Sa soeur Isabelle, 18 ans, s'installe à Paris le jour de l'entrée de Allemands dans la ville. Impétueuse et pleine d'idéaux, elle s'engage dans la Résistance sous le nom de code "Le Rossignol".
Deux soeurs, deux destins. Chacune jouant sa propre survie dans la France occupée.
Je ne suis pas très "romans de guerre", il suffit de faire défiler le blog pour s'en rendre compte. Pourtant, le résumé de celui-ci et la pluie de louanges le concernant dans sa version originale m'ont vraiment donné l'envie de le découvrir (et le hasard a voulu que j'en enchaîne deux sur le sujet, grâce au Prix horizon) (et oui, un jour, j'arriverai à trouver le temps de vous en parler...). Eh bien! je suis ravie d'avoir pris le risque de sortir de mes sentiers battus, parce que, malgré quelques bémols, j'ai adoré ce petit pavé. Il n'a pas fait long feu, c'est tout dire!
J'en viens tout de suite aux bémols en question, histoire de m'en débarrasser. J'ai trouvé, parfois, que les choses étaient un peu rapides. On comprend bien que les deux soeurs sont de tempéraments fort différents, mais leur réaction face au discours de Charles de Gaulle, par exemple, m'a vraiment semblé être rapide et manquer de réflexion, de recul. Elles le disent elles-mêmes : elles ne savent absolument pas qui il est, d'où il sort, mais chacune prend directement position, sans (presque) en discuter. J'avoue que ça m'a un peu gênée. J'ai aussi trouvé que l'auteur répétait un peu trop souvent certains détails, comme le fait que Vianne cuisine dans des casseroles et poêles en fonte, avec une goutte, forcément précieuse, d'huile. Alors certes, c'est un détail, mais c'est le genre de choses qui m'énerve quand ça se reproduit trop souvent (là, pour l'instant, c'est le "pour autant" de Rainbow Rowell, j'ai envie de lui dire de se taire à chaque fois que je le vois venir. Bref...).
Pour autant ( ^^ ), j'ai été presque immédiatement embarquée dans la vie de Vianne et d'Isabelle. Ces deux jeunes femmes au lourd passé familial (mère décédée, père absent et psychologiquement détruit par la première guerre) dont les relations ne peuvent être que difficiles et qui peinent à s'apprécier... et à se le dire. J'ai aimé l'absence de manichéisme qui voudrait que les Allemands soient forcément tous des ordures et les Français des résistants. J'ai aimé que certains aient des secrets pour protéger les autres autant qu'eux-mêmes. J'ai aimé être aux côtés de Vianne, la voir protéger sa fille du froid et de la faim autant que du danger. J'ai aimé la voir changer au fil des pages, ou plutôt la voir admettre qu'elle ne pouvait pas toujours aller contre ses convictions et ses principes, quand bien même ils ne seraient pas sans risques.
Être plongée ainsi dans la vie quotidienne de ces personnes ordinaires, de ces familles brisées, c'est remuant. Parce que, me semble-t-il, et peut-être plus encore en étant mère, il m'est impossible de ne pas se demander ce que j'aurais fait, moi, dans ces conditions. On aimerait sans doute tous pouvoir se dire qu'on aurait résisté, qu'on se serait battu, qu'on aurait pris des risques pour protéger son voisin, mais le jurerions-nous? Finalement, le rôle le plus difficile, est-il celui d'Isabelle, idéaliste, totalement inconsciente du danger, qui traverse les Pyrénées à pieds pour aider des aviateurs alliés à quitter la France, ou celui de Vianne qui doit composer avec la présence chez elle d'un officier et concilier sa conscience avec la protection de sa fille?
Kristin Hannah ne nous épargne rien de la faim, du froid, des bombardements, de la cruauté gratuite, de l'enfer des camps. Elle montre l'incrédulité, la stupeur et l'horreur des Français face aux actes de leur propre gouvernement. Elle sépare des familles, meurtrit, blesse, déporte, laisse mourir. Et éclaire ses pages de l'action de quelques-uns de ces Justes. Dix-neuf enfants mis à l'abri, ce n'est pas beaucoup, dit Vianne. C'est pourtant énorme, dans ces circonstances.
Chaque page se tourne avec un étrange mélange d'espoir, de crainte et de désillusion. On sait ce qui va se passer, c'était dans nos cours d'histoire il y a des années; on sait que la rafle du Vel' d'Hiv' aura lieu, on sait que la majorité des déportés ne reviendra pas, et malgré tout Kristin Hannah arrive à nous faire ressentir le choc, la crainte et la douleur en même temps que ses personnages, jusque dans les scènes se déroulant après la libération des camps, lorsqu'elle nous fait croiser ces survivants décharnés, ces regards vides.
Le chant du rossignol un roman sensible, qui remue, qui se dévore, qui fait stresser parfois, qui touche et émeut souvent, qui fait sourire aussi (ah! cette impression d'entendre Roland Giraud en général Spontz quand Beck prend la parole...), et dont la fin (ou plutôt l'antépénultième chapitre, pour être précise) m'a fait pleurer comme ce fut rarement le cas, d'un vrai chagrin. Un roman qui m'a fait rencontrer des personnages bouleversants et forts, chacun à leur façon, notamment le petit Ari qui m'a particulièrement touchée.
Merci aux éditions Michel Lafon pour cette très très belle découverte !