Et voilà, quelques jours après le 2 avril, date de naissance de Hans Christian Andersen et à cet effet journée internationale du livre pour enfants, l'IBBY vient de proclamer ce 4 avril à Bologne les lauréats des deux prix Andersen 2016. Il s'agit de l'Allemande Rotraut Susanne Berner pour l'illustration et du Chinois Cao Wenxuan pour le roman.
De ce dernier, je ne dirai rien puisque je n'ai pas lu l'unique de ses titres traduit en français, "Bronze et Tournesol" (traduit du chinois par Brigitte Guilbaud, Picquier Jeunesse, 2010). Mais l'éditeur est de qualité. A noter que le livre est sorti en 2005 en Chine.
L'auteur est né en janvier 1954 à Yancheng, une ville du nord-est de la province du Jiangsu. Il est à la fois professeur de littérature chinoise à l'université de Pékin et auteur à succès de livres pour enfants, avec à son compteur plus de cinquante romans et nouvelles.
Des albums apparaissent alors, toujours de qualité mais un peu boudés par le public. Notamment "L'Aventure" (Editions du Sorbier, 1996, épuisé), en solo, où Louison, la jeune chatte souriante, envoie son ballon dans une la maison voisine, peu rassurante, occupée par un chien peu sympathique et son perroquet. Le livre ressortira sous le titre de "Tania et le ballon rouge" (lire plus bas).
Ou ce conte inédit de la poétesse américaine Sylvia Plath, "Ça-ne-fait-rien", (Gallimard, Folio cadet, 1998) qui montre comment Maximilien Nix, 7 ans, dit Max, parvient à obtenir un costume pour tous les jours de l'année. Il deviendra plus tard "Le rêve de Max" (Gallimard).
A partir de cette époque, Rotraut Susanne Berner sera principalement traduite en français chez deux éditeurs, La joie de lire qui le fait toujours, le Seuil Jeunesse qui a abandonné en cours de route. Elle-même se partage entre deux styles, les albums pour les tout-petits, souvent des imagiers où cohabitent plein de mini aventures (la série des "Tommy" ou les livres des saisons) et les albums pour les grands de maternelles, beaucoup plus grinçants ou énigmatiques malgré leur apparence enfantine.
"La princesse arrive à quatre heures" a connu deux versions, la première au Seuil Jeunesse, en 2001. Le titre y précise qu'il s'agit d'une histoire d'amour due à l'Allemand Schnurre. Difficile de résister à une telle annonce. Les premières pages découpent une longue fresque: une maison (cheminée fumante) au milieu de fleurs, roses et cactées confondues, un trottoir où apparaît un gamin photographe étrangement chapeauté d'un béret à queue d'animal, l'entrée du zoo, but de la promenade et les premières cages. Parfois bizarrement peuplées: lion, singe et ours y règnent seuls mais d'autres abris regroupent plusieurs espèces. Fin de la fresque, début du texte, avec la présentation d'une hyène puante aux yeux larmoyants. A partir de ce moment, le lecteur est cuit. Comment mettre en doute la parole de l'infect animal qui annonce à son visiteur qu'elle est une princesse ensorcelée et que seule une invitation à prendre le café pourra la délivrer? Comment être insensible aux dessins exquis de Rotraut Susanne Berner qui racontent les préparatifs du goûter? Quatre heures arrivent. La hyène sonne à la porte. Découvre, apparemment émue, les mille attentions dont elle a été l'objet. Et en profite au-delà de toute raison. L'hôte, dont toute la maison respire l'amour qu'il porte aux animaux du zoo, attend le prodige promis. En vain, car la hyène n'est qu'une menteuse. Mais le garçon ne le savait-il pas déjà dans un petit coin de sa tête? Plus que lui, c'est le lecteur qui est "attrapé" par cet album très réussi.
Ce livre formidable ressort en 2012 à La Joie de lire dans une version revue et titré cette fois "La princesse vient à quatre heures" (traduit de l’allemand par Marion Graf). La nouvelle traduction est plus enlevée mais qui irrite l'oreille quand elle dit "l'hyène" (forme autorisée) plutôt que "la hyène". Le titre a été modifié: "vient" remplace "arrive". Surtout il a perdu son sous-titre, "une histoire d’amour", si alléchant, au profit d'un alignement des noms des deux auteurs. Demeure la fresque de plusieurs pages muettes ouvrant cette histoire de cache-cache où un gamin invite chez lui une hyène, répugnant animal, qui serait une princesse ensorcelée.
Dans "Chapeau!" (Seuil Jeunesse, 2003) album en boucle et sans texte, Rotraut Susanne Berner réussit à traiter le thème du chapeau volant après l'immense Tomi Ungerer !Tout commence un jour de grand vent où une rafale emporte le haut-de-forme du héros. On suit le couvre-chef de page en page. Sa course folle traverse des paysages aussi différents qu'un pont sur l'eau ou un arboretum. Avec toujours ce sens du détail qui enrichit l'histoire ou modifie l'apparente normalité des choses qui caractérise l'illustratrice allemande: un oiseau différent sur chaque branche du saule, des animaux familiers ou ceux du zoo qui construisent des historiettes parallèles, des personnages qui réapparaissent à différents endroits. Simple, pseudo-naïf et réjouissant. Pour les tout-petits.
Dimanche en famille. Tania la petite chatte se retrouve coincée dans un dimanche d'adultes. Heureusement, elle a reçu un cadeau, une balle qu'elle teste immédiatement. "Tania et le ballon rouge" (Albin Michel Jeunesse, 2003) est un plaidoyer pour la lecture. Car la balle de Tania atterrit chez un voisin, un chien bougon nanti d'un oiseau noir peu amène. Va- t-elle récupérer son bien? Oui, si elle montre ce qu'elle sait faire : du judo, des crêpes et aussi... la lecture ! Un album très réussi où tout est à regarder. Dès 4 ans. (, 48 pp., 10 euros.)·
Simple d'apparence, le trait caractéristique de Rotraut Susanne Berner, recèle en réalité d'innombrables finesses, détails importants et malices diverses qui lui donnent une vraie richesse. Dans "Ah non! Et alors?" (Seuil Jeunesse, 2005), deux poules, une noire et une blanche, discutent. Discutaillent. Se chamaillent presque. A chaque proposition de l'une, l'autre trouve un prétexte d'obstruction. Se promener? Il y a "un "nuage! Pourtant, un parapluie est là. Sans manger? Pourtant, un pique-nique est là. Plutôt lire? Pourtant, le bouquin peut accompagner... Et ainsi de suite. Ponctuées par les illustrations expressives, les répliques se succèdent à chaque double page. Drôles, un peu amères aussi tant elles épinglent ces humains qui s'interdisent on ne sait trop pourquoi les plaisirs à leur portée. Mais Rotraut Susanne Berner ne fait pas de morale, sa pirouette finale rétablissant l'équilibre le prouve: elle célèbre la grande amitié entre deux poules qui se connaissent, s'apprécient et se respectent.
Moins démonstratif mais tout aussi peu conventionnel est l'album "Les trois vœux de Barbara" (La joie de lire, 1997) de Franz Hohler et Rotraut Susanne Berner, réédité en 2006. On y fait la connaissance d'une demoiselle mécontente. Barbara, 7 ans environ, a de la peine à l'école, aussi bien en lecture, en écriture, en calcul qu'en gymnastique ou en dessin! Pas assez jolie à son goût et en manque d'amies. Si elle pouvait faire un vœu, elle choisirait de "ressembler à une princesse" et d'"être la meilleure de sa classe".
Justement, une nuit, elle reçoit la visite d'une fée qui lui offre un vœu. Et Barbara choisit des souliers bleus, ceux que sa mère lui a refusés au magasin un peu plus tôt. A la récré suivante, elle est l'élève la plus rapide de la classe et devient amie avec Alex. La fée viendra encore deux fois. Chaque fois, Barbara écoutera son désir du moment, un stylo rouge et un perroquet! Des souhaits apparemment peu raisonnables mais qui lui permettent de grandir, en suivant son propre chemin. Une histoire bienfaisante, tendre et juste.
L'annonce a aussi été l'occasion pour Wally De Doncker, le président de l'IBBY d'émettre un appel à toutes les bibliothèques de donner des cartes d'accès aux enfants réfugiés, comme cela se fait à Lampedusa. "Pour que chaque enfant ait accès aux livres et à la lecture!", a-t-il martelé.
De ce dernier, je ne dirai rien puisque je n'ai pas lu l'unique de ses titres traduit en français, "Bronze et Tournesol" (traduit du chinois par Brigitte Guilbaud, Picquier Jeunesse, 2010). Mais l'éditeur est de qualité. A noter que le livre est sorti en 2005 en Chine.
L'auteur est né en janvier 1954 à Yancheng, une ville du nord-est de la province du Jiangsu. Il est à la fois professeur de littérature chinoise à l'université de Pékin et auteur à succès de livres pour enfants, avec à son compteur plus de cinquante romans et nouvelles.
Rotraut Susanne Berner.
Née le 26 août 1948 à Stuttgart, Rotraut Susanne Berner est plus connue du public francophone puisqu'on découvre son important travail dès 1987 et "Les deux froussards" de Gudrun Mebs (Casterman). Elle est aussi l'illustratrice du célèbre roman "L'enfant du dimanche" de Gudrun Mebs (Gallimard Jeunesse, 1988). "Marie Martin", toujours avec la même, sort en 1990 chez Gallimard et reçoit le prix Bernard Versele en catégorie 4 chouettes en 1992.Des albums apparaissent alors, toujours de qualité mais un peu boudés par le public. Notamment "L'Aventure" (Editions du Sorbier, 1996, épuisé), en solo, où Louison, la jeune chatte souriante, envoie son ballon dans une la maison voisine, peu rassurante, occupée par un chien peu sympathique et son perroquet. Le livre ressortira sous le titre de "Tania et le ballon rouge" (lire plus bas).
Ou ce conte inédit de la poétesse américaine Sylvia Plath, "Ça-ne-fait-rien", (Gallimard, Folio cadet, 1998) qui montre comment Maximilien Nix, 7 ans, dit Max, parvient à obtenir un costume pour tous les jours de l'année. Il deviendra plus tard "Le rêve de Max" (Gallimard).
A partir de cette époque, Rotraut Susanne Berner sera principalement traduite en français chez deux éditeurs, La joie de lire qui le fait toujours, le Seuil Jeunesse qui a abandonné en cours de route. Elle-même se partage entre deux styles, les albums pour les tout-petits, souvent des imagiers où cohabitent plein de mini aventures (la série des "Tommy" ou les livres des saisons) et les albums pour les grands de maternelles, beaucoup plus grinçants ou énigmatiques malgré leur apparence enfantine.
"La princesse arrive à quatre heures" a connu deux versions, la première au Seuil Jeunesse, en 2001. Le titre y précise qu'il s'agit d'une histoire d'amour due à l'Allemand Schnurre. Difficile de résister à une telle annonce. Les premières pages découpent une longue fresque: une maison (cheminée fumante) au milieu de fleurs, roses et cactées confondues, un trottoir où apparaît un gamin photographe étrangement chapeauté d'un béret à queue d'animal, l'entrée du zoo, but de la promenade et les premières cages. Parfois bizarrement peuplées: lion, singe et ours y règnent seuls mais d'autres abris regroupent plusieurs espèces. Fin de la fresque, début du texte, avec la présentation d'une hyène puante aux yeux larmoyants. A partir de ce moment, le lecteur est cuit. Comment mettre en doute la parole de l'infect animal qui annonce à son visiteur qu'elle est une princesse ensorcelée et que seule une invitation à prendre le café pourra la délivrer? Comment être insensible aux dessins exquis de Rotraut Susanne Berner qui racontent les préparatifs du goûter? Quatre heures arrivent. La hyène sonne à la porte. Découvre, apparemment émue, les mille attentions dont elle a été l'objet. Et en profite au-delà de toute raison. L'hôte, dont toute la maison respire l'amour qu'il porte aux animaux du zoo, attend le prodige promis. En vain, car la hyène n'est qu'une menteuse. Mais le garçon ne le savait-il pas déjà dans un petit coin de sa tête? Plus que lui, c'est le lecteur qui est "attrapé" par cet album très réussi.
Ce livre formidable ressort en 2012 à La Joie de lire dans une version revue et titré cette fois "La princesse vient à quatre heures" (traduit de l’allemand par Marion Graf). La nouvelle traduction est plus enlevée mais qui irrite l'oreille quand elle dit "l'hyène" (forme autorisée) plutôt que "la hyène". Le titre a été modifié: "vient" remplace "arrive". Surtout il a perdu son sous-titre, "une histoire d’amour", si alléchant, au profit d'un alignement des noms des deux auteurs. Demeure la fresque de plusieurs pages muettes ouvrant cette histoire de cache-cache où un gamin invite chez lui une hyène, répugnant animal, qui serait une princesse ensorcelée.
Dans "Chapeau!" (Seuil Jeunesse, 2003) album en boucle et sans texte, Rotraut Susanne Berner réussit à traiter le thème du chapeau volant après l'immense Tomi Ungerer !Tout commence un jour de grand vent où une rafale emporte le haut-de-forme du héros. On suit le couvre-chef de page en page. Sa course folle traverse des paysages aussi différents qu'un pont sur l'eau ou un arboretum. Avec toujours ce sens du détail qui enrichit l'histoire ou modifie l'apparente normalité des choses qui caractérise l'illustratrice allemande: un oiseau différent sur chaque branche du saule, des animaux familiers ou ceux du zoo qui construisent des historiettes parallèles, des personnages qui réapparaissent à différents endroits. Simple, pseudo-naïf et réjouissant. Pour les tout-petits.
Dimanche en famille. Tania la petite chatte se retrouve coincée dans un dimanche d'adultes. Heureusement, elle a reçu un cadeau, une balle qu'elle teste immédiatement. "Tania et le ballon rouge" (Albin Michel Jeunesse, 2003) est un plaidoyer pour la lecture. Car la balle de Tania atterrit chez un voisin, un chien bougon nanti d'un oiseau noir peu amène. Va- t-elle récupérer son bien? Oui, si elle montre ce qu'elle sait faire : du judo, des crêpes et aussi... la lecture ! Un album très réussi où tout est à regarder. Dès 4 ans. (, 48 pp., 10 euros.)·
Simple d'apparence, le trait caractéristique de Rotraut Susanne Berner, recèle en réalité d'innombrables finesses, détails importants et malices diverses qui lui donnent une vraie richesse. Dans "Ah non! Et alors?" (Seuil Jeunesse, 2005), deux poules, une noire et une blanche, discutent. Discutaillent. Se chamaillent presque. A chaque proposition de l'une, l'autre trouve un prétexte d'obstruction. Se promener? Il y a "un "nuage! Pourtant, un parapluie est là. Sans manger? Pourtant, un pique-nique est là. Plutôt lire? Pourtant, le bouquin peut accompagner... Et ainsi de suite. Ponctuées par les illustrations expressives, les répliques se succèdent à chaque double page. Drôles, un peu amères aussi tant elles épinglent ces humains qui s'interdisent on ne sait trop pourquoi les plaisirs à leur portée. Mais Rotraut Susanne Berner ne fait pas de morale, sa pirouette finale rétablissant l'équilibre le prouve: elle célèbre la grande amitié entre deux poules qui se connaissent, s'apprécient et se respectent.
Moins démonstratif mais tout aussi peu conventionnel est l'album "Les trois vœux de Barbara" (La joie de lire, 1997) de Franz Hohler et Rotraut Susanne Berner, réédité en 2006. On y fait la connaissance d'une demoiselle mécontente. Barbara, 7 ans environ, a de la peine à l'école, aussi bien en lecture, en écriture, en calcul qu'en gymnastique ou en dessin! Pas assez jolie à son goût et en manque d'amies. Si elle pouvait faire un vœu, elle choisirait de "ressembler à une princesse" et d'"être la meilleure de sa classe".
Justement, une nuit, elle reçoit la visite d'une fée qui lui offre un vœu. Et Barbara choisit des souliers bleus, ceux que sa mère lui a refusés au magasin un peu plus tôt. A la récré suivante, elle est l'élève la plus rapide de la classe et devient amie avec Alex. La fée viendra encore deux fois. Chaque fois, Barbara écoutera son désir du moment, un stylo rouge et un perroquet! Des souhaits apparemment peu raisonnables mais qui lui permettent de grandir, en suivant son propre chemin. Une histoire bienfaisante, tendre et juste.
L'annonce a aussi été l'occasion pour Wally De Doncker, le président de l'IBBY d'émettre un appel à toutes les bibliothèques de donner des cartes d'accès aux enfants réfugiés, comme cela se fait à Lampedusa. "Pour que chaque enfant ait accès aux livres et à la lecture!", a-t-il martelé.