Chronique « L’Odeur des garçons affamés » (à 4 mains et deux cerveaux),
Scénario de Loo Hui Phang, dessin de Frederik Peeters,
Public conseillé : Adultes
Style : Western atypique…
Paru aux éditions « Casterman », le 30 mars 2016, 112 pages couleurs, 18.95 euros,
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L’histoire
Texas, au lendemain de la guerre de Sécession. Oscar Forrest, photographe professionnel en provenance de New-york accompagne Stingley. Pour le compte de ce géologue sûr de lui, il vient immortaliser l’ouest sauvage.
Après avoir “cuisiné” Oscar, Stingley taquine le jeune Milton, le gamin de ferme qui les accompagne et leur sert de valet à tout faire.
Mais Oscar s’aperçoit qu’une ombre les surveille de loin, sans parler d’un vieil indien qui ne se cache pas vraiment…
A la nuit tombée, les deux hommes se retrouvent devant le feu et discutent ouvertement. Pour Stingley, ils sont là pour montrer la beauté de ce territoire et révéler ses richesses naturelles. Oscar, lui, voit ça comme “une entreprise de propagande”.
Le lendemain, Oscar surprend Milton entièrement nu dans la rivière. Tandis que le jeune homme se rhabille pudiquement, il lui affirme qu’il connaît sa tête. Sans aucun doute, Oscar a fuit New-York pour des accusations portées contre lui…
Le dessin
par Nathalie J’ai retrouvé dans cette bande dessinée le trait aux lignes courbes de Frederik Peeters que j’aime tant. Que ce soit en noir et blanc ou en couleur, son dessin s’impose avec force et délicatesse. Dans cet album, il modifie son encrage. Plus soutenu que dans les séries « RG » ou « Aâma » mais plus proche de « Pachyderme ». En moins lumineux, il donne une réelle profondeur et clarté à cette histoire très forte. Ses jours sont beaux et chauds, ses nuit sont sombres et profondes. Je ne me lasse pas des pages sans texte, ou avec très peu de narration, que je regarde pendant de longs moments… Je crois qu’on le comprend bien, cette bande dessinée se lit, mais se contemple aussi. par Jacques Quel plaisir de retrouver le dessin classique franco-belge de Frederik Peeters. J’avais beaucoup apprécié son trait souple (au pinceau ?), très lisible et expressif, sur les séries “Pilules Bleues”, “Lupus” et plus récemment “Aâma”. Sur “L’odeur des garçons affamés”, Le scénario de Loo-Hui se fait complice à ses jeux graphiques. Grands paysages de l’ouest sauvage, planches sans texte, grandes cases immersives très “contemplatives”, et graphisme onirique “organique”, vous allez en prendre plein les mirettes. La mise-en-couleur, assurée par Frederik, joue les contrastes. Entre les “nuits américaines” bleues sombres et les paysages jaunes-rouges plombés de soleil, il écrase son dessin sous une tonne de couleurs fortes et tranchées. Le résultat graphique est tout simplement somptueux. Facile à lire, beau, étonnant, émotionnellement fort, il vaut son pesant de plumes d’indiens.
Le scénario, les personnages
par Nathalie Mais quelle bande dessinée étonnante ! Je croyais me retrouver face à un western mais pas du tout. Oui bien sûr on est dans le Far West. Il y a des indiens, des cowboys et des bisons. Une chose est sure. Loo-Hui Phang, cette jeune scénariste au talent multiple, va en surprendre plus d’un avec ce scénario des plus surprenants. Je l’ai découverte avec son diptyque « Cent mille journées de prières » édité chez Futuropolis. Elle évoquait ses origines, le Laos, et par métaphores le génocide cambodgien. Ici, on est dans un “huis clos en plein air”. Oscar Forrest, ce photographe aux multiples secrets. Stingley, qui dès le début m’a semblé pas bien net et surtout le jeune Milton au lourd passé. Et c’est là toute la particularité de cette histoire. On se trouve face à trois personnes, trois vies, trois destins. par Jacques Vous voulez du Western dans la continuité d’un grand classique ? Passez votre chemin ! La scénariste/romancière/plasticienne Loo-Hui Phang a composé un hommage au genre, qui détourne et dynamite tous les archétypes. Au centre de ce “Huis Clos sauvage”, elle place trois personnages, porteurs de mystères et d’une grosse part d’ombre, dans un drame personnel. Cela reste une histoire d’hommes dans un milieu hostile, mais elle en profite pour parler de sujets modernes et dramatiques… L’homosexualité, la tolérance et la différence…Étonnant, non ? Loo-Hui raconte une histoire comme je n’en ai jamais lu et qui colle bien avec l’univers de Peeters. Enfin, le glissement vers le fantastique, avec une “explosion finale” digne de “Aâma”, ne devrait pas trop surprendre les habitués du dessinateur suisse.
Pour résumer
par Nathalie Ce qui me touche dans cette histoire, c’est que sur fond de western, dans ce Texas des années 1872, on se retrouve devant des problèmes et des idées reçues qui font encore débats actuellement. Sans vouloir trop en dire, homophobie, racisme et misogynie. Tout cela mit magnifiquement en lumière pas les somptueux dessins de Frederik Peeters. Même si le sujet de cette bande dessinée n’est pas facile, sa mise en image est tellement belle, que chaque personnage révèle une certaine beauté, dans sa “noirceur”. Vous l’aurez compris c’est une très belle histoire d’actualité finement composée ! par Jacques Si vous n’avez pas peur de vous laisser surprendre et embarquer là ou vous ne l’attendez pas, courrez vous procurez cet album. Personnages complexes, scénario qui prend constamment des chemins de traverses et symbolisme fort (la photographie comme symbole de la modernité), “L’odeur des garçons affamés” est un album atypique, au sujet “difficile”, mais profondément attachant.
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Cet article fait parti de « La BD de la semaine », rassemblé chez Stephie, cette semaine. N’hésitez pas à regarder la sélection.