Nouvelliste et romancier Liu Qingbang est né en 1951 dans le Henan, province pauvre du centre de la Chine. A 16 ans, il quitte le collège pour devenir paysan, puis mineur. Après des années passées au fond d’un puits, il travaille pendant huit ans comme journaliste au Département de la Propagande de la mine. Il est ensuite envoyé à Pékin pour collaborer au Journal des ouvriers des mines de Chine. Parallèlement et depuis 1972, il écrit et l’un de ses textes (Le Puits) a été adapté au cinéma sous le titre Blind Shaft, couronné de plusieurs prix internationaux, dont un Ours d’argent au festival de Berlin.
Cataclysme, édité en 2011, est un recueil de trois nouvelles, Nouvel An à la mine, Cataclysme et Automnale, parues dans des revues chinoises en 2006 et 2007.
Nouvel An à la mine, est la courte tranche de vie d’un jeune couple avec enfant, dont le mari travaille à la mine à plusieurs centaines de kilomètres du village où ils habitent. La femme prépare le repas de fête dans l’attente du retour de son époux, lequel lui apprend qu’il n’a pas obtenu de permission pour rentrer. Bien décidée à partager la Fête du Printemps avec sa petite famille au complet, la femme et l’enfant partent rejoindre l’homme sur son lieu de travail. Cataclysme, évoque un monstrueux ouragan tropical causant une énorme inondation qui oblige un village entier à déguerpir provisoirement. Seuls, deux hommes restent pour surveiller les silos à grains, réfugiés dans les hautes branches d’un arbre. Enfin, Automnale, désopilante histoire d’un pochetron disparu dans la nuit et recherché par sa femme, est-il coincé dans les latrines, s’est-il noyé dans la rivière ou bien est-il chez la coiffeuse du village, une drôlesse qui propose à ses clients masculins, quand la boutique est vide, « une mise en plis, (…) lui rouler le bigoudi » ?
Un bien joli petit recueil de textes traitant des gens simples, à la mine (on sent bien le vécu grâce à l’expérience de l’écrivain) ou à la campagne. C’est exotique, que ce soient les rites des fêtes et les traditions gastronomiques mais aussi les mentalités, quand approche l’inondation il est logique d’abandonner les faibles et les grabataires sur place. Si la troisième nouvelle est un peu à part, très drôle avec un ton grivois ou légèrement vulgaire pour coller au parler des acteurs ruraux très bas de gamme, les deux autres sont délicatement écrites mais toutes, pleine d’empathie pour leurs personnages. On imagine que tous ces gens ne sont pas bien riches mais jamais cela ne transpire dans la lecture, ce n’est pas du Zola. La notion de chagrin n’est jamais exprimée ou montrée, ni pour celle qui repêchera son mari noyé, ni pour l’un des hommes resté au village à surveiller les silos, « A vrai dire, d’ailleurs, il n’en éprouvait pas de chagrin, n’arrivait même pas à pleurer, ce grand coup de massue du déluge le laissait assommé. »
J’ai lu quelque part à propos de Liu Qingbang, « Il considère qu’une nouvelle réussie doit laisser le lecteur l’esprit absent, les idées en suspens ; contrairement à ceux qui considèrent qu’il faut « saisir » le lecteur, il pense plutôt qu’il faut le laisser à ses pensées, pour qu’il lui reste ensuite comme un arrière-goût, un effluve discret qui persiste longtemps après la fin de la lecture. » Si on s’en réfère à ces critères, ce recueil est parfaitement réussi.