Ce sont ces deux idées qui se télescopent ici, à savoir la critique au vitriol de la télé-réalité, et le racisme et la stigmatisation de ceux qui sont différents. Dans ce récit les jeunes doués de super-pouvoirs sont d'ailleurs les cobayes d'expériences inhumaines, qui visent à exploiter, et surtout reproduire leurs pouvoirs. Le gouvernement a choisi de pacifier les tensions entre individus doués de talents fabuleux (ou pas, certains pouvoirs sont juste esthétiques) et les autres en instaurant un apartheid eugéniste qui fait les choux gras de la science et de la politique. Au milieu de tout cela, Tommy cherche encore sa vraie place... Son "taux de pouvoir" est encore à zéro pour cent, il ne peut et ne sait rien faire de particulier, et pourtant il va se retrouver malencontreusement piégé dans l'arène de America's Got Powers, où sans le savoir il va libérer des forces colossales, accédant ainsi à son quart d'heure de gloire, et remettant en cause les fondements même d'un système capitaliste et médiatique où la haine, l'exclusion et le profit sont les seules mamelles qui nourrissent une population aveugle et abêtie.
Brian Hitch est le dessinateur de cette série, qui comprend en tout six parties, et deux petits tomes publiés en Vf chez Panini. Si ses travaux précédents (depuis la grand classique Ultimates) avaient laissé entendre une baisse de régime sensible, ici il retrouve des standards qualitatifs fort élevés, et livre des planches truffées de détails, appliquées, évitant l'écueil de la surcharge. On redécouvre son style fait de vignettes se détachant sur fond blanc, avec notamment l'emploi régulier de cases horizontales en longueur, offrant respiration et largeur de vue à des plans réussis, où les personnages sont toujours saisis en mouvement, en vie. Ross lui a du mal à tenir le rythme sur la distance. S'il peut s'appuyer sur un pitch de départ classique mais abordé sous un angle quasi jouissif par moments, il finit par semer la confusion et vouloir embrasser trop d'idées qu'il ne parvient à à transcrire avec clarté. Animée de vraies belles intentions, traversée de brèves fulgurances qui justifient à elle seules que vous vous penchiez sur ce travail, cette histoire perd de sa force et sa pertinence au fur et à mesure qu'elle progresse et s'éloigne de ses intentions. On a le sentiment d'une petit chef d'oeuvre manqué, mais qui se laisse lire agréablement, malgré tout.A lire aussi : Justice League of America #1, avec Bryan Hitch au dessin