais qui a réussi à laisser son empreinte et à me marquer viscéralement. 

Traduit par Fabrice Pointeau (Everything I Never Told You) pour les éditions Sonatine / Mars 2016

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