Les derniers jours de superman : quand alan moore rencontre le dernier kryptonien

Par Universcomics @Josemaniette
Les derniers jours de Superman, publié chez Urban Comics, est en fait un petit florilège de récits écrits par le scénariste anglais Alan Moore dans les années 80. Je pourrais tout aussi bien remplacer le terme récit par chef-d'œuvre, quand il s'agit d'histoires marquantes et qui aujourd'hui encore conservent une aura toute particulière. La plus célèbre d'entre elle est probablement la première présentée, à savoir Superman Annual #11, comic-book qui présente un superman figé dans sa forteresse de solitude. Sur la poitrine on découvre une plante parasite qui a fusionné avec son corps, et qui a plongé son esprit dans un état catatonique, le transportant dans une illusion mentale, le poussant à vivre une existence rêvée qui n'a jamais eu lieu, sur Krypton, en présence d'une hypothétique femme et de ses encore plus hypothétiques enfants. Mais dans la réalité Superman a une chance unique de s'en sortir, le renfort inattendu de Batman, Wonder Woman, et le tout jeune Robin, qui sont venus lui rendre visite au cercle arctique, afin de lui apporter ses traditionnels cadeaux d'anniversaire. On notera au passage que le pauvre Jason Todd (le second Robin) doit bien se les geler en culottes courtes sur la banquise, lui qui a de surcroît l'audace de faire des remarques sur la tenue plus que légère de l'Amazone au lasso. Cette histoire nous permet également de rencontrer Mongul, un alien surpuissant capable de rivaliser avec Superman en terme de force physique, et c'est aussi une excellente occasion pour se rendre compte du talent et de la grande facilité à raconter une histoire en images de Dave Gibbons (Watchmen). La clarté qu'il instille dans cette aventure est remarquable, les dessins sont précis, souples, et les expressions faciales particulièrement réussies et parlantes. Le dessinateur est autant à l'aise lorsqu'il s'agit de présenter des vignettes futuristes qui se rattachent à la science-fiction la plus classique, que lorsqu'il doit mettre en images de petites saynètes intimistes où des planches qui exsudent le combat. C'est vraiment une admirable réussite que nous lisons là, qui plonge à la fois dans les désirs et fantasmes inavoués du plus grand héros de la terre, et le rend ainsi plus humain que jamais, et joue avec malice sur le titre l'homme qui avait déjà tout, pour nous rappeler que fondamentalement Superman a déjà perdu l'essentiel, à jamais.

Place ensuite à Dc Comics Presents #85. Quand il s'agit d'aborder les derniers jours de Superman, il est logique d'évoquer sa mort. Ici, le surhomme n'en est plus très loin. Une météorite transportant un champignon kryptonien fatal a contaminé le héros, qui dès lors sent ses forces et ses pouvoirs défaillir, et l'abandonner inexorablement. Du coup, il prend le volant de sa voiture et roule vers le sud, pour s'en aller succomber au soleil, loin de tous. C'est probablement ce qui finirait par arriver, s'il ne rencontrait pas en chemin un certain Swamp Thing, la créature des marais, qui va être de bon conseil. Moore est ici aidé par Rick Veitch aux dessins. Ce dernier est un habitué de l'horreur, du fantastique, et son travail oscille entre onirisme et cauchemar, avec un Superman au bout du rouleau, comme en témoigne sa barbe mal rasée. Ne riez pas, car lorsque vous voyez Clark Kent aussi négligé, le message est clair, il ne va guère bien,e t c'est sérieux. On pourra sourire de cet artifice esthétique, mais cet épisode est bien mené et fort sympathique à lire. 

On en termine avec un diptyque qui est une pure merveille. Juste avant que ne débarque le reboot de l'univers de Superman, au terme de Crisis on Infinite Earths (confié à John Byrne, grâce à une mini série sobrement nommée Man of Steel), Alan Moore se voit confié l'opportunité d'écrire la dernière histoire de Superman, le point final de décennies d'aventures, pour boucler les mensuels que sont Action Comics et Adventures of Superman. Un récit en deux parties, où Lois Lane, mariée et mère de famille, relate à un journaliste les derniers jours de Superman, une décennie auparavant, sous forme de souvenirs héroïques. Tous les ennemis du justicier se liguent contre lui, à tour de rôle, et chacun apporte sa pierre à l'édifice, pour en finir avec la légende. La situation se corse quand Brainiac s'empare du corps de Lex Luthor, pour en faire sa marionnette, et lance l'attaque définitive, en compagnie de l'Homme de Kryptonite. Le grand combat qui se prépare dans la Forteresse de Solitude s'annonce tragique, comme en témoigne une touchante visite de la Légion des super-héros, venue rendre hommage une dernière fois à Superman. Un grand plaisir accentué par le trait classique et souple de Curt Swan, délicieusement rétro et encré avec soin par George Perez et Kurt Schaffenberger. C'est beau, tout simplement, prenant, poignant. Un dernier adieu magnifique, intelligent, qui en ferait presque regretter le reboot qui a suivi derrière. Une belle preuve d'amour, écrite par un scénariste des plus inspirés. Vous l'aurez compris, cet album est hautement recommandé. 

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