Chronique « L’Homme qui tua Lucky Luke »
Scénario, dessin et couleurs de Mathieu Bonhomme,
Public conseillé : Tout public,
Style : Western
Paru aux éditions « Dargaud », le 1er avril 2016, 64 pages couleur, 14.99 euros,
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L’Histoire
Sous une pluie battante, un cavalier solitaire arrive dans la petite ville de “Froggy Town”. Il va au saloon pour se réchauffer et manger un morceau. A peine a-t-il fini son repas qu’un jeune freluquet, portant une étoile de sherif sous sa veste, vient le défier. Il a reconnu dans l’étranger le fameux Lucky Luke ! Mais ce dernier refuse le combat et évite un drame en donnant, de mauvaise grâce, ses pistolets au sherif et à son frère, Anton.
Là-dessus, Doc Wednesday, un vieil homme malade et célèbre, se présente au nouveau venu. Malheureusement, il ne peut rien pour régler le problème immédiat de Luke : trouver du tabac pour remplacer le sien, totalement détrempé. Le tenancier du saloon l’adresse chez Smith, l’épicier d’en face…Après avoir chèrement payé quelques brins, Luke va se coucher.
Le lendemain, toute la ville est rassemblée devant les fenêtres du fameux justicier. La diligence, qui amenait la récolte d’or des mineurs, a été dévalisée par un indien. Et ces braves gens veulent qu’il le retrouve…
Bonhomme, l’homme qui dessine mieux (et plus vite) que son ombre !
Matthieu Bonhomme s’est taillé une sacrée réputation dans le monde de la BD Franco-belge, en 14 ans d’éditions (et 18 albums !).
Dès ses premiers BD (“L’âge de raison”, “Victor et Anaïs” avec Jean-Michel Darlot), il s’est imposé comme un petit génie de la “ligne claire”. Son style hyper lisible, efficace et expressif a été mis au service de bons scénarii (“Le Marquis d’Anaon” avec Fabien Vehlmann) et “Esteban” (scénario de lui-même) qui parlent tout autant au jeune public qu’aux adultes.
Le mélange d’aventures et de lutte contre une nature hostile, qui caractérise souvent ses albums, en font un auteur à l’univers personnel, capable de toucher un grand nombre de lecteurs.
Son goût pour le genre “western” a été largement prouvé dans ses albums (les derniers “Esteban” en utilisent certains archétypes), et bien entendu les deux tomes de “Texas Cowboy”, réalisé avec la complicité de Lewis Trondheim.
Avec “L’Homme qui tua Lucky Luke” (le titre est un hommage au film de John Ford “L’homme qui tua liberty Valance” – 1962), il tente l’hommage ultime avec un album qui peut difficilement être plus “Western” et “franco-belge”.
Ce que j’en pense
Cette année (2016), Dargaud célèbre les 70 ans du célèbre cowboy solitaire. Matthieu Bonhomme le fête à sa façon en se ré-appropriant le mythe, avec son univers et en tentant son “Lucky Luke-à-lui.
Le titre et la première planche donnent le ton ! Matthieu a décidé de “tuer” l’homme qui tire plus vite que son ombre… Et la liberté qu’il s’octroie ne s’arrête pas là. Ce n’est pas un “Lucky Luke” dans les pas du maître (comme les “Blake et Mortimer” contemporains). Il en reprend l’univers, mais s’en éloigne dans le traitement graphique (plus moderne et moins caricatural, on ne reconnaît le cowboy que grâce à ses habits), ainsi que dans son récit.
D’ailleurs, coté histoire, il nous offre une enquête dans une ambiance assez réaliste. Il se permet même une scène de duel, que n’aurait pas renié Sergio Léone. Osé et brillant !
Enfin, les répliques comiques de la série originelle sont très dilués, et l’ironie le remplace (par moment). Pour le bien de l’histoire, Luke se fait plus bavard aussi et son cheval (Jolly Jumper) ne se permet pas de parler.
Moi, j’ai adoré cette relecture moderne du traditionnel “Lucky Luke” ! Si vous êtes un fan forcené de Morris, peut-être serait-il de bon ton de laisser passer la caravane… Par contre, si vous en avez lu dans votre jeunesse avec plaisir, mais sans en connaître toutes les répliques et tics, intéressez vous donc à cet “Homme qui tua Lucky Luke”. Vous avez devant vous un bon moment de lecture tout public, mais exigeant, qui satisfera le renégat que vous êtes !
Cet article fait parti de « La BD de la semaine », rassemblé chez Yaneck, cette semaine. N’hésitez pas à regarder la sélection.