Le samedi, c'est jeunesse!

Par Marie-Claude Rioux
Deux nouveaux coups de cœur jeunesse avec une histoire aux résonances (trop) actuelles et une nouvelle version du Petit Chaperon rouge pas piquée des vers.L'exil, l'immigration et l'intégration sont au cœur d'Avec trois brins de laine (on peut refaire le monde)J'étais encore petite quand tout cela est arrivé. Je n'avais que huit ans et je vivais dans un pays où brillait toujours le soleil, mais où peu d'enfants allaient à l'école.Mes parents vivaient le front plissé, car beaucoup de choses les inquiétaient, des choses que je ne comprenais pas bien, des mots qu'ils se chuchotaient l'une à l'autre: «ignorance», «peur», «guerre», «prison»…Un jour, je les ai entendus prononcer le mot «exil». La ride sur le front de mon père s'est creusée profondément et, le lendemain à l'aube, nous sommes partis.Dans le pays «tout bien rangé, tout bien organisé» qu'ils rejoignent, la pauvreté n'existe pas et tous les enfants peuvent aller à l'école. Le quartier ressemble à des boîtes à chaussures grises posées à la verticale. Les vêtements des habitants sont tous identiques: les pulls gris, verts et oranges sont partout. Une vie monotone, une vie grise, où la conformité est de mise, faute d'imagination.Lorsque la mère s'empare d'une paire d'aiguilles et de trois pelotes de laine, c'est tout le quotidien de la famille et du quartier qui en est transformé. Lorsqu'arrive le printemps, un vent de fraîcheur souffle sur les habitants.Cet album s'inspire de l'histoire d'une famille portugaise qui a fui la dictature de l'État nouveau pour rejoindre la Tchécoslovaquie communiste. Aucun pays n'est nommé entre ces pages, conférant à cet album une portée universelle et atemporelle.Le texte d'Henriqueta Christina parvient, avec une simplicité désarmante, à mettre en mots des émotions complexes et une réalité difficile. «Vivre le front plissé» pour parler de l'inquiétude, c'est à la fois fort et très imagé. Les illustrations de Yara Kono, artiste brésilienne vivant au Portugal, risquent de ne pas plaire aux p'tits loups par leur côté vintage minimaliste. Moi, j'aime bien, mais je suis une vieille louve! Les pages aux couleurs sombres du pays natal gagnent en luminosité dans le pays d'accueil. Cette utilisation de la couleur s'avère astucieuse et efficace pour créer un changement d'ambiance.Un album percutant d'une grande justesse, à mettre entre toutes les mains, surtout par les temps qui courent.Avec trois brins de laine (on peut refaire le monde),Henriqueta Christina (texte) et Yara Kono (illustrations), Éditions des Éléphants/Amnesty International, 32 pages, 2016.  À partir de 7 ans. ♦                  ♦                  Encore une nouvelle version du Petit Chaperon rouge? Pourquoi se priver lorsque l'originalité et la fraîcheur sont au rendez-vous?Un grand méchant loup gourmand a élu domicile dans la forêt. Depuis, aucun enfant n'ose s'y aventurer. Mais c'est sans compter Perrine, la maline. Elle, un loup aux «crocs affûtés», au «ventre extra-élastique capable d'accueillir un enfant tout entier», ça ne lui fait pas peur pour deux sous. Pourquoi? Parce qu'elle a plus de jugeote qu'un loup «au cerveau pas plus gros qu'un petit pois».Aussi, lorsque Perrine part à la rencontre de la bête poilue et fait un pari avec lui, on se doute bien de qui sera le vainqueur...Cette nouvelle adaptation charme par sa fraîcheur et ses illustrations aux couleurs vitaminées. Les mots de Juliette Vallery créent un rythme endiablé truffé d'humour. La détermination et la ruse de lapetite et pas bien grosse Perrine, qui vient à bout du grand loup, ravira les tout-petits et fera sourire les plus grands.Croque-moi si tu peux!, Juliette Vallery (texte) et Clémentine Sourdais (illustrations), 28 pages, Amaterra, 2016. À partir de 4 ans.