JAUFFRET Régis
Le Lecteur a croisé plus succinct que lui. Sur un minuscule post-it. Papier bleu. Collé par un précédent Lecteur, donc un autre que Lui, sous le titre du " roman ". Deux mots. Le premier en lettres minuscules : " Minable ! ". Le second, en lettres majuscules (et souligné deux fois) : " POUBELLE ".
Donc du mécontentement, de la frustration, de la colère. Qui anticipèrent sur l'indifférence du Lecteur, le rédacteur de notes anodines, lesquelles ne préconisent pas l'enfouissement préalable à un tri sélectif, mais le simple abandon sous un amas de vieux journaux, de désuets tracts politiques, d'anodines publicités, de revues érotiques périmées. Ce qui paraît conforme aux espérances de Régis Jauffret ? " Il n'est plus temps pour moi d'inventer l'éternité. Vous croyez que l'avenir rêve de nous ? Que les générations futures se souviennent de nos pauvres gueules ? Nous sommes des personnages crayonnés, la mort nous gomme... "
Restera le souvenir de cette curieuse rencontre avec un Lecteur anonyme, personnage totalement accessoire et quasiment inutile aux yeux des ploutocrates qui règnent sur les palais de la lecture publique. Un moment de vrai plaisir même si Lui, le Lecteur non anonyme, exprime sur l'œuvre du sieur Jauffret un point de vue moins radical. Un instant de partage. Sans que fut sali ou abîmé l'objet " livre ", objet dont la sacralité ne tient bien souvent, toujours aux yeux des ploutocrates régnant sur la Lecture Publique, qu'à ses seules apparences (et aux téléramatisations hebdomadaires).