ATTENTION, CE BILLET CONCERNE LE QUATRIEME TOME D'UN CYCLE.DES BILLETS PRESENTS SUR CE BLOG CONCERNENT LES DEUX PREMIERS VOLETS.
Le billet consacré au tome 1.
Le billet consacré au tome 2.
Le billet consacré au tome 3.
On retourne ce soir dans les 7 Royaumes, cet étrange anneau de terre au beau milieu d'un océan, à la nature aussi hostile que les courants de sa mer intérieure sont traîtres. Et je ne vous parle même pas des hommes qui le peuplent ! Enfin, si, justement, on va en parler, puisqu'ils sont au coeur de ce "Livre Quatre", du "Sang des 7 Rois", de Régis Goddyn, publié à l'Atalante. Un tome très important, puisque nous sommes à mi-parcours de ce cycle (dont le septième et dernier tome est bientôt attendu) et cela se sent, car j'ai eu l'impression d'une sorte de bascule à la lecture de ce tome-ci. Il reste encore bien des questions à éclaircir, d'autres viennent s'ajouter, mais les nombreux fils narratifs se rapprochent, on dirait... Et ça commence à barder sérieusement !
Toujours aussi peu évident de vous planter le décor d'un tome de ce cycle. Pas uniquement parce que sa construction fait que chaque tome reprend exactement là où le précédent s'est achevé et qu'on a donc de forts risques de spoiler, mais aussi parce que les fils narratifs sont nombreux et qu'il peut passer pas mal de temps entre deux rencontres avec tel ou tel personnage.
Bien sûr, et même s'il n'est pas le premier en action, il nous faut évoquer Orville. Il est le personnage central de ce cycle et, lorsqu'on le retrouve, il est en marche pour essayer de retrouver ses compagnons qu'il avait quittés pour aller à la rencontre du mage Odalrik. De ces entretiens est né un doute profond chez le soldat.
En effet, s'il avait déjà découvert qu'il possédait d'étranges pouvoirs sans vraiment comprendre leur fonctionnement et les maîtriser, il revient de ce séjour dans l'ermitage de son mentor avec encore bien des questions. Qui est-il ? Un homme ? Un mage ? Ce possible changement d'état l'inquiète, c'est une plongée dans l'inconnu. Et pourtant, il fait usage de ces pouvoirs de plus en plus souvent...
A bon escient, en tout cas de son point de vue. Orville reste encore un électron libre qui n'est rattaché qu'à un seul intérêt : le sien. Certes, il se doute bien que son état, qui passe de soldat à mage, presque malgré lui, ne va pas lui valoir que des amitiés, mais, pour l'heure, on ne peut pas dire qu'il soit engagé dans quelque processus politique que ce soit.
Sur son chemin, il va croiser la terrifiante Braseline, qu'on voit en couverture de ce tome, sous le crayon de Yann Tisseron. J'a déjà évoqué ce personnage lors des billets précédents et l'impression qu'elle m'avait faite se confirme dans ce quatrième tome. Cette gamine est complètement ingérable et incontrôlable, et le pouvoir immense qu'elle détient est en de bien mauvaises mains...
Détruire et tuer semblent être son unique credo, qu'elle n'hésite jamais à mettre en pratique, et peu importe les conséquences. Une boule de haine qui crache le feu (au sens propre) et capricieuse comme le sont les enfants de son âge... La voilà qui, accompagné par Tarman, se met au service de Lothar et de ses funestes projets. Enfin, s'il parvient à canaliser la fougue de cette demoiselle...
Tarman, lui, en a sa claque, il n'a pas l'intention de finir grillé sur place le jour où Braseline se sera lassée de lui. Alors, il repart, avec l'intention de rentrer dans les îles du Goulet. Ce territoire si particulier qui se situe dans l'embouchure de l'anneau de terre sur lequel se trouvent les sept royaumes, l'unique ouverture de la mer intérieur vers cet océan que sur lequel personne ne semble vouloir s'aventurer.
Les îles du Goulet, déjà enjeu important dans les précédents tomes, point stratégique érigé en huitième royaume par Orville qui s'en est auto-proclamé roi avant de repartir sur le continent, sont à nouveau au centre d'un quatrième tome où se pose de plus en plus sérieusement la question de la gouvernance de ces sept (voire huit) royaumes et même, de leur unification.
Lothar est parvenu, croit-il, à mettre le rébellion à genoux. Il croit avoir la voie libre pour ses projets : prendre le contrôle de l'ensemble des royaumes à plus ou moins court terme et poursuivre sa politique ethnique autour du sang bleu et de la difficulté à pérenniser la lignée de ceux dans les veines desquels coule ce liquide vital, mais maudit.
Mais Lothar se trompe, la résistance existe encore, elle s'organise et la compagnie du verrou s'infiltre un peu partout. Rouault a décidé de la rejoindre, malgré les risques, malgré les traitements odieux que cela sous-entend, malgré le risque, simplement, d'y laisser sa vie. Peu importe, elle a fait ce choix et s'y tiendra, quoi qu'il arrive...
On pourrait encore évoquer Rose, Fernest et Ferrand, toujours prisonniers de leur désert, et toujours à la recherche de solutions pour échapper à ceux qui les ont conduits dans ce territoire hostile ; ou encore d'Aléïde, désormais bien loin de Hautterre, et qui, accompagné de Luigi, poursuit son chemin. Mine de rien, on lui découvre un rôle qui pourrait s'avérer bientôt décisif...
Ce quatrième tome est celui des choix. Des choix difficiles, pénibles parfois aussi. Plusieurs personnages, j'ai évoqué Orville, Tarman et Rouault, on pourrait en ajouter d'autres, comme Sylvan, Pétrus ou Clarisse, la chef pirate, sont à la croisée des chemins et doivent se décider. Voilà aussi pourquoi je pense que ce tome médian est une sorte de bascule : on ne pourra plus revenir en arrière.
Là, si vous n'en êtes pas au même niveau que moi ou au-delà dans ce cycle, vous ne comprenez rien de rien de ce que je vous raconte. Un peu comme lorsqu'on regarde les discussions sur les forums à propos des saisons de "Game of thrones" qu'on n'a pas encore regardées (la comparaison n'est pas tout à fait anodine, entre les deux cycles, car il y a pas mal de passerelles).
Oui, raconter un tome du "Sang des 7 Rois", c'est loin d'être évident, car c'est prendre le risque de démantibuler une mécanique aux engrenages incroyablement bien agencés et parfaitement huilée. Régis Goddyn sait où il va, il s'y rend à son rythme, dévoile certains éléments, en laisse d'autres dans l'ombre en attendant le bon moment.
Il tisse sa toile, patiemment, imperturbablement, sereinement et avec la certitude de savoir exactement où il va et où il nous emmène. Pour le lecteur, c'est parfois frustrant, parce qu'on voudrait tout comprendre tout de suite... Mais non, le meneur de jeu, c'est Régis Goddyn et il faut se plier à sa méthode, inexorable et très efficace.
Par exemple, alors qu'on se pose tant de questions sur le sang bleu, sur les problèmes de fertilité qu'il semble engendrer, sur cette histoire de lignée, eh bien, dans ce quatrième tome, elle passe au second plan, reléguée par des questions plus politiciennes qu'idéologiques. Les grandes manoeuvres ont sérieusement débuté, place à la conquête !
Encore une fois, j'ai eu l'impression de retrouver beaucoup de parallèles entre le récit de Régis Goddyn et l'époque du IIIe Reich... Dans ce quatrième tome, alors que l'opposition et les ennemis désignés ont été mis au pas, un leader lance le projet dément de conquérir tout le continent pour le mettre à sa botte. Mais je peux me faire des idées. Insistantes, ces idées, tout de même, et depuis le premier livre...
Mais, là encore, c'est une situation qui lance ses protagonistes dans un avenir incertain, sans espoir de revenir à la situation d'avant. Un casus belli. Et je suis curieux de voir ce que cette évolution, cette tension qui croît de plus en plus et pourrait rapidement dégénérer (pourquoi pas dès ce tome, allez savoir...), vont donner dans les suivants.
Et puis, il y a ces deux pages, à peine, lues au détour d'un chapitre, au coeur de ce quatrième tome. Quelques lignes, rien du tout à l'échelle de l'intégralité du cycle, et pourtant, elles m'ont plongé dans un abîme de perplexité. Non, je n'en fais pas des tonnes, j'ai vraiment dû relire ce passage plusieurs fois, pour être sûr...
Deux pages, autour d'un personnage nommé Jahrod, qui m'ont fait me demander si, par inadvertance, je n'avais pas changé de livre... Oui, ces deux pages m'ont semblé parfaitement anachroniques, je ne vous expliquerai pas pourquoi ici, évidemment, mais s'il y a bien des questions que je ne m'attendais pas à me poser, ce sont bien celles qui touchent à ces 56 malheureuses lignes...
C'est anecdotique, me direz-vous, et non, je suis persuadé du contraire. On a là, dans ce passage minuscule des éléments qui risquent de nous surprendre à l'avenir, et même, de nous laisser sur le... enfin, comme deux ronds de flan. Une belle entourloupe concoctée par Régis Goddyn, glissée mine de rien au milieu de ce quatrième tome et qui va, après un compte à rebours, nous sauter à la figure, je vous le dis.
Je lève les yeux de l'écran et j'aperçois sur la commode en face le cinquième tome qui semble me narguer... Il ne perd rien pour attendre, il sera lu en temps et en heure, avec les réponses qu'il contient. Forcément. Enfin, j'espère... Y compris des éléments supplémentaires concernant ces deux pages, j'insiste, mais vraiment, je n'en ai pas cru mes yeux.
Indépendamment de tout cela, j'ai une nouvelle fois pris beaucoup de plaisir à lire ce Livre Quatre. On poursuit la lecture de cette fresque comme on regarde la tapisserie de Bayeux. La magie gagne en présence et en puissance, on devine que son usage peut être aussi bénéfique que dévastateur, mais jusqu'où cela ira-t-il ?
Et l'on commence à voir, mais n'est-ce pas un mirage, je ne suis que méfiance, certains fils narratifs se rejoindre, s'entrelacer. Décidément, ce quatrième tome occupe une place très particulière dans ce cycle, un vrai pivot qui nous entraîne dans une seconde moitié qu'on a envie de découvrir avec curiosité, mais toujours en prenant son temps, en acceptant le rythme et les rebondissements imposés par le meneur de jeu Régis Goddyn.