Chronique « Soleil brulant en Algérie »
Scénario et dessin de Gaëtan Nocq,
Public conseillé : Adultes,
Style : Guerre
Paru aux éditions « La Boite à bulles », en mars 2016, 240 pages couleur, 20 euros,
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L’Histoire
Soleil brulant en Algerie est tiré du récit d’Alexandre Tikhomiroff. Il relate son service militaire au début de la guerre d’Algérie. C’est une auto-fiction, non pas au sens d’une histoire inventée, ou brodée sur l’histoire vraie de l’auteur, mais plutôt une histoire vraie racontée sous forme romanesque. La forme fait penser aux films de la nouvelle vague ; on entendrait presque Jean-Pierre Leaud nous décrire les événements de sa jeunesse.
Le récit démarre de l’enrôlement du jeune conscrit et se finit à Paris. Entre temps le jeune homme aura passé plus de deux ans en Algérie. Ces deux longues années où lui furent épargnés la plupart des ignominies de cette guerre. Il est le témoin, pas l’acteur, sauf à la fin quand il revient à la vie civile.
C’est un sentiment qu’ont pu ressentir ceux qui ont fait leur service militaire. Le système, les gradés, vous amène à une grande passivité et de mollesse intellectuelle.
En fait il faut avoir vécu ce genre de situation pour accepter l’absence de résistance réelle de l’auteur. Il était pourtant proche du parti communiste, seul grand parti opposé au maintien de la présence française en Algérie à l’époque. Moscou, à l’époque, était certainement plus intéressé par une sortie de la France de ce pays que la véritable accession à l’autonomie du peuple Algérien…
Le récit nous promène sur plus de deux ans et suit l’évolution de la tension, les humiliations et les violences de plus en plus abjectes. On y voit la vie militaire et son absurdité entretenue dans les casernes. On y voit les soldats qui trichent pour rendre supportable leur quotidien.
On découvre l’Algérie telle que la présente les pieds noirs, un fantasme. Un pays calme et accueillant où soudain la violence criminelle explosait dans la rue, sur un marché, dans un village.
La fin du livre se situe à Paris. J’ai retrouvé l’ambiance que décrivait Dans l’ombre de Charonne de Désirée et Alain Frappier. On découvre Barbara, chanteuse engagée, devenue aujourd’hui une icône.
Le dessin
Mr Gaétan Nocq, vous avez un sacré joli coup de crayon. Et je parle de crayon fort à propos puisqu’il s’agit de crayonnés.
Ce récit d’évènements violents, d’une époque mouvementée apparait avec sérénité. Comme si enfin on pouvait aborder ce sujet comme cela : avec sérénité.
Des ombres superbes, la mer magnifiquement représentée, ces hommes qui deviennent des insectes (une métaphore des militaires…), c’est très beau. J’ai beaucoup aimé vos cases sans contours et pourtant avec des bords francs, qui laissent l’imagination déborder de la case. Et puis ces mêmes contours qui disparaissent de temps en temps parfois progressivement, parfois avec le soleil. Beaucoup de vos cases rappellent les clichés de l’époque, en noirs et blancs, parfois surexposés comme vos portraits en pleins soleil…
Les jeux de cases sont bien vus, comme cette série sur deux pages des soldats qui font face à l’adjudant. Il occupe toutes les cases sauf une grande, continue, en bas de la page. Non vraiment j’ai été très agréablement surpris par vos choix du crayonné, de l’absence de cadres, des gris et du blanc, par vos jeux de cases sans effets majeurs, tout en douceur, en sérénité. En fait ce dessin est tout à fait en accord avec le format du texte – Une belle partition à deux instruments, bien équilibrée.
Il s’agit là d’une jolie BD, qui ne donne pas de leçon, même si son positionnement politique ne fait aucun mystère.