Nuit de septembre, Angélique Villeneuve

Depuis quelques mois, j'ai pu lire plusieurs romans ayant trait à un sujet qu'il est délicat de constituer en objet de littérature : la perte d'un enfant.

L'exercice n'est pas aisé, l'auteur bien souvent s'apparentant à un funambule évoluant sur un fil tenu, oscillant entre la pudeur et l'épanchement, le juste et le factice, le trop et le trop peu.
Ainsi, sur ce même thème, j'avais été éblouie par la lecture deCamille, mon envolée, de Sophie Daull, et très déçue par , de Paul Harding.

Le roman d'Angélique Villeneuve, Nuit de septembre, a été l'occasion de découvrir un auteur que je n'avais encore jamais lu, et de revisiter ce thème sous un nouvel angle de vue.

Nuit de septembre, Angélique Villeneuve


En lisant Nuit de septembre, j'ai été d'abord marquée par la voix de l'auteur, cette façon qu'a la narratrice de s'apostropher elle-même, de se destiner par l'usage du "tu" ce qui s'apparente à un long monologue, minutieux et intime.

Le récit évoque finalement peu le suicide comme tel, et l'histoire du fils : la narratrice s'adonne plutôt à une introspection, une sorte d'observation de ce qui se trame à l'intérieur d'elle-même, comme pour apprivoiser sa douleur, afin de redéfinir son identité, et, partant, de se retrouver.
Car l'obsession lancinante est bien celle de l'identité : qu'est donc une mère qui a perdu son fils?
Les recherches autour de la sémantique révèlent ce qui semble être un vide, une absence dans la langue, ce qui ne se qualifie pas.

Le roman m'a par ailleurs paru original, dans l'approche qu'il propose en matière de style bien sûr, mais aussi dans la posture de la narratrice, dans ce qu'elle exprime de l'expérience du deuil : dans les récits que j'ai pu lire portant sur un sujet similaire, il était bien sûr question de reconstruction, mais le désespoir se conjuguait souvent avec une colère, un rejet qui se traduisait par l'impérieux besoin de tenir à distance tout ce qui rappelait l'enfant perdu.
Ici, la narratrice se caractérise par une réaction singulière : elle analyse attentivement le regard que portent les autres sur elle, et loin de s'échiner à éloigner le moindre souvenir de son fils, elle côtoie ce qui la ramène à lui, visite sa chambre plusieurs fois par jour, ne fuit pas les enfants dont elle croise le chemin, n'est pas blessée lorsque ses proches emploient par mégarde le mot "suicide", ou lui parlent de leurs propres enfants.
Elle est au contraire avide de la vie qui habite d'autres adolescents, elle projette sur ceux qu'elle aperçoit dans la rue des traits de son fils, les liens qu'ils auraient pu avoir avec lui.

Le vertige est présent, à chaque pas, mais il s'habille de décence : le récit d'Angélique Villeneuve n'a rien d'une complainte morne et douloureuse, il donne à voir et à ressentir la perte inacceptable, dans une langue tendre et sensible.

  • Vous avez été touché par Camille, mon envolée
  • A l'effusion de sentiments étouffants, vous préférez les récits pudiques et délicats